GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Intégrisme décentralisateur

Durant les cinq années passées, la gauche a construit de nouveaux outils de développement du territoire (loi Voynet) et poussé à de nouvelles logiques institutionnelles (Loi Chevènement) mais sans réussit à les articuler. La Loi "démocratie de proximité", adoptée en 2002, n'a pas clarifié l'enchevêtrement de compétences entre collectivités, et n'est pas allée au bout de l'exigence de démocratie participative. De ce fait, les nouveaux lieux de décision comme les Communautés de communes, d'agglomération, et Communautés urbaines n'ont pu, faute de légitimation par l'élection directe par les citoyens, acquérir une stature politique.

Cela accélère les tendances à la régression du politique et son remplacement par le marchandage entre "fiefs", et à l'éloignement des citoyens devant des structures de décision publiques peu lisibles. Loin de répondre à la demande croissante de démocratie participative, le gouvernement Raffarin plus anglo-saxon que poitevin organise le démantèlement de l'état républicain et la future concurrence entre régions. Cela colle fort bien avec les logiques de contractualisation généralisée et de régulation in fine par le marché.

La performance territoriale !

La logique est donc claire : ouvrir tout ce qu'il est possible d'ouvrir au champ de la concurrence. Concurrence entre les territoires d'abord, en autorisant "sous contrôle du Parlement" l'expérimentation de nouvelles politiques. C'est un peu comme dans le monde du travail. Pour ne pas avoir de négociation à faire dans une entreprise, on divise les lieux de production en de multiples petites unités dans lesquelles l'exercice du contre-pouvoir est particulièrement difficile à pratiquer.

L'idée sous-jacente, c'est la possibilité de faire passer des lois sans que le débat contradictoire puisse se dérouler dans les conditions habituelles de la démocratie parlementaire. Notamment en redonnant du pouvoir au sénat qui, constitutionnellement, est le représentant des collectivités.

Ensuite, c'est casser les grands services publics et rompre l'efficacité de la lutte sociale. La réorganisation des services de l'État dans le même ministère que celui de l'aménagement du territoire... Cela devrait éveiller les soupçons! Concurrence ouverte au privé ensuite. "Associer les acteurs privés et les acteurs publics", c'est pour la droite, par exemple permettre à des Sociétés commerciales de gérer les fonds publics d'aides aux entreprises. Non plus sur des critères d'emploi mais de productivité. On parle d'ailleurs de plus en plus aujourd'hui de la "performance territoriale".

Enfin, c'est revisiter le financement des politiques publiques. La baisse de 30% de l'Irpp va être très vite "compensée" par une explosion de la fiscalité locale. De ce fait, les régions "riches" (par exemple Ile-de-France) vont pouvoir aider fortement le développement de leurs entreprises, voire payer de meilleurs salaires à leur personnel. Dans le même temps, les régions "pauvres" (exemple le sud de la Région Centre) n'auront pas les moyens de le faire, à moins d'augmenter les impôts, et de ce fait vont voir la tendance à la migration de leur salariat vers les métropoles riches s'accélérer et leur tissu productif se dégrader.

La question des solidarités et le principe de péréquation

La question des solidarités et des péréquations telle que posée par la gauche en réponse à Raffarin n'est pas souvent à la hauteur des enjeux. Tout d'abord cela évacue la question centrale d'une vision globale du devenir du territoire, de son aménagement : en évacuant la question comme question préalable, on participe par défaut à l'éclatement de l'Etat par en haut et en bas (Europe et régions).

Voir à ce sujet l'exemple très bien décrit dans Le Monde daté du mardi 15 octobre 2002 sur la Forêt et l'Office National des Forêts : si les régions obtiennent la gestion des forêts domaniales alors que l'on sait que certaines forêts seront toujours ultra déficitaires (ex : Paca et d'autres resteront sources de richesse (Savoie), ce n'est pas une péréquation à la marge qui empêchera la dilapidation du patrimoine commun là où il y a du gras, et sa déshérence là où c'est improductif. Sans compter la compétence du corps des Onf (ne parlons pas de la politique de reboisement…) qui va disparaître. Dans ce domaine, il s'agit bien de distinguer la question d'une "autorité organisatrice" (Le Ter en Paca ou l'expérience semble plutôt réussie) de celle du transfert ou quasi-transfert de propriété.

Casser les logiques du service public

L'ambition de la droite est de casser les mécanismes de péréquation pour introduire une logique de marché se substietuant aux logiques de service public. En deux exemples : la question des statuts et la formation professionnelle pour les adultes.

1) Qu'en sera-t-il des statuts de la fonction publique?

Le couple Chirac-Raffarin, toujours épouvanté par le souvenir de la grève de Décembre 1995, a rangé au carton le projet d'attaque frontale contre les statuts de la Fonction publique d'État. La manœuvre consiste donc à "diluer" le statut de la Fonction publique et ses agents par une gestion dite "de proximité" qui va inévitablement briser le socle de solidarité, l'unicité des diplômes et compétences et l'indépendance entre fonctions et carrière, qui constitue le cœur du statut de la F.P. d'Etat. Donner les Atos des lycées en gestion régionale, c'est morceler ce corps en autant de politiques régionales.

2) Le devenir de l'Afpa : dans le domaine de la formation professionnelle, on peut se poser avec gravité la question du devenir de l'Afpa dans ces logiques territoriales, conséquence d'une part, de la réforme des marchés publics de 2001 et d'autre part de la proposition de décentralisation totale de ce champ. Si la logique de marché concurrentiel est poussée au bout par la droite, le devenir de l'Afpa comme outil national de formation proposant des cursus re-qualifiant au fond le salarié dans une optique au long terme et non seulement pour l'adapter aux besoins immédiats de l'entreprise, est menacé. On trouvera rapidement des entreprises privées "moins-disant" répondant aux besoins immédiats du marché.

Marc AMIOT et Patrick LACOSTE

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