GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Féminisme

Droit de choisir : un droit toujours fragile

Malgré l’opposition du Senat, l’allongement des délais définitivement adopté par le parlement

La proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement était discutée en deuxième lecture mercredi 19 Janvier  au Sénat Enfin, la discussion a été courte, puisque comme l’année dernière, la majorité sénatoriale a rejeté le texte avant même de l’examiner. Les sénateurs ont adopté une motion de procédure, par 202 voix pour et 138 voix contre.

Ce rejet a renvoyé  le texte en commission mixte paritaire, qui était une étape formelle puisque le Sénat n’a pas adopté un seul amendement. Encore fallait-il que le vote  trouve sa place dans un calendrier parlementaire bien chargé. Et la position défavorable du président Macron laissait encore planer quelques inquiétudes.

Mais le vote a bien eu lieu le 23 février.

La principale mesure est  l ‘allongement du délai d’IVG de 12 à 14 semaines ;  les autres dispositions étant l’allongement du délai de recours à l’IVG médicamenteuse en ville jusqu’à la fin de la 7e semaine et  la suppression  la limitation jusqu’à la fin de la 10e semaine pour les IVG réalisées par les sages-femmes.

C’est une avancée certaine qu’il faut toutefois mettre en regard des délais pratiqués dans d’autres pays comme la Suède  (18 semaines) ou le Royaume Uni (24) et souligner que l’Assemblée Nationale avait renoncé à la  suppression de la clause de conscience spécifique en matière d’IVG pour les médecins.

Aux États-Unis, la Cour suprême refuse de suspendre la loi texane

Le 10 décembre dernier, la Cour suprême des États-Unis a refusé de bloquer la loi du Texas qui interdit depuis le 1er septembre la pratique de l’avortement au-delà de six semaines de grossesse, c’est-à-dire bien souvent avant même que les femmes puissent se savoir enceintes2.

La haute juridiction a bien autorisé les tribunaux fédéraux à intervenir contre la loi, mais les cliniques et les médecins qui pratiquent des avortements au Texas restent sous la menace de poursuites onéreuses s’ils interviennent au-delà de ce terme. Avec cette décision, la solide majorité conservatrice de la Cour signale ne pas être disposée à défendre le droit à l’avortement, qu’elle pourrait même restreindre dans quelques mois dans un autre dossier émanant du Mississippi.

Le 22 janvier marquait le 49e anniversaire de l’arrêt « Roe v. Wade », cet arrêt pris par la Cour suprême en 1973 estimant que la Constitution garantit le droit des femmes à disposer de leur corps et permet la pratique de l’IVG tant que le fœtus n’est pas viable, soit vers 22 à 24 semaines de grossesse. À l’occasion de cette commémoration, Joe Biden et Kamala Harris ont affirmé leur volonté de défendre le droit dans les mêmes termes que ceux qu’ils avaient employés l’an dernier. « Le droit constitutionnel établi par [la jurisprudence] Roe v. Wade est attaqué comme jamais auparavant, ont-ils déclaré dans un communiqué. C’est un droit qui, selon nous, devrait être inscrit dans la loi, et nous nous engageons à le défendre avec tous les outils dont nous disposons. »

Malheureusement, rien ne semble avoir été mis en mouvement pour que cette inscription dans la loi s’inscrive dans le calendrier politique.

Europe : le parlement se choisit une présidente… anti-IVG !

Le 18 janvier, le Parlement européen a désigné à sa présidence la conservatrice maltaise Roberta Metsola, pourtant connue pour son opposition tranchée à l’avortement. Malte est un des derniers pays de l’UE, avec l’Andorre et le Vatican, où l’avortement est strictement interdit et considéré comme un crime. Les peines encourues peuvent aller jusqu’à trois ans de prison pour les femmes et les personnes qui les aident, quatre ans pour les médecins. Se sachant controversée sur le sujet, Roberta Metsola a affirmé qu’elle suivrait l’opinion majoritaire du Parlement.

Le 24 juin 2021, ce dernier a adopté par 378 voix pour, 255 contre et 42 abstentions, la résolution et le rapport « Sur la situation concernant la santé et les droits génésiques et sexuels dans l’Union, dans le cadre de la santé des femmes » inscrivant comme un droit humain « l’accès sûr et légal à l’avortement fondé sur la santé et les droits des femmes ». Cette position a donc été adoptée par 53 % des voix ce qui ne représente pas une majorité confortable.

A Saint- Marin, lIVG légalisée !

Petite consolation, en septembre 2021, la minuscule enclave de Saint-Marin (principauté de 34 000 habitants, sise entre l’Émilie-Romagne et les Marches) a voté en faveur de la légalisation de l’avortement. Ce micro-État de tradition ultra-catholique a approuvé l’option de donner aux femmes le libre choix d’avoir recours à l’IVG jusqu’à douze semaines de grossesse et après ce délai en cas de menace pour la vie de la mère ou de malformations détectées chez le fœtus.

1. Voir notre article « L’IVG en France. L’allongement des délais pour la deuxième fois au Sénat, D&S290, p. 17.

2. Voir notre article « Droit à l’avortement aux États-Unis. Toujours dans la tourmente », D&S289, p. 15.

Hommage à Marie-Claire Chevalier

Marie-Claire Chevalier, figure emblématique du combat pour la légalisation de l’avortement, est décédée le 23 janvier 2022, à 66 ans. Rendons hommage ici à cette femme qui a eu le courage de se battre, si jeune, tête haute, pour la dignité de toutes les femmes, contre le viol et les violences, pour le droit de choisir.

C’était en 1972 : Marie-Claire Chevalier, âgée de 16 ans, était poursuivie par la justice pour avoir avorté, après avoir été dénoncée par le garçon qui l’avait violée. Elle fut défendue, ainsi que les trois autres femmes poursuivies – dont sa mère – par Gisèle Halimi, seule avocate à avoir signé le Manifeste des 343. Son procès, resté dans l’histoire sous le nom de « Procès de Bobigny », a ouvert une brèche dans le combat contre la pénalisation de l’avortement et pour sa légalisation.

Cet article de notre camarade  Claude Touchefeu a été publié dans le numéro de février 2022 (n°292) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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