GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Actions & Campagnes politiques

C'était imperdable

La défaite d'hier soir est une défaite grave pour le PS et l'ensemble de la gauche. D'abord parce que c'est la 3ème fois en 17 ans. Mais surtout parce que Sarkozy a annoncé la couleur. Il veut « liquider mai 68 ». Il a mené une campagne de combat contre les acquis sociaux, pendant que la candidate PS menait une campagne de dénigrement des valeurs de la gauche (ordre juste, donnant-donnant, drapeaux français, enfermement militaire des jeunes, et pour couronner le tout, alliance avec l'UDF), sans apporter de réponse aux attentes sociales des salariés. Qui pouvait être convaincu par une augmentation du SMIC égal au taux de l'inflation, ou l'augmentation des petites retraites de 5% ? Sur ce dernier point, même Bayrou a trouvé que ce n'était pas suffisant !

Il y avait quelque chose d'obscène hier à voir une Ségolène Royal souriante, nous disant qu'elle nous mènerait vers d' « autres victoires » (parce qu'hier, c'était une victoire ???), à voir la fête rue de Solférino, alors que les millions d'électeurs qui voulaient faire barrage à Sarkozy et à sa politique étaient tristes à pleurer, alors que des millions de salariés vont en baver pendant 5 ans au moins!

Pourtant, cette élection devait être imperdable. Les mouvements sociaux, contre la loi Fillon en 2003, contre le CPE en 2006, majoritaires dans l'opinion, les victoires électorales de 2004 et du non au referendum en 2005 montraient clairement que les salariés ne voulaient pas d'une politique libérale, voulaient un Etat et une Europe protecteurs face à la mondialisation libérale.

Une élection présidentielle est un moment fort de politisation. C'est le moment idéal pour affirmer ses valeurs, faire des propositions en lien avec ces dernières. D'ailleurs, nombre de partis ou d'organisations ne se présentent que pour cela, lorsqu'ils savent bien qu'ils ne figureront pas au 2ème tour. Cela est valable aussi pour le PS, qui, normalement, doit faire partie des deux finalistes. Au lieu de cela, la candidate PS a décidé de « rénover la politique », de se passer du parti pour gagner, et in fine, devant l'échec patent qu'elle a subi au 1er tour, d'en appeler à Bayrou. Lorsqu'on ne prend pas en compte les attentes des salariés en matière sociale, et qu'on fait toute une campagne sur le thème de la morale, de l'ordre, voire de la famille et de la patrie, on déboussole son camp. Seuls les électeurs bien arrimés à gauche passent par-dessus les discours et les programmes et votent tout de même à gauche, et même parfois dès le 1er tour. Ils étaient tout de même 47% hier ! Les indécis, ceux qui ne savent pas s'ils sont de gauche ou de droite, ceux qui ont été déçus par la gauche, ceux à gauche qui sont tentés par les discours sur l'assistanat, l'ordre, la sécurité, sont jetés dans les bras de la réaction.

Hier soir, Ségolène Royal et ses supporters, pour survivre politiquement, ont décidé de faire un putsch sur le PS. D'où cette liesse hors de propos, ce discours affirmant que « quelque chose s'était levé qui ne s'arrêterait pas ». Ce qui est en jeu aujourd'hui, c'est un changement radical de ligne, en terme d'alliance, mais aussi en terme de ligne politique, sans congrès, par-dessus la tête des militants, contre le PS. Alliance avec le centre d'un côté, avec une droitisation du parti à la clef, une « social-démocratisation » que Strauss-Khan appelle de ses vœux depuis longtemps et qui a toujours été, jusqu'à présent, minoritaire au sein du parti. Entre SR et lui, pas de différence de ligne de fond, seulement une question de personne. De l'autre, tous ceux qui pensent qu'être de gauche, c'est d'abord se situer du côté des salariés, défendre les acquis conquis si durement au cours de l'histoire et en gagner d'autres. Et que cela passe nécessairement par un affrontement frontal avec la droite. Evidemment, je fais partie de ceux-ci. Ce dont nous avons besoin aujourd'hui, c'est d'une refondation de la gauche, c'est-à-dire d'un rassemblement de toute la gauche face à Sarko et au reste de la droite, y compris du nouveau Mouvement Démocrate. Et au sein du Parti, d'un rassemblement de tous ceux qui pensent que la gauche a encore un avenir, à condition de rester elle-même. Ce qui n'exclut pas une « rénovation », mais ce mot est tellement galvaudé qu'il ne veut plus rien dire. Si rénovation rime avec renoncement à nos valeurs, à la Blair, c'est non. S'il signifie tirer les leçons de 2002, de 2005, de 2007, répondre enfin aux attentes sociales, c'est trois fois oui.

François Hollande a raison de dire que l'heure n'est pas au règlement de comptes, qu'il s'agit de gagner un maximum de députés à gauche. Mais sur quelle ligne, derrière qui ? Ségolène Royal a dit, très vite, quelques minutes après 20H, prenant tout le monde de court : sur la même ligne, derrière moi. Mieux encore, elle se pose en leader de l'opposition ! Et ses proches expliquent que la défaite est de la responsabilité des éléphants du PS.

Il eût été logique que ceux et celles qui nous ont mené à la défaite se montrent humbles et reconnaissent, en interne, que leur ligne n'était pas la bonne. Ce n'est pas le cas. Ne rien dire, c'est laisser faire. Laisser une ligne politique si minoritaire qu'elle n'était pas assumée comme telle lors des derniers congrès l'emporter. Il n'est pas possible pour la combattre d'attendre le prochain congrès, prévu pour 2008. L'avenir du PS se joue ces jours-ci. Peut-être le BN et le CN de cette semaine réussiront-ils à calmer le jeu jusqu'aux législatives, si une majorité de dirigeants en décident ainsi. Mais même dans ce cas de figure optimiste, ce serait méconnaître Ségolène Royale et ses proches que de penser qu'ils s'en tiendront là. Ils ont déjà prouvé maintes fois dans le passé récent que les décisions prises par le PS, tant qu'ils ne le dirigent pas, ne les concernaient pas.

Geneviève Wortham

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