GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Féminisme

InscriInscription du droit à l’IVG dans la Constitution : nous sommes pour !

« Nul ne peut porter atteinte au droit à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception. La loi garantit à toute personne qui en fait la demande l’accès libre et effectif à ces droits. » C’est en ces termes assez simples que les députés de la NUPES proposent d’inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution. Déposée en juillet 2022, cette proposition doit être débattue dans l’hémicycle le 24 novembre 2022.

« Rien n’est jamais définitivement acquis, il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez rester vigilantes. » En citant la célèbre phrase de Simone de Beauvoir comme préambule à leur exposé des motifs, les député.e.s affichent clairement leur volonté de protéger à travers cette « sanctuarisation » un droit des femmes régulièrement remis en cause par des opposants, certes minoritaires dans l’opinion publique, mais virulents et offensifs dans leurs actes, qu’ils soient « aux affaires » ou lobbyistes et activistes.

Les termes du problème

Inscrire ce droit dans la Constitution, c’est permettre qu’il ne puisse être remis en cause par une simple loi ou par des dispositions empêchant d’y avoir accès dans la réalité.

Quelles chances d’aboutir ? Ce n’est pas la première fois que le débat aura lieu, la gauche ayant à plusieurs reprises déposé des propositions de loi à l’Assemblée comme au Sénat.

À chaque fois, toutes les droites ont rejeté cette perspective. En 2018, Nicole Belloubet, alors garde des Sceaux, de même que Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé, avaient affirmé que ce droit en France était « suffisamment garanti », que l’institution était « déjà garante de l’IVG » pour justifier du refus du gouvernement de soutenir une telle proposition.

Les lignes ont bougé depuis l’été ? 

Le recul historique vécu aux États-Unis fin juin avec l’abrogation de l’arrêt Roe vs Wade a, à juste titre, provoqué une vague d’inquiétude dans le monde.

Ne doutons pas que certaines et certains membres de la République en Marche auront été sincèrement touchées par cette décision, mais la macronie, sortant fragilisée d’une séquence électorale inédite, a également vu là une opportunité de forcer la gauche à la suivre, de mettre en difficulté les Républicains et tester le RN.

Le groupe Renaissance a donc déposé de son côté, dans le même temps, une proposition de loi, créant également un article 66.2 dans le titre VIII de la Constitution, ainsi libellé : « Nul ne peut être privé du droit à l’interruption volontaire de grossesse ». Par la voix de Mathilde Panot, la NUPES a alors proposé que soit déposé « un texte commun à l’ensemble des groupes de l’Assemblée nationale », proposition refusée par la REM.

La proposition portée par Aurore Bergé est donc elle aussi inscrite à l’ordre du jour d’une séance publique qui se tiendra le 28 novembre prochain, soit quatre jours après l’examen de la proposition de loi venue de nos rangs.

Le gouvernement au pied du mur 

Bien sûr, les différences de termes des deux propositions de loi ont du sens. De même que l’endroit de l’inscription dans la Constitution et il faut mener ces discussions.

Mais le premier enjeu aujourd’hui est de savoir si le gouvernement va s’engager. En effet une proposition de loi constitutionnelle a deux chemins pour aboutir. Soit elle doit être validée, dans les mêmes termes, par l’Assemblée et le Sénat, avant d’être approuvée par référendum. Soit le gouvernement prend l’initiative et propose lui même un projet de loi de révision, et le soumet aux deux chambres parlementaires réunies en Congrès où les trois cinquièmes des votes sont alors requis pour l’adoption.

La première voie – utilisée seulement deux fois dans l’histoire de la Ve République* – semble bien peu plausible. Le gouvernement doit donc s’engager.

Surfant sur la vague d’émotion, certains ministres, dont la Première ministre, ont juré leurs grands dieux qu’ils feront tout pour défendre le droit des femmes. Ainsi, organisant une visite au Planning familial quelques jours après la décision calamiteuse de la Cour suprême américaine, Elisabeth Borne s’est dite favorable à l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution assurant « qu’on peut considérer qu’il fait partie des droits fondamentaux ». Sauront-ils se souvenir qu’il n’y a pas d’amour sans preuves d’amour ?

Une décision à très forte portée symbolique 

Inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution, c’est inscrire le droit des femmes à maîtriser leur fécondité comme un droit fondamental. Pour emprunter les termes de Françoise Héritier, c’est attaquer dans son fondement même la « hiérarchie entre le féminin et le masculin », construite au fil des millénaires, basée en grande partie sur la volonté des hommes de contrôler ce qu’ils ne peuvent maitriser, le pouvoir de procréation des femmes, et, d’une manière plus globale, contrôler le corps des femmes. En cela dire qu’il s’agit d’une mesure symbolique est bien loin de lui enlever de la valeur !

Soutenons donc avec conviction cette proposition. Et continuons toutes les batailles pour inscrire ce droit dans la réalité, par exemple en exigeant la publication des décrets d’application permettant aux sages-femmes de pratiquer l’IVG instrumentale.

Cet article de notre camarade Claude Touchefeu a été publié dans le numéro 300 (décembre 2022) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

- « Pourquoi et comment constitutionnaliser le droit à l’avortement », https://journals.openedition.org/revdh/14979

- Françoise Héritier, Masculin/Féminin, t. I : La pensée de la différence, 1996 – t. II : Dissoudre la hiérarchie, 2012, Éditions Odile Jacob

Pour aller plus loin 

 

* En 1962 pour élection du président au suffrage universel, et en 2000 pour l’instauration du quinquennat.

 

Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS




La revue papier

Les Vidéos

En voir plus…