GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Écologie

Convention : manœuvres et déconvenues de Macron

Fin février s’est tenue en distanciel la huitième et dernière session de la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Depuis octobre 2019, celle-ci a connu plusieurs épisodes conflictuels qui se sont généralement déroulés à fleurets mouchetés. Mais depuis juin dernier, le conflit est ouvert avec le gouvernement sur la transposition de ses propositions en loi.

Dès la première session de la convention, il est apparu que les 150 citoyens tirés au sort s’opposaient à la hausse de la taxation du carbone qu’Emmanuel Macron avait dû abandonner devant la montée de la mobilisation des Gilets jaunes. Le président la République comptait sur la convention pour reprendre cette mesure et la légitimer, permettant au gouvernement de la remettre sur le tapis sans risquer de réveiller le mouvement social.

Les propositions des 150

Véritable direction politique de la convention, son comité de gouvernance avait mobilisé quatre experts favorables à cette taxation pour la défendre. Ces experts ont peu à peu permis aux conventionnels de s’approprier un ensemble de mesures connues par différentes sources, qui, au travers des discussions en séance plénière ou dans les commissions thématiques, ont produit une politique cohérente de lutte contre le réchauffement et le dérèglement climatique.

Il est vrai que, de rares fois, des mesures utiles n’ont pas été avalisées. Ce fut le cas d’une réduction importante de la semaine légale de travail (de 35 à 28h), seule rejetée parmi les 150 mesures étudiées. Une autre mesure, qui n’a pas fait le plein des voix, mais a néanmoins été retenue, est la réduction de la vitesse maximale sur autoroute, de 130 à 110 km/h. C’est la faible mobilisation pour cette réduction de la vitesse maximale qui a autorisé Emmanuel Macron à ne pas la reprendre.

De la même façon qu’il n’a pas retenu la préconisation d’augmenter de 4 % la taxation des dividendes (quand le portefeuille d’actions était supérieur à dix millions d’euros). Ces deux mesures et son refus de modifier le préambule de la Constitution forment les trois exceptions qu’il avait formulées le 29 juin en réponse aux 149 propositions établies.

Nous pouvions espérer que ces trois jokers seraient les seuls que nous aurions à combattre. Emmanuel Macron s’était clairement engagé à transmettre « sans filtre » nos propositions au Parlement.

Compromis ou compromission ?

Or, beaucoup d’entre nous furent surpris par les nombreuses exceptions que, l’un après l’autre, les ministres ont imposées dans le projet de loi Climat et résilience. Les lobbies ont obtenu gain de cause, avec le retrait de toutes les préconisations qui consistaient à faire financer la politique environnementale par les plus riches. Parfois, les mesures non retenues auraient permis de favoriser des modalités plus réductrices des émissions de gaz à effet de serre. C’était le cas de la réduction de la TVA sur les déplacements en train que nous voulions abaisser de 20 à 10 %.

Finalement, c’est l’ensemble des mesures proposées qui a subi une amputation lors de la transposition dans le projet de loi.

Évidemment, parmi les 150 conventionnels, il s’en est trouvé qui, voulant défendre Emmanuel Macron, ont considéré que ces modifications étaient regrettables, mais acceptables. Dans la mesure où il n’était pas introduit des éléments favorisant directement les émissions de GES, certains ont considéré que l’insuffisance de ceux-ci ne leur imposait pas de les refuser. Selon leur argumentation, on pouvait, en effet, exiger davantage mais « c’était déjà ça ». Nous pouvions considérer qu’il s’agissait d’un compromis.

Mais, surprise pour beaucoup de conventionnels : les conclusions de cette huitième session de la CCC montrèrent que telle n’était pas l’opinion de la majorité. C’est ce que révéla le vote de clôture.

Il s’agissait de noter, sur une échelle de 0 à 10, l’insatisfaction ou la satisfaction que procurait la transcription retenue dans le projet de loi. Une appréciation supérieure à 7 ou 8, par exemple, signifiait qu’il constituait un compromis acceptable.

Une telle insuffisance peut être considérée comme un compromis, seulement dans le cas où elle a pour effet, de retarder la réalisation finale attendue, mais de ne pas l’empêcher.

Résultats très insuffisants

Mais cette amputation de nos propositions ne pouvait pas être considérée comme un tel compromis : elle méritait un zéro pointé car, dans le cas du réchauffement climatique, tout retard conduit à un emballement qui rendra plusieurs régions de la planète inhabitables jusqu’à empêcher la survie de l’humanité. Tout compromis est donc en la matière une faute impardonnable. C’est ainsi que l’a compris la majorité des conventionnels, puisque l’appréciation de l’écart entre nos préconisations et les dispositions du projet de loi a débouché sur une moyenne de 3,5, dénotant un résultat insuffisant, voire très insuffisant.

C’est un début et nous devrons faire payer beaucoup plus cher à Emmanuel Macron sa servilité envers les lobbies.

Cet article de notre camarade Pierre Ruscassie (adhérent de la GDS 64 et membre de la CCC) a été publié dans le numéro de mars de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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