GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

L’austérité contre les peuples !

Ces dernières semaines, dans toutes les capitales européennes, on chante le même refrain. Bien que la partition soit jouée par des chefs d’orchestre de couleurs politiques différentes, c’est le même couplet que tous reprennent à l’unisson : austérité, coupes budgétaires, lutte contre la dette, baisse des salaires…

Tous les dirigeants de droite, de l’UMP au parti conservateur britannique, en passant malheureusement par certains dirigeants socialistes (grecs, espagnols, portugais…), tous n’ont plus qu’un mot à la bouche : il faut faire des économies ! Tous mijotent dans le même plat les vieilles recettes de la mère Thatcher : TINA (There is no alternative). Que l’on soit de gauche ou de droite, une seule politique serait donc possible : celle des marchés financiers, du FMI et de la Commission européenne. Hors du libéralisme point de salut, rien n’est possible…

Empêcheurs de privatiser en rond passez votre chemin, fonctionnaires tire-au-flanc mettez vous au travail, salariés en fin de carrière votre retraite est devenue un luxe au-dessus de nos moyens : la litanie trop connue des sacrifices douloureux mais nécessaires, du travailler plus longtemps et des « réformes » inévitables revient en boucle des quatre coins de l’Europe.

Le FMI et son directeur-meilleur-candidat-de-la-gauche-pour-battre-Sarkozy-en-2012 « s’occupent » de la dette grecque tandis que les banquiers centraux et les commissaires européens mettent sous tutelle les budgets nationaux de chaque État en s’asseyant sur les souverainetés populaires. C’est un véritable droit de veto que se sont accordés les eurocrates de Bruxelles en annonçant le 12 mai dernier qu’ils examineraient désormais les budgets nationaux avant les Parlements ! Les commissaires non élus, entièrement au service de la concurrence libre et non faussée seraient désormais au-dessus des élus du peuple ! En 1789, durant la Révolution française, tous les représentants qui refusèrent le veto royal se rangèrent à la gauche du président de séance. La défense de la souveraineté populaire marque donc l’acte de naissance de la gauche. Deux cent vingt ans plus tard, ce principe reste plus actuel que jamais et pour résister à l’offensive libérale, sa réaffirmation est nécessaire. L’Europe des traités de Maastricht et de Lisbonne montre une fois encore son vrai visage : celui de cheval de Troie de la mondialisation capitaliste. Nous qui avions fait le choix d’un non de gauche au TCE en mai 2005, qui nous étions élevés contre le coup de force antidémocratique approuvant le Traité de Lisbonne en février 2008, nous sommes ainsi confortés dans nos choix.

Le combat pour une autre Europe, qui harmonise par le haut les salaires, la fiscalité et le droit du travail, bref une Europe des peuples reste un combat d’une actualité brûlante. L’économiste américain Joseph Stiglitz, prix Nobel en 2006, vient d’ailleurs de déclarer que l’austérité choisie sur notre continent nous conduisait au désastre.

Nous sommes en train de vivre un virage très important dans les rapports de force européens et internationaux. Les marchés ont engagé un bras de fer contre les salariés et leurs droits. Sans riposte d’envergure de la gauche et du monde du travail, c’est une véritable régression sociale généralisée qui est au programme. La sortie de crise sera libérale, son corollaire étant un recul des droits des salariés, ou elle sera socialiste, ce qui implique un affrontement inévitable avec la finance internationale et l’Europe libérale. Malheureusement la voie choisie par les institutions européennes et par les divers gouvernements va totalement à l’encontre de cette option progressiste.

L’économiste Jacques Généreux a parlé récemment d’ « esprit de Munich » devant la vague de plans d’austérité s’abattant sur l’Europe. Munich, septembre 1938… une fois de plus, les grandes puissances occidentales reculaient devant les prétentions territoriales d’Hitler en lui cédant la région des Sudètes, marquant la mort de la Tchécoslovaquie indépendante. Cette concession aux nazis devait selon Chamberlain, le 1er ministre britannique d’alors, sauver la paix sur le continent… on sait ce qu’il est advenu un an plus tard. Certes le contexte n’est pas le même mais les remèdes imposés aux peuples, soi-disant pour sauver le système en place, sont une fuite en avant interminable. Chaque recul devant les marchés financiers encourage les spéculateurs à revenir à la charge. Céder devant leurs exigences grandissantes est une lourde erreur que les socialistes espagnols ou portugais paieront cash sur le plan électoral et que les salariés subiront sur le plan social.

