GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Palestine : le fond du problème

Dans « Les habits neufs de l’empereur » d’Andersen, c’est un enfant qui dévoile la vérité en criant « Le roi est nu ! ». Le caractère mystificateur des discours lénifiants déplorant ce qu’ils appellent le quatrième affrontement entre Israël et le Hamas se voit à son tour impossible à nier. Car l’étincelle à l’origine des événements de ce printemps est parfaitement identifiée.

Tout commence en effet par la tentative d’expulser simultanément plusieurs familles palestiniennes du quartier de Cheikh Jarrah à Jérusalem-Est, au profit de colons israéliens. Si ces expulsions ne sont rares ni en zone urbaine ni sur des terres à vocation agricole (vallée du Jourdain) et demeurent le plus souvent sans écho dans les grands médias occidentaux, leur concentration rencontre cette fois une opposition qui prend une ampleur inattendue : plusieurs milliers de Palestiniens manifestent à Jérusalem, et des mouvements de protestation apparaissent aussi bien dans des agglomérations israéliennes que dans les territoires palestiniens occupés. Une mobilisation dont la légitimité difficilement contestable pourrait susciter bien trop de sympathies auprès de populations aux yeux dessillés.

Les dirigeants israéliens sont conscients du danger, et, bons stratèges militaires, se plaisent à monter une opération de diversion qui leur soit bénéfique.

Diversions calculées

Rien de plus simple à organiser : quelques provocations sur l’esplanade des Mosquées en pleine période de Ramadan suffisent à attiser les passions, et permettent de maquiller un anticolonialisme compréhensible en conflit religieux forcément fanatique et répréhensible. Il suffit dès lors de surfer sur l’islamophobie ambiante.

Heureux hasard, l’ennemi idéal y voit lui aussi une sorte d’aubaine, qui lui permet à la fois d’apparaître comme défenseur le plus décidé des Palestiniens et de mener une campagne électorale devant lui permettre de gagner officiellement son titre de dirigeant. Car, tout comme jadis la direction du Fatah à Tunis n’avait été pour rien dans le lancement de la première Intifada, la direction du Hamas n’était aucunement à l’origine du nouveau mouvement populaire palestinien s’opposant aux expulsions et à la poursuite du nettoyage ethnique.

Aspirations politiques

Fait auquel il a été accordé trop peu d’attention, avant son annulation sur l’initiative de Mahmoud Abbas, la campagne électorale destinée à renouveler les organes dirigeants des Palestiniens faisait preuve d’un engouement révélateur d’un profond désir d’engagement politique qui était loin de se limiter à l’offre des organisations déjà existantes (Fatah, FPLP, FDPLP, Hamas, Jihad islamique, etc.) : plus de 93 % des Palestiniens en âge de voter s’étaient inscrits pour le faire, et 36 listes de candidats s’étaient enregistrées pour un scrutin à la proportionnelle intégrale où au moins deux femmes devaient être parmi les dix premiers et représenter 26 % de l’ensemble.

Unité retrouvée

Cette politisation se concrétise aussi par la grève générale qui survient le 18 mai 2021 : elle surgit à la fois en Cisjordanie, à Gaza, à Jérusalem-Est et dans les villes mixtes d’Israël. Cette forme d’action se traduit par la fermeture de magasins, de bureaux, des écoles, par le boycott de biens et de services israéliens. « Dans l’appel à l’action qui circule sur les médias sociaux palestiniens, les Palestiniens s’invitent les uns les autres à organiser des sit-in et des activités communautaires, à hisser des drapeaux palestiniens depuis leurs maisons, à jouer de la musique palestinienne dans les rues et à décorer les murs et les rues de leurs communautés avec des symboles de la Palestine et des messages de soutien à Gaza et à Sheikh Jarrah. » Yumna Patel écrit encore : « Dans les rues et sur les médias sociaux, le message retentissant venant de tous les coins de la Palestine mardi, et dans les jours et les manifestations qui ont précédé la grève, est que les Palestiniens sont unis. Sur les médias sociaux et sur le terrain, les Palestiniens appellent les soulèvements actuels l’«Intifada de l’unité »*.

Les leçons du printemps

L’affrontement Israël-Hamas relève du même théâtre que celui des élections israéliennes : une sorte de reconduction d’une situation sans perspective véritable, dont les variantes, bien que réelles, demeurent toutefois mineures et ne modifient guère les réalités du terrain.

La cause des affrontements ne peut plus se cacher derrière tel ou tel rideau de fumée. Les dirigeants israéliens font du Clausewitz à leur manière : pour eux, la politique n’est que le prolongement de la guerre par d’autres moyens ; car il s’agit bel et bien d’une guerre coloniale assortie de nettoyage ethnique.

Face à cela, la créativité et les capacités de mobilisation des Palestiniens s’avèrent admirables : malgré des dizaines d’années de dépossession et d’oppression, après l’échec des stratégies de guérilla en vogue dans les années 60 et 70, et en dépit de la division des directions des organisations censées les représenter, ils sont toujours debout, et parviennent à imposer dans des luttes à multiples formes (campagne BDS, marches du retour, grève générale) la nécessaire unité d’action.

Les laisserons-nous seuls ?

Cet article de notre ami Philippe Lewandowski est à retrouver dans le numéro 286 de Démocratie&Socialisme, la rev ue mensuelle de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

* Yumna Patel, « Palestine. Une “grève pour la dignité”, ce 18 mai 2021 », https://alencontre.org, consulté le 20/06/2021.

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