GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Écologie

Crise énergétique : de quelle sobriété parle-t-on ?

La crise énergétique, accélérée par la guerre en Ukraine et le fait qu’une bonne part des réacteurs nucléaires français sont à l’arrêt (maintenance et phénomènes de corrosion), a provoqué de nombreuses réactions. Depuis juillet, Macron a annoncé le lancement d’un « plan de sobriété » et la « fin de l’abondance ».

Dans son dernier rapport, le GIEC donne de la sobriété une définition précise : c’est « un ensemble de mesures et de pratiques quotidiennes qui permettent d’éviter la demande d’énergie, de matériaux, de terres et d’eau tout en assurant le bien-être de tous les êtres humains dans les limites de la planète ». Selon un triptyque qui peut servir de boussole en matière de décision environnementale, il faudrait, dans l’ordre, éviter - changer - améliorer.

Aux antipodes

Dans son discours, Macron développe une approche en réaction à l’urgence, ne remettant surtout pas en cause les fondements de notre système productiviste fondé sur l’accumulation de richesses et la consommation à outrance. Il y affirme des mesures essentiellement incitatives pour les acteurs économiques et appelle à la responsabilisation de tous, faisant planer l’épée de Damoclès du rationnement et des mesures coercitives, sans poser les termes des différents niveaux de responsabilité et des questions de justice sociale dans les efforts à fournir. Le 26 octobre, lors de son intervention télévisée, il affirmait encore qu’il s’agissait de produire plus, de produire plus de richesses pour financer les mesures utiles. On est bien loin du triptyque du GIEC et de sa définition de la sobriété…

Réagir en urgence ou anticiper ?

Nous savons au moins depuis les années 1970 et le rapport Meadows que les ressources fossiles sont limitées et qu’elles vont se raréfier. L’Agence internationale de l’énergie nous apprenait en 2010 que le pic de production de pétrole avait été atteint quatre ans plus tôt. Quant à la production électrique en France, la filiale d’EDF RTE avait appelé dès 2019 à une vigilance pour l’hiver 2022-2023, compte tenu de l’arrêt des centrales à charbon, de la fermeture de Fessenheim, des retards de l’EPR de Flamanville et des opérations de maintenance prévues. Il y avait donc largement matière à anticiper la situation actuelle, et à construire démocratiquement les réponses indispensables, à se soustraire à une logique réactive face à l’urgence pour élaborer avec l’appui du collectif un ensemble cohérent et planifié de mesures adaptées.

Ce qui nous est proposé aujourd’hui s’appuie sur une rhétorique culpabilisatrice et martiale faisant appel à la « responsabilité » de chacun sous peine de mesures de contrainte. La même logique autoritaire de contrôle social mise en œuvre lors de la période d’épidémie de Covid, au risque de maintenir à distance d’une politique écologiste conséquente des franges importantes de la population.

Quelle volonté politique ?

Alors que la crise climatique s’accélère, il faut affirmer avec clarté qu’il n’y aura pas de solution technique pour réduire l’ensemble des postes d’émission de gaz à effet de serre (GES). Ces questions sont systémiques, et quasiment toutes nos activités émettent des GES. 27 % de ceux-ci sont dus à la production d’électricité, 23 % aux transports, 12 % à l’industrie manufacturière et à la construction, 11 % à l’agriculture, 9 % aux procédés industriels… Il nous faut donc par exemple en même temps modifier nos modes de déplacement et notre alimentation si nous voulons atteindre l’objectif de zéro émission nette en 2050 inclus dans l’accord de Paris.

Il faut appréhender le problème dans sa globalité, et cela implique de remettre en cause les paradigmes du système. Ainsi poser la question de la définition collective des besoins essentiels face à la course effrénée à la production de biens de consommation jetables est de plus en plus urgent. Redéfinir les fondamentaux de notre dispositif de production d’énergie est également indispensable. Au-delà de tous les problèmes de coût, de sécurité et de fiabilité, d’atteintes à l’eau et au vivant, de déchets etc., la carte de la relance du nucléaire se joue sur du long terme et ne peut nous permettre d’affronter les enjeux actuels. Les économies d’énergie et la mise en œuvre rapide d’un ensemble d’énergies renouvelables combinées, gérées dans l’articulation d’un service public national et d’une gestion démocratique locale, sont indispensables.

Les gestes individuels ne sont pas inutiles, mais ils doivent être accompagnés de politiques publiques ambitieuses, y compris des politiques contraignantes vis-à-vis des acteurs économiques. Car l’approche incitative ne fonctionne pas, particulièrement pour les grandes entreprises, dont le profit à court terme est la principale boussole.

Les gestes individuels sont aussi souvent limités et contraints. Ainsi, en zone rurale notamment, on est souvent obligés de prendre sa voiture pour aller au travail. En 2017, un habitant de la ruralité dépensait 2,4 fois plus en carburant qu’un habitant de l’agglomération parisienne. Une approche globale est indispensable pour développer les transports en commun, modifier l’urbanisme, le maillage industriel et agricole, assurer la rénovation énergétique des logements…

Cet article de notre camarade Christian Bélinguier a été publié dans le numéro 300 (décembre 2022) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale.

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