GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Elections européennes

Europe : trois propositions démocratiques

Dans ce volet de la série consacrée aux propositions programmatiques de la GDS pour les élections européennes de mai prochain, Christakis Georgiou présente les trois mesures démocratiques phares que la gauche devrait défendre. Ces mesures visent à accroître les pouvoirs du Parlement européen, seule institution européenne élue au suffrage universel direct.

La structure institutionnelle de l’Union européenne n’a jamais cessé d’évoluer. Très régulièrement, la distribution des pouvoirs entre les institutions européennes, et entre celles-ci et les États-membres, a été modifiée. Pour les courants politiques qui défendent le projet européen (c’est-à-dire l’idée qu’il faut construire une communauté politique européenne – fédérale ou confédérale – au-dessus des États-nations, ce qui n’est pas réductible à l’UE réellement existante), mais aussi une conception de la démocratie selon laquelle le pouvoir législatif doit être au centre du dispositif institutionnel, c’est une constante de défendre l’accroissement des pouvoirs du Parlement.

Cette vision s’est longtemps heurtée à l’obstacle constitué par la Ve République française et l’esprit anti-démocratique qui l’anime et veut que l’équilibre entre exécutif et législatif soit fixé au profit du premier*. C’est ainsi que tous les présidents de cette République qui ont eu à négocier des évolutions institutionnelles se sont opposés à l’accroissement rapide des pouvoirs du Parlement européen.

Autonomie limitée

Il n’empêche que depuis la fin des années 1980, un processus de parlementarisation a bien lieu. Les pouvoirs du Parlement européen se sont donc accrus significativement. Celui-ci co-décide désormais la quasi-totalité de la production du droit européen (voir figure 1), dispose du pouvoir de ratification de la composition de la Commission, ainsi que du pouvoir de censure et, enfin, du pouvoir de ratification des traités internationaux.

Figure 1 : Pourcentage des textes législatifs européens adoptés par codécision

Les pouvoirs du Parlement restent toutefois en deçà de ce qui serait satisfaisant pour des partisans du parlementarisme. Les domaines qui restent soumis à l’unanimité au Conseil des ministres (la fiscalité et la politique étrangère notamment) échappent à la procédure législative ordinaire – la procédure par laquelle le Parlement co-légifère sur un pied d’égalité avec le Conseil. De même, le Parlement ne dispose pas du droit d’initier des lois, puisque seule la Commission détient ce pouvoir.

Enfin, le Parlement n’exerce aucun contrôle réel sur la Banque centrale européenne (BCE) – une institution dont le pouvoir s’est énormément accru depuis 2010 suite à la crise financière et à celle de la zone euro, et qui a pris des décisions aux conséquences énormes sans devoir rendre des comptes devant une institution élue. Le Parlement ne dispose pas du pouvoir de confirmer la nomination des membres du directoire de la BCE, ni de celui de les destituer.

Aller au bout du processus

C’est pourquoi nos trois propositions visent à pousser le processus de parlementarisation à son terme.

La première est l’élargissement du périmètre d’application de la procédure législative ordinaire à tous les domaines, notamment la fiscalité, mais aussi la politique étrangère. Cela suppose évidemment de faire sauter le verrou de l’unanimité – ce qui, au passage, permettrait d’adopter des mesures d’harmonisation fiscale (voir l’article précédent de cette série). Sur ce plan, le problème de l’accroissement des pouvoirs du Parlement va de pair avec le problème de la fédéralisation des politiques publiques : tant que des politiques publiques restent totalement décentralisées (la fiscalité et la politique étrangère), l’influence des institutions européennes et donc du Parlement demeure minime.

La deuxième est d’octroyer au Parlement européen le droit d’initiative législative.

La troisième est de lui donner le pouvoir de ratifier la nomination par le Conseil européen des dirigeants exécutifs de la BCE, mais aussi le pouvoir de les destituer.

Pour des eurodéputés militants

Mais il ne s’agit pas simplement d’énoncer ces propositions. Il faut aussi réunir un ensemble de parlementaires européens démocrates, convaincus de la nécessite d’accroître les pouvoirs de leur institution afin de mener une politique volontariste dans cette direction, comme certains eurodéputés l’ont déjà fait par le passé. Par exemple, les parlementaires pourraient indiquer que si la Commission ne s’engage pas à introduire de la législation proposée par le Parlement dans ses « rapports d’initiative », ils refuseront de voter ses textes, voire initieront une motion de censure à son encontre. De même, les parlementaires devraient proposer une réforme institutionnelle et faire campagne en sa faveur directement dans les États-membres.

* Voir Pierre Haroche « Transposer la Cinquième République. Le régime politique national comme source de la politique européenne de la France », Politique européenne, 2017/1, n55.

Cet article de notre camarade Christakis Georgiou est à retrouver dans le numéro de février de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale.

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