GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Écologie

Dérèglement climatique : un été riche d’enseignements

Cet été a été marqué par de nombreux phénomènes climatiques violents : inondations, incendies, tempêtes… Juillet 2021 a aussi été le mois de juillet le plus chaud depuis qu’il existe des relevés météorologiques, soit 142 ans : 0,93°C de plus que la moyenne du XXe siècle, selon un rapport de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA).

Dans le même temps, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) rendait son 6e rapport. Nous l’étudierons en détail dans un prochain article. Déjà début 2021, des scientifiques irlandais, britanniques et allemands publiaient une étude démontrant que la circulation méridienne de renversement de l’Atlantique (AMOC) – un ensemble de courants marins qui régulent les températures de l’hémisphère nord – risquait de se dérégler.

Face à cette situation, le capitalisme s’adapte et fait de « la catastrophe » un nouveau marché. Alors que nous avons urgemment besoin d’une vraie révolution écologique et sociale, nécessaire pour inventer une autre façon d’habiter la Terre.

Inondations, orages et tempêtes…

Les inondations de juillet ont dévasté de nombreuses régions du monde, principalement en Chine, en Belgique et en Allemagne, en Suisse, en Grande-Bretagne ou encore en Inde. Le site FloodList (recensant les inondations dans le monde) a enregistré 124 inondations dans 385 sites dans plus de vingt pays. Le mois d’août a également été marqué par des inondations importantes en Turquie (plus de 70 morts), en Russie, en Autriche, en Italie, en Espagne, aux États-Unis, au Japon… La France n’a pas été épargnée par les inondations, notamment dans le Grand Est et dans le Sud-Est.

Ces inondations ont entraîné de nombreux morts (920 recensés en juillet), des déplacements de populations, d’importants dégâts (30 milliards d’euros en Allemagne).

Une étude du World Weather Attribution (WWA), regroupant des experts de divers instituts de recherche dans le monde, rendue publique le 24 août, conclut que les pluies diluviennes survenues à la mi-juillet en Allemagne et en Belgique (plus de 200 morts) sont dues au réchauffement climatique. « Cet épisode extrême a été rendu jusqu’à neuf fois plus probable par le réchauffement dû à l’activité humaine. Le changement climatique a également “fait augmenter la quantité de pluie sur une journée d’entre 3 % et 19 %” »1, selon les scientifiques du WWA. Dans une autre étude, le groupe d’experts montre que le « dôme de chaleur » du Canada et de l’Ouest américain aurait été presque impossible sans les effets du changement climatique.

L’Inde dans le viseur du réchauffement

La situation de l’Inde est également inquiétante avec une mousson totalement déréglée, conséquence du réchauffement climatique. Dans l’Himalaya, juillet a été trop pluvieux avec de nombreux dégâts et août trop sec avec des conséquences catastrophiques pour les cultures de riz et de lentilles, ce qui va conduire les habitants, en général très pauvres, à manquer de nourriture. La capitale, New Delhi, a connu des températures caniculaires, puis des précipitations très intenses, deux fois plus importantes que la moyenne, quand la mousson est arrivée avec une quinzaine de jours de retard.

Ce phénomène devrait selon le GIEC s’accentuer avec l’élévation des températures, avec des épisodes de plus en plus irréguliers et de plus en plus extrêmes. De par sa situation géographique, l’Inde, avec ses 1,32 milliard d’habitants, est un des pays les plus vulnérables aux changements climatiques (fonte des glaciers de l’Himalaya, montée du niveau des eaux sur ses côtes, cyclones, vagues de chaleur). Les Nations Unies, dans une étude de 2020, notent que l’Inde est le pays ayant enregistré le plus grand nombre de catastrophes (321) au cours des vingt dernières années, derrière la Chine (577) et les États-Unis (467)2.

Incendies : hausse tendancielle

Outre ces inondations, des incendies ont éclaté partout dans le monde avec une intensité importante et inhabituelle.

Dès 2018, les pays d’Europe du Nord connaissaient une forte canicule et des feux. Ainsi la Suède a connu des feux de forêt, plutôt rares en règle générale, avec plus de 21 000 ha détruits contre 454 habituellement (moyenne des feux enregistrés entre 2008 et 2017), soit une hausse de… 4 000 % ! De même, le Royaume-Uni a vu brûler 14 000 ha contre 3 100 en moyenne (+ 346 %). Ce rappel est important, car cette zone géographique n’est pas habituée aux incendies de forêts ; ces pays sont rattrapés par la règle dite des « 30-30-30 », voulant que le risque d’incendie est très élevé si le taux d’humidité est inférieur à 30 %, la température supérieure à 30°C et la vitesse du vent dépasse 30 km/h.

Le 30 octobre 2020, le Centre commun de recherche de la Commission européenne (CCR) a présenté la 20e édition de son rapport annuel sur les incendies de forêt en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord pour l’année 2019, en notant qu’elle a été la pire année en matière d’incendies de forêt que le monde ait connue dans l’histoire récente. Plus de 400 000 hectares d’espaces naturels ont brûlé en Europe et un nombre record de zones naturelles protégées (dont 159 585 ha de zones européennes protégées du réseau Natura 2000) ont été touchées. Selon les conclusions du rapport, le changement climatique a continué d’influer sur la durée et l’intensité du danger d’incendie en Europe.

