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Avec Macron, une « révolution »...contre-révolutionnaire

Quand sonne l’heure du bilan, on s’aperçoit de la bouillie idéologique que sert Macron au pays. En raison de sa duplicité fondamentale et de la pandémie qui a décuplé la confusion de son discours, il faut y aller à la pelleteuse pour dégager les encombrants et apercevoir ses œuvres réelles.

Il y a du Blair et du Clinton, mais aussi du Berlusconi et du Trump en Macron. Il est une de ces créatures, à la fois pantin et acteur, provocateur et serviteur, dont la finance se dote. Son idéologie structurante est la théorie du ruissellement : la compétitivité est son système conçu pour fortifier les « premiers de cordée » qui, ultérieurement, fortifieront celles et ceux d’en-bas qui ne sont « rien ».

Il a essayé d’escamoter droite et gauche, de nier les oppositions entre les classes sociales, prétendant agir dans tous les sens « en même temps ». Ce brouillard qu’il a voulu jeter s’est vite dissipé : il a été rapidement étiqueté « président des riches » et s’est tellement révélé de droite, et d’une droite extrême – côté CAC 40, Medef, grands banquiers –, qu’une large partie de l’opinion en est à refuser de choisir entre lui et Le Pen.

C’était son projet

Dans son livre Révolution et ses tracts de campagne, il a d’abord défendu une « révolution » thatchérienne, une « France start-up », une « société sans statuts », « post salariale », ubérisée, débarrassée des cotisations sociales. Bref, une destruction totale du modèle social, économique et institutionnel existant en France.

On l’a vu s’engager à privatiser davantage tous les services publics, les hôpitaux, l’école, l’électricité, le train, le métro, l’eau, la forêt, les administrations. Pour ce faire, il s’est posé en souverain jupitérien, et a créé de toutes pièces son propre parti sans implantation sociale avec des commerciaux d’occasion. Il use du contrôle de 95 % des médias dont ses amis milliardaires le font profiter.

Piétiner le salariat pour servir le grand capital est son but premier : il a expliqué qu’il n’était « pas là pour défendre les jobs existants », mais pour faciliter les rotations, les démissions, les licenciements, la casse du Code du travail, celle des institutions représentatives du personnel, la fluidité de l’emploi. Il a truqué les chiffres du « halo » du chômage, développé les « indépendants » (c’est-à-dire des auto-entrepreneurs s’auto-exploitant à leur propre compte). Il y est pour une petite part parvenu puisqu’il a abaissé la part des actifs salariés de 90 à 88 %. Il a brouillé les frontières entre les CDI à temps plein, les temps partiels, les précaires, les sous-traitants des plateformes, les contractuels du secteur public, les ubérisés, les chômeurs.

Dans la foulée de Sarkozy et Hollande, il a continué à faire reculer les cotisations sociales pré-affectées au budget de la protection sociale : les cotisations allocations familiales, les cotisations chômage ont été supprimées. Il a transformé le CICE en cadeau permanent aux grandes entreprises, faisant franchir des seuils énormes aux exonérations de cotisations sociales salariales et patronales : il a entrepris de s’attaquer aux cotisations retraites avant que la pandémie ne le force à différer son projet.

Mais il lui a été impossible, de 2017 à 2021, de faire disparaître les 88 % de salariat à statut et ceux-là résistent tous les jours, partout. Il a eu droit aux mobilisations en défense du Code du travail dès 2017, à celles en défense de la SNCF en 2018, au mouvement des Gilets jaunes en 2018 et 2019, à celui sur les retraites en 2019 et 2020 : il aurait été balayé par le nombre de manifestants s’il ne les avait sauvagement réprimés, et si les médias aux ordres ne les avaient pas niés et caricaturés.

La pandémie survient

Et puis la pandémie balaye tous ces « projets ». D’abord, Macron est pris à contre-pied. Il est en plein effort pour imposer sa casse des retraites et des allocations chômage. Il a dépensé plus pour ses forces de l’ordre que pour la santé. Il a des casques, mais pas de masques. Il a des policiers, mais pas d’infirmiers. Il a désarmé l’hôpital, supprimé des dizaines de milliers de lits. Ça fait un an que tous les personnels des hôpitaux, crient « SOS » et sont en grève. Il ne les a pas écoutés.

