GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Syndicats

Lapeyre : "on continue notre combat jusqu'au bout"

Dans le dernier numéro de Démocratie & Socialisme, nous étions revenus en détail sur la lutte des salariés du groupe Lapeyre contre leur repreneur Mutares, un fond d’investissement spécialisé dans le « retournement d’entreprises »*. Pour aller plus loin, nous avons posé quatre questions à Nicolas Bodot, coordinateur CGT chez Lapeyre. Par ailleurs, la CGT a lancé une pétition adressée Emmanuel Macron : https://www.change.org/p/emmanuel-macron-lapeyre-y-en-aura-plus

D&S : Où en est la lutte des salariés de Lapeyre ?

Nicolas Bodot : Malheureusement, le tribunal de commerce a validé l’homologation déposée le 10 mai dernier, dont le délibéré a eu lieu le 10 juin. On avait dix jours pour faire tierce opposition. 6 CSE sur 12, représentant plus des deux tiers des salariés de Lapeyre, l’ont fait. On retrouve les CSE de la distribution qui représentent une grande partie des salariés, quatre CSE de l’industrie et un CSE de Lapeyre-Service. Cela a été fait en temps et en heure, dans les dix jours après publication du tribunal de commerce. La tierce opposition sera traitée en septembre, mais, pour nous, c’est dommageable, car trop tardif. Cette procédure a toutefois le mérite d’exister.

Pendant ce temps-là, Mutares s’installe de plus en plus chez Lapeyre. Le nouveau PDG fait ses tournées d’usines comme il avait prévu. Il a déjà fait quelques magasins. Il est venu à Châlons chez Poreaux, jeudi 24 juin.

D&S : Le recours n’est pas suspensif. Comment réagira Saint-Gobain si jamais le tribunal de commerce levait l’homologation ?

NB : C’est un vrai point d’interrogation. Parce que si jamais cette homologation était levée, est-ce que Saint-Gobain reviendrait sur sa décision de vendre Lapeyre à Mutares ? Ou bien laisserait-il le repreneur s’installer quand même ? Sauf que, pour nous, la responsabilité est différente. Si l’homologation saute, Saint-Gobain reprend alors une part de responsabilité dans l’échec de Lapeyre, et il faudra que le groupe en assume les conséquences. Pour nous, le combat c’était que les collectivités ne payent pas les mauvais choix des actionnaires.

D&S : Il faut donc attendre les décisions de septembre ?

NB : Oui, pour le traitement de la tierce opposition ; après, il y aura un délibéré sans doute pour octobre. Plus des deux tiers des salariés se sont mis en tierce opposition via les CSE.

Il est aussi possible d’avoir des intervenants qui viennent nous soutenir jusqu’au moment du jugement. Des communautés de communes soutiennent en se mettant tierce opposition. On va lancer un appel à tous les soutiens, par exemples des députés, des collectivités territoriales et des fédérations syndicales, toujours dans l’optique de la tierce opposition. Cela renforcera notre cause.

On continue notre combat jusqu’au bout, jusqu’à la dernière démarche, parce que l’on y croit encore. Mais, si en septembre l’homologation est confirmée, c’est Mutares qui s’installe définitivement. Il n’y aura plus d’autre recours. En revanche, charge à eux de ne pas nous mettre dans le mur, parce qu’avec tout ce que l’on a avancé, on ira au pénal, car il y aura de la casse sociale.

D&S : Le projet Mutares concerne combien de salariés ?

NB : Dans un premier temps, c’est près de 1 000 salariés dont ils veulent se séparer dans leur business plan. Après les grèves, tracts, 700 salariés seraient licenciés sur 4 200 sur toute la France. Mais ce n’est que le premier volet. Le second, c’est le risque de redressement judiciaire avec liquidation. Cela touchera tous les salariés dans les trois à quatre ans.

Mutares a une stratégie de reprise d’entreprises en difficulté avec suppression d’effectifs. Ils ont aussi des techniques pour puiser dans les fonds de la société, via des cabinets de consulting. Avec Mutares, il n’y aura pas de développement de Lapeyre. Leur but est de revendre l’entreprise à très court terme. Ils n’ont aucune problématique industrielle ou commerciale ; uniquement financière.

Cette année, Lapeyre aura presque cent ans. Poreaux à Châlons-en-Champagne a 126 ans. On a peur que dans trois ans, tout cela soit fini. Pour la CGT, Saint-Gobain doit assumer jusqu’au bout son choix et ses erreurs stratégiques.

Les propos de Nicolas Bodot, coordinateur CGT chez Lapeyre ont été recueillis par notre camarade Gérard Berthiot et publiés dans le numéro 286 (été 2021) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

* Voir « Soutenons les salariés de Lapeyre en lutte », D&S 285, mais 2021, p. 4-5.

Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS

La revue papier

Les Vidéos

En voir plus…