Pour la France, le rapport parle de 23 477 ha détruits pour 5 435 feux, soit plus que pour la période 2009-2018 (11 879 ha), mais moins que le record de 2003 (70 000 ha). Depuis 2000, donc en vingt ans, environ 100 000 ha de forêts sont partis en fumée dans l’Hexagone.

L’entrée dans l’ère des « mégafeux »

Pour 2021, l’introduction d’un récent article résume bien la situation : « Des deux côtés de l’Atlantique et de part et d’autre de la Méditerranée, de la Scandinavie aux Balkans et de la Sibérie aux marges septentrionales du Sahara, les forêts brûlent. Dans des pays riches comme déshérités, sous des latitudes et des climats différents, des écosystèmes entiers partent en fumée dans des incendies monstres, certains d’une ampleur jamais vue dans l’histoire récente »3.

Le lien avec le réchauffement climatique est établi depuis longtemps et les feux les plus importants sont aussi ceux des dernières années. Par exemple, le feu emblématique de cet été aux États-Unis, le Dixie, est le deuxième plus grand feu de forêt jamais enregistré en Californie. Ce feu immense, qui a débuté mi-juillet, n’était toujours pas éteint mi-août et a déjà anéanti plus de 244 000 ha de forêt. Mi-août environ, 39 000 incendies avaient déjà détruit 1,5 million d’ha de forêts aux États-Unis.

De très nombreux pays dans le monde connaissent d’importants incendies de forêt, quelquefois meurtriers. On peut citer la Turquie avec au moins 180 000 ha brûlés, soit huit fois plus que la moyenne des dix dernières années, ou encore l’Algérie qui a aussi connu des incendies catastrophiques avec plus de 3 800 ha détruits contre 2 425 ha en moyenne. Au 19 août, 124 354 ha ont été détruits par les flammes en Grèce, soit onze fois plus qu’habituellement à la même époque de l’année (11 728 ha). Le nombre d’hectares brûlés en Espagne est multiplié par 1,6, avec 64 269 ha en 2021 contre 2 425 en moyenne.

En 2021, en moyenne, pour douze pays européens et du bassin méditerranéen (Finlande, Grèce, Turquie, Chypre, Danemark, Tunisie, France, Monténégro, Belgique, Bosnie Herzégovine, Algérie, Allemagne), la superficie des feux de forêt enregistrés en 2021 est multipliée par 12,5 par rapport à la moyenne des années 2008-2020.

En France, dans le Var, 7 100 ha ont été détruits dans l’incendie de ce mois d’août, conduisant à l’évacuation de 10 000 personnes. La réserve naturelle nationale des Maures, recelant une importante biodiversité, a été en partie ravagée. Ce feu déclenché a priori par des mégots de cigarettes a été activé par des hautes températures (40°C) et un fort vent. Ce feu, comme tous les autres, est une catastrophe écologique et humaine.

Le cas de la Sibérie et de l’Arctique

Cette année, les zones arctiques de la Finlande connaissent leur pires feux de forêts depuis 1971, avec plus de 300 ha anéantis lors de la dernière semaine du mois de juillet. Ainsi, ce pays enregistre, avec les 488 ha détruits cet été, 12,5 fois plus de forêts brûlées que la moyenne établie sur la période 2008-2020 (39 ha /an).

Les incendies en Russie et notamment en Sibérie, où les fumées ont atteint le pôle Nord, durent quant à eux depuis deux mois. Au moins 15 millions d’ha ont été détruits, soit plus que les Pays Bas, la Belgique et le Danemark réunis ! Le 20 août, plus de 1,5 millions d’ha étaient encore en feu au nord-est de la Sibérie. Il s’agit là du deuxième plus grand feu de l’histoire.

En Sibérie, le changement climatique est bien perceptible. En juin 2020, à Verkhoïansk, dans le nord de la Iakoutie, a en effet été enregistré un record de chaleur avec 38°C (record de froid : - 57°C en 1933) et l’hiver 2019-2020 a été le plus chaud depuis le début des relevés sur place, en 1930. Ce réchauffement s’est déjà traduit par des incendies importants en 2020, après ceux de 2019. Les scientifiques de Copernicus (le programme de l’Union européenne pour l’observation et la surveillance de la Terre) ont évalué les émissions des feux à l’intérieur du cercle arctique à 244 mégatonnes de CO2 entre le 1er janvier et le 31 août 2020, contre 181 mégatonnes pour toute l’année 2019. En prenant en compte les zones sibériennes hors cercle arctique, les feux ont également battu des records d’émissions de CO2 (540 mégatonnes) de juin à août.

Tous ces incendies alimentent bien entendu le réchauffement climatique

(1) « Les inondations de juillet en Allemagne et en Belgique sont bien liées au réchauffement climatique », Le Monde, 24 août 2021.

(2) Human Cost of Disasters 2000 – 2019.

(3) « La planète est entrée dans l’ère des “mégafeux”», Le Monde, 20 août 2021.

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