Tout comme Trump, Johnson, Bolsonaro il ne veut pas de confinement. Le soir du 6 mars 2020, il s’écrie : « Allez tous au théâtre ! ». Et pourtant, il va fermer les lieux de spectacle et de culture.

Le capitalisme, c’est la recherche du profit maximum : pas question de s’arrêter d’exploiter et de produire. Macron est évidemment lui aussi pour le fric d’abord, mais scientifiques et médecins lui démontrent qu’il va y avoir de 300 à 400 000 morts et qu’il va le payer cher s’il ne prend pas les précautions nécessaires. Il penche donc, le 12 mars 2020, pour un confinement généralisé.

Macron, pour compenser retard et absence de mesures de prévention, a déclaré cinq fois « la guerre » au virus : mais ce n’était que de l’esbroufe ; il ne mène aucune guerre. Car, en temps de guerre, on aurait recruté et formé des centaines de milliers de soignants, fabriqué des millions de munitions, de bombes, de chars. Or, il n’a ni réquisitionné le privé ni rebâti un système de santé public en urgence. Au contraire, il a continué à faire voter une loi scandaleuse contre la recherche publique, à serrer la vis aux hôpitaux et à supprimer des lits. Macron a, certes, concédé un temps une priorité à la santé « coûte que coûte », à la vie plutôt qu’au profit. Mais, très vite, il s’est opposé « à n’importe quel prix » à un second confinement. Ce qui lui a valu d’être incompris et contesté quand il s’en tenait à un couvre-feu, métro, boulot, dodo, tout en interdisant les loisirs et la culture.

De la novlangue au déni

Sa langue de bois le rend haïssable pour des millions de citoyens. Le Monde du 26 février 2021 ironise sur le passage du « en même temps » à « l’attrape tout », la « perte de repères » d’une « pensée molle et pas très claire ». En quelques mois, la novlangue libérale de Macron subit de multiples transformations. Là où il affirmait qu’il n’y avait « pas d’argent magique », le voilà obligé de sortir cent milliards pour relancer l’économie. Là où il disait que l’Union européenne et la BCE étaient vigilantes sur la dette, voilà qu’il contribue à dégager 750 milliards pour la relance. Là où il prétendait que créer de la monnaie nourrissait l’inflation, voilà que la BCE prête des centaines de milliards à taux négatif.

Cela a brisé son argument principal, l’austérité budgétaire. Sur tous les tons, il affirmait qu’il ne fallait pas de déficit, pas de dettes, et il a grand ouvert les déficits et fait passer la dette à plus de 120 % du PIB, davantage que ce qui fut reproché par l’UE à la petite Grèce il y a douze ans.

À tel point que les « penseurs » libéraux qui entourent Macron, s’écharpent sur la question de la dette. Thierry Breton propose de ne la rembourser qu’entre 2038 et 2058. Bayrou d’isoler la « dette Covid » pour ne pas la rembourser à la différence des autres dettes. Elie Cohen et Alain Minc suggèrent de rendre la dette « centennale », c’est-à-dire de la payer dans un siècle. Mais Bruno Lemaire appelle à payer la dette à tout prix, d’autres à piller « l’épargne des ménages », d’autres encore à n’en pas parler tant que les banques prêtent à taux négatif… Cette dernière position semble curieusement l’emporter, comme si les libéraux avaient peur de réveiller des vieux fantômes tapis au fond des coffres bancaires.

Pour entendre Macron, il faut tourner chacun de ses mots à l’envers. Là où Macron faisait croire que l’ouverture des échanges profitait à tous, il lui a fallu relocaliser des productions de masques, de respirateurs, de médicaments – le désastre était trop profond pour la recherche et les vaccins. Là où son ancienne théorie était que la Bourse devait financer les entreprises, il a engagé une politique de dizaines de milliards de prêts publics, puisque garantis par l’État, mais accordés par les banques privées, qui en ont profité pour sélectionner leur clientèle de grosses entreprises au détriment des moyennes et petites.

