GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

L’Amérique latine à l’heure des choix

Le décès de Hugo Chavez est l’occasion de tirer un premier bilan de la « révolution bolivarienne » qu’il a personnifiée. Son action marque une étape importante dans l’histoire de la gauche latino-américaine, mais aussi internationale. Elle a suscité l’enthousiasme populaire en Amérique latine. Elle s’est donc heurtée à la haine des maîtres de la mondialisation financière et de leurs serviteurs, effrayés par les victoires politiques emportées par la gauche dans ce sous-continent. Pour des raisons opposées, elle a pourtant mérité des critiques importantes, de fond, venant de la gauche.

Un résumé de la politique chaviste

Les présences et les absences lors de ses obsèques sont un bon résumé du sens de son action.

Ont fait le déplacement à Caracas des chefs d’État latino-américains qui personnifient les victoires que la gauche a emportées par le suffrage universel : le Bolivien Evo Moralès, l’Equatorien Rafael Correa, le Péruvien Ollanta Humala, l’Uruguayen José Mujica, le Nicaraguayen Daniel Ortega, l’Argentine Cristina Kirschner, la Brésilienne Dilma Rousseff mais aussi l’ancien président Lula Da Silva. Le Cubain Raul Castro, dont le pouvoir n’est pas issu d’élections libres, était également présent.

François Hollande n’a pas fait le déplacement et a ainsi manifesté qu’il ne partage pas le volontarisme politique de Hugo Chavez, ce qu’on a déjà remarqué et qui est tout à fait regrettable. Il a seulement envoyé un message et a délégué Victorin Lurel, ministre de l’Outre-Mer qui, pour sa part, dans une déclaration a rendu un hommage justifié à un héritier de Simon Bolivar et des luttes indigènes et anti-esclavagistes.

Barack Obama a envoyé un message dans lequel il souhaite que soit ouvert un nouveau chapitre de l’histoire du Venezuela. Mais le Colombien Juan Manuel Santos, interface entre le Venezuela et les USA, était présent. L’Espagne avait envoyé l’héritier du trône, mais les chefs d’État occidentaux étaient généralement absents.

Rappelant l’ambiguïté de la politique de Chavez, étaient présents l’Iranien Mahmoud Ahmadinejad et le Bélarusse Alexandre Loukachenko. C’est en appliquant le précepte selon lequel les ennemis de mes ennemis sont mes amis que Hugo Chavez considérait aussi Mouhammar Kadhafi comme un allié, Bachar el-Assad comme un humaniste et les révolutions arabes comme fomentées par l’impérialisme.

Une politique électoralement payante

Ambiguïté de la politique internationale, mais soutien populaire à l’intérieur. La principale réussite de Chavez fut la forte diminution de la pauvreté qui, de 1998 à 2011 est passée de 43,9 % de la population à 26,7 % en même temps que l’extrême pauvreté est passée de 17,1 % à 7 %. Voilà pourquoi Hugo Chavez bénéficie d’un soutien populaire aussi massif.

Comme Lula, qui avait fortement augmenté et étendu la prime régulièrement versée par l’État aux familles pauvres, les « missions bolivariennes » permettent de panser les plaies. Elles avaient permis à Chavez de se faire réélire avec 63 % des voix, comme Lula l’avait fait en son temps et a pu passer un relais victorieux à Dilma Rousseff.

On peut au moins en conclure que lorsque la gauche est unie et allège les difficultés que rencontre une majorité de la population, elle se fait réélire avec un score en augmentation. Les gauches européennes devraient en tirer des leçons.

Toutefois, comme au Brésil, ces mesures consistaient à compenser, par l’assistance sociale de l’État, la politique libérale mise en œuvre dans les activités économiques. Leur réussite proviennent du fait que les gouvernements de Chavez ont bénéficié de la manne pétrolière.

En effet la structure de la distribution des richesses n’a pas été modifiée, du moins pas dans le sens souhaité. C’est la taille du gâteau qui s’est considérablement agrandie. Le poids du secteur privé est passé de 64,7 % à 70 % de la richesse produite.

Sans démocratie sociale, une situation fragile

Les échanges avec Cuba (médecine contre aide financière) et les États sud-américains ont commencé à tisser un réseau continental. Mais la répression contre certains secteurs syndicaux vénézuéliens affaiblit la construction de contre-pouvoirs, pourtant indispensables pour consolider un régime démocratique.

Les remèdes apportés à la pauvreté ne reposent pas sur une démocratie sociale et économique. En l’absence d’institutions sociales assises sur un fonctionnement démocratique, les progrès sociaux alloués restent à la merci d’un simple changement de majorité gouvernementale.

La généralisation de la démocratie dans toutes les activités sociales constituerait autant de remparts en cas de défaites ponctuelles, pour que l’aide sociale ouvre la voie à l’implantation, la construction et le développement de services publics de qualité pour tous afin de favoriser une réelle redistribution des richesses.

L’économie sociale ne représente que 1,6 % de l’économie du pays. L’absence de politique économique ne permet pas de préparer l’après-pétrole.

La dépendance de la politique sociale à l’égard du leader, le mode bonapartiste d’exercice du pouvoir ne permettent pas de consolider les progrès pour en faire des acquis durables.

Sa disparition ouvre une transition risquée

Evidemment, Hugo Chavez n’était pas un dictateur. Il tirait son pouvoir du suffrage universel, il tirait son prestige de l’aide dont les plus pauvres bénéficiaient. Voilà qui était à la source de la haine que lui portait la droite.

Le bonapartisme d’un dirigeant s’identifiant à la gauche a pu changer le rapport de forces politique dans le pays. Mais sa consolidation démocratique est nécessaire. Elle prendra du temps et dans ce délai bien des tempêtes peuvent se lever. Mais il n’y a pas de raccourci.

La meilleure chance des successeurs de Hugo Chavez réside dans le rapport de forces, favorable à la gauche, construit dans les deux dernières décennies dans l’ensemble de l’Amérique latine. Les accords noués entre la majorité des pays du sous-continent, contribuent à sauver Cuba de la dérive totalitaire. Ils peuvent aussi permettre de généraliser la démocratie politique, sociale et économique.

La transition au Venezuela est risquée, la droite pourrait en profiter. La gauche est diverse, mais les divergences qui existent ne doivent pas être prétextes à renvoyer dos à dos la droite et une partie de la gauche : pour gouverner à gauche, il faut d’abord battre la droite.

Voilà ce que l’Amérique latine pourrait apporter aux autres continents.

Document PDF à télécharger
L’article en PDF

Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS




La revue papier

Les Vidéos

En voir plus…