Zaparatero a annoncé une baisse de 5 % du salaire des fonctionnaires espagnols le 12 mai dernier et sa volonté d’économiser 15 milliards d’euros en deux ans, il en est de même dans le Portugal du social-démocrate José Socrates qui en profite même pour relever la TVA de un point. Ces choix sont économiquement et socialement désastreux et s’inscrivent pleinement dans le cadre du néo-libéralisme qui ravage le monde depuis trente ans. Ce qui est problématique, c’est que ces politiques sont les mêmes que celles adoptées par les gouvernements de droite italiens, anglais ou français. Cameron, nouveau 1er ministre anglais, annonce un plan de réduction des dépenses publiques qui ramène les travailleurs britanniques aux heures sombres du thatchérisme triomphant. De même, l’attaque de Sarkozy-Fillon contre la retraite à soixante ans s’inscrit dans ce cadre…

Ce que nous redoutions il y a un an et demi est en train de se produire sous nos yeux : les banques, les spéculateurs et les patrons sont en train de faire payer leur crise aux salariés de toute l’Europe. A coups d’attaques contre les droits sociaux, de baisse des salaires et de licenciements massifs, les classes dirigeantes rétablissent en réalité leurs profits (un peu) mis à mal par la crise de l’automne 2008. Tout cela a lieu avec la bénédiction des agences de notations, véritables suceuses de sang des temps modernes !

Face à cela, la riposte sociale et politique commence à s’organiser un peu partout : en Grèce plusieurs journées (5 mai, 20 mai) de grève générale ont eu lieu et les syndicats espagnols, pourtant proches du PSOE au pouvoir, annoncent un mouvement similaire le 8 juin prochain. En France la journée du 27 mai sera un premier test pour le mouvement social dans son bras de fer avec Sarkozy sur la question des retraites. Ces grèves restent pour le moment en deçà de la riposte d’ensemble qui serait nécessaire pour stopper ces coups portés aux salariés.

Certaines directions syndicales semblent hésitantes et indécises tandis que le débouché politique fait cruellement défaut. Le Parti socialiste européen à qui devrait échoir ce rôle d’alternative peine à sortir de la pensée social-libérale tandis que la gauche « radicale » est, dans le même temps, partout impuissante à construire des majorités populaires susceptibles d’organiser la rupture avec le système en place.

En France, toute la gauche défend la retraite à soixante ans et appelle à une rupture nette avec le sarkozysme finissant. Toute la gauche défend la nécessité d’une redistribution des richesses et d’un retour conséquent de la puissance publique dans la sphère marchande. Les socialistes viennent d’adopter un texte pour un nouveau modèle de développement qui présente quelques pistes intéressantes. L’urgence serait maintenant à la rédaction d’un projet commun toute la gauche, un programme d’urgence sociale et démocratique pour faire face à la crise et aux spéculateurs. Un projet qui ose s’attaquer à la répartition des richesses, qui défend les services publics et la réduction nécessaire du temps de travail, qui propose la socialisation du système bancaire, l’augmentation des salaires, l’annulation totale de la dette des pays de la zone euro qui engage une réorientation radicale de l’Europe libérale et une rupture avec le libre-échange porteur de misère.

La gauche doit faire preuve d’audace, retrouver le meilleur de ses traditions et s’appuyer sur les mobilisations sociales pour avancer une perspective autre que celle des plans de rigueur qui se succèdent. C’est la seule issue possible pour renverser la tendance et donner du carburant aux luttes sociales. Une victoire de la gauche en France serait un premier coup porté aux marchés et un encouragement à reprendre inlassablement et partout le combat pour une autre société, débarrassée de l’exploitation capitaliste. Nous devons y prendre notre place dès aujourd’hui. En avant toute, camarades !

Julien GUERIN

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