GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Chirac illégitime !

Le rejet qui vient de frapper le gouvernement de Chirac-Raffarin est sans précédent. La vague qui fait gagner toute la gauche est encore beaucoup plus forte qu'en juin 1997.

Ce n'est pas seulement un 21 avril à l'envers, c'est surtout un 1er juin 1997 en mieux ! Il faut le reconnaître tel quel.

Alors que l'abstention recule spectaculairement de 7 % , donc avec une mobilisation démocratique tout à fait exceptionnelle, la gauche atteint à elle seule, les 50 % des voix et gagne presque 100 % des régions. Ce ne sont pas les triangulaires qui font perdre la droite Ump-Udf, ce n'est pas un vote "régional" ou "cantonal" qui a eu lieu, c'est un raz-de-marée politique national lumineux qui met en cause consciemment, profondément, directement, la politique et le pouvoir chiraquien tel qu'il s'est imposé depuis le 21 avril 2002.

Et c'est la troisième fois que Chirac reçoit ce genre de démenti complet... en 1988, en 1997, en 2004

Chapeau le peuple de gauche français !

Face à une tentative délibérée et brutale d'imposer en France, par la force, une politique réactionnaire à la Margaret Thatcher, détruisant tous les acquis sociaux, retraite, Sécu, droit du travail, non seulement il y a eu une extraordinaire mobilisation sociale en 2003 (11 journées nationales enseignantes, 9 journées interprofessionnelles, 140 jours de mobilisation pour défendre les retraites, 30 millions de jours de grève, 4 journées de défilés avec plus de 2 millions de manifestants dans la rue...) mais les salariés français ont aussi trouvé "leur" débouché politique, s'emparant de toutes les élections depuis (Corse, Antilles, régionales cantonales, et demain les européennes !...) pour défaire l'entreprise chiraquienne.

Chapeau le peuple de gauche !

Il vient de mobiliser le ban et presque l'arrière-ban (presque, parce qu'il y a encore des réserves d'abstention et elles sont encore à gauche...). Il est majoritaire. La France est de gauche ! Elle a su aller chercher en moins de vingt mois, dans ses ressources pour rejeter le thatchérisme !

Ceux qui disaient que les grèves de 2003 avaient "perdu", ont finalement eu tort :

  • après tout mai 68 avait perdu... il a fallu attendre un an pour que De Gaulle parte...
  • après tout nov-déc 95 n'avait pas gagné, il a fallu attendre plus d'un an pour que Chirac dissolve et que Juppé parte...
  • après tout, un an après les grèves de 2003, on est "dans les temps" pour Raffarin-Chirac...
  • Le message est clair : nous ne voulons pas des régressions réactionnaires du Medef, nous ne voulons pas de retour en arrière vers le XIXe° siècle, nous ne voulons pas de la destruction de nos retraites par répartition ni de la loi Fillon (rappelons que fin juin 2003, 66 % des Français étaient opposés à la loi Fillon), nous ne voulons pas de vos menaces sur la Sécurité sociale, sur le droit du travail ! Nous voulons bouger, aller de l'avant, pour davantage de droits sociaux, pas pour leur suppression !

    Le gouvernement Chirac-Raffarin, en deux ans, a fait reculer la France, économiquement, socialement, il a creusé le chômage, enrichi les riches, appauvri les pauvres.

    La France a besoin de davantage d'égalité, pas de moins de solidarité. Elle veut plus de sécurité sociale pas moins. Elle veut des salaires plus hauts pas davantage de profits pour les actionnaires. La France ne veut pas creuser les inégalités, elle veut les résorber. Elle veut redistribuer les richesses, pas serrer la ceinture aux salariés ni remplir les bourses des capitalistes. Nous voulons reprendre au capital ce qu'il a pris au travail depuis près de vingt ans ! Augmentez tous les salaires et prestations sociales, c'est le capital qui doit payer sur ses profits pas les salariés !

    Comment Chirac pourrait-il prendre acte publiquement du vote du 28 mars ?

    Ce serait pour lui, reconnaître que c'est la même défaite qu'en juin 1997, car il lui faudrait "présider" comme entre 1997 et 2002, et il ne pourrait plus satisfaire le Medef ni servir ses amis de l'Ump-Udf.

    Donc Chirac fait parler Juppé, Raffarin, Perben, Aillagon, ses ministres, et que disent-il, dès ce soir du 29 mars ? Juppé, Raffarin, Sarkosy, continuent éhontément de prétendre sur tous les écrans de télévision qu'ils vont continuer d'imposer leurs prétendues "réformes" réactionnaires, "notamment sur la Sécurité sociale", et qu'il n'y a pas d'autre choix !

    Ils narguent le peuple et nous annoncent un "remaniement gouvernemental" pour continuer en "expliquant mieux", en faisant de la "pédagogie". C'est un déni de démocratie!

    Face à cela, on ne peut pas seulement dire :

    "- Servons -nous de notre victoire et des régions et des cantons pour résister"

    ou

    "- Préparons notre projet pour 2007"

    Certes, ce sont deux réactions justes, évidentes, mais elles ne suffisent pas à la situation créée ce 28 mars.

    Il faut aussi, forcément, mettre en cause la légitimité du pouvoir chiraquien.

    Car comment accepter que la France soit gouvernée par un président évidemment minoritaire qui veut, pour le compte du Medef, continuer à casser les éléments essentiels de notre protection sociale, à augmenter le chômage et à exclure les chômeurs de leurs droits acquis, qui veut baisser les salaires déjà trop bas, et détruire le droit du travail déjà trop peu respