GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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19) Quid de la procédure, des accords et de la loi ?

L’ordre public social est mis en cause. La déréglementation passe par le pouvoir aux accords d’entreprise contre les accords de branche et les lois.

L’ANI exige la remise en cause de la place de la procédure et de la motivation des licenciements. On touche là à une question théorique de fond.

Aujourd’hui dans certains cas une irrégularité qu’on appelle « de forme » est sanctionnée, non pas par de simples dommages et intérêts, mais par la nullité ou la requalification de l’acte tout entier.

Exemple : un CDD doit toujours être un contrat écrit avec certaines mentions, en leur absence le CDD est requalifié en CDI. Donc l’irrégularité ici n’est pas le cas de recours au CDD (question de fond), qui est valable, mais l’écrit (le formalisme) qui n’est pas respecté, et pourtant la sanction est la requalification du CDD en CDI (sanction sur le fond).

Autre exemple bien connu : si une lettre de licenciement contient des motifs imprécis : le licenciement est qualifié de « sans cause réelle et sérieuse ». Si l’on revient sur cette sanction de fond, les employeurs peuvent licencier sans invoquer de motif précis ou même sans invoquer de motif du tout. Le salarié n’a alors plus aucune chance de pouvoir contester son licenciement, puisqu’il ne saura même pas pourquoi il est licencié.

C’est le but ultime du Medef : depuis les tentatives de CNE en 2005, de CPE en 2006, le succès de la « rupture conventionnelle » en 2008-2012, l’allongement des périodes d’essai, il cherche à obtenir le licenciement sans forme, sans procédure et sans motif.

C’est le raffinement, l’humiliation totale, la pire atteinte à la dignité humaine au travail : licencier sans motif. Tu es un chien : on te dit « dehors et on n’a pas à te dire pourquoi ». Pour que tu n’aies pas de recours, on supprime la procédure. Pour que tu ne te plaignes pas efficacement on supprime le motif écrit.

Or la rupture du contrat de travail est un acte unilatéral et la procédure est évidemment, encore plus, en pareil cas, « sœur jumelle de la liberté ».

Pascal Lokiec, professeur à l’Université Paris Ouest La Défense s’alarme de ce « Haro sur la procédure » (semaine sociale du Lamy janvier 2013) il cite le danger inscrit dans l’ANI : « sans préjudice des sanctions prévues par la loi applicable, une irrégularité de forme ou de procédure ne peut faire obstacle à la validité ou à la justification de l’acte ou de la mesure en cause. » Cette orientation condamne quasiment toutes les luttes en cours contre les licenciements, à Pilpa, PSA, Goodyear, Mittal, Molex, Pétroplus, Renault, etc…

Les juges auront-ils encore la latitude de sanctionner l’irrégularité d’information et la consultation du comite d’entreprise par la nullité de la procédure et celle des licenciements subséquents ?

En sera fini, par exemple, de la jurisprudence sanctionnant le défaut de pouvoir du signataire de la lettre de licenciements par une absence de cause réelle et sérieuse ? Ou de la Cour de cassation sanctionnant le non respect de l’ordre des licenciements par un défaut de cause réelle et sérieuse ?

Sans cesse, avec un acharnement de rapace, le Medef fouille, farfouille, intrigue, avance, grignote le droit du travail. Quand il recule là, il avance là. Toujours sur le qui vive, toujours sur le pont, toujours offensif : ne pas lui résister c’est se laisser enfoncer !

La mise en cause de la place de la procédure est la cerise sur le gâteau. Lorsque Laurence Parisot, affirmait « la liberté de penser s’arrête là ou commence le Code du travail » ce n’était pas pour rien, elle avait fait avancer ses affaires lors de la « recodification » sauvage du code du travail par ordonnance de 2004 à 2008.

À l’époque, (décembre 2007) toute la gauche s’y était opposée à l’Assemblée et au Sénat, défendant 150 amendements rectificatifs, revenant au droit « constant ». Jean-Marc Ayrault lui-même, chef de groupe parlementaire, avec Alain Vidalies avait mené le combat.

Dans l’ANI, on a énuméré, en résumé 54 reculs dans 27 articles, l’avant projet de loi les reprend pour l’essentiel, tous les spécialistes qui lisent le texte, sont effarés de l’ampleur de cette nouvelle attaque contre les salariés.

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