Quand Macron a rendu un hommage appuyé aux « métiers de première ligne » – chauffeurs, éboueurs, nettoyeurs, gardiens, caissières, femmes de ménage, etc. – et parlé de récompenser les smicards qui ont continué de faire tourner le pays, ça n’a pas duré longtemps. Le Smic est été augmenté le 1er janvier 2021… mais de façon purement automatique, de 0,99 % ! Les inégalités se sont aggravées à une vitesse effrayante en pleine pandémie. Le journal Les Échos titrait que « le mois de novembre 2020 était le meilleur mois du CAC 40 depuis trente ans »…

Le fameux « plan de relance » de Macron a aussi été une esbroufe de vocabulaire ; il s’apparente plutôt à un plan d’austérité new look, consistant, comme les précédents, à faire passer de l’argent de bas en haut. Macron n’a rien fait pour contrôler les licenciements abusifs, ni en faveur du million supplémentaire de chômeurs, des dix millions de pauvres et alors qu’au total près de huit millions de nos concitoyens sont menacés par la faim. Bien au contraire, le gouvernement a décidé le 3 novembre dernier une baisse de 11 % du budget de l’aide alimentaire.

Le monde d’après pire que celui d’avant

Macron a refusé toute taxe même exceptionnelle sur les riches et les dividendes, refusé de hausser les impôts de ceux qui profitaient de la crise. Il a refusé de rétablir l’ISF, de supprimer la flat tax, de rendre à nouveau progressif l’impôt sur le revenu et sur les sociétés. Au contraire, Bruno Lemaire a accordé une nouvelle « baisse de l’impôt sur la production ». Il propose même une baisse des impôts sur l’héritage favorisant les plus fortunés.

La réalité est que les états d’urgence successifs votés de mars 2020 à février 2021 ont servi à durcir le monde du macronisme :

- difficultés administratives pour les nouveaux demandeurs de RSA ;

- refus d’encadrer le télétravail (conditions de travail matérielles, psychologiques et sociales, et salaires alors que la hausse de productivité est de 22 %) ;

- refus de contrôler et sanctionner l’ampleur des fraudes au chômage partiel ;

- nouvelle casse des services de l’Inspection du travail ;

- mesures contre les handicapés et les salariés vulnérables.

Toute une série de décrets ou de petites lois qu’il peut promulguer en abusant de l’état d’urgence dit « sanitaire »… Et le pire, c’est que tout cela semble passer inaperçu ! Qui, par exemple, a noté qu’il y avait une progression plus importante du budget des armées 2021 que du budget des hôpitaux ? Et plus de recrutement prévu de militaires que de soignants ? Qui se soucie de la casse de l’Office national des forêts ? Et de celle de l’Assurance garantie salaires (AGS) ? Elle concerne 100 000 salariés par an qui voient, lorsqu’une entreprise est en faillite, leur salaire garanti. Ils étaient au premier rang des créanciers ; maintenant ils sont au dixième – administrateurs, huissiers, et autres créanciers passent devant eux.

Qui dénonce l’achèvement de la démolition de la médecine du travail ? Suite à un accord national interprofessionnel négocié par la CFDT, elle recule encore, remplacée par la médecine de ville dont ce n’est ni la compétence ni la spécialité. La loi Lecoq passe en ce moment devant l’Assemblée, mais personne ne débat de ce sale coup.

Qui a noté cette aberration qu’est l’invention du « mentorat » ? Un système qui permet de verser 30 millions de plus aux grandes entreprises qui ont formé un « collectif mentorat » pour envoyer, deux ou trois jours par an, leurs cadres aller recruter les jeunes qui auront le profil patronal souhaité ?

Qui fait attention à cet allongement de 45 à 90 jours de la rétention administrative des exilés et autres migrants, par ailleurs maltraités de façon indigne puisque Macron envoie ses policiers au petit matin, par moins 5°C, lacérer leurs toiles de tente ?

Une idée : et si la gauche se rassemblait pour contrer ces sales coups ? Cette résistance unitaire pourrait même encourager les forces se réclamant de notre camp à continuer la lutte de concert à un niveau supérieur. Chiche ?

Cet article de notre camarade Gérard Filoche a été publié dans le dossier du numéro de mars 2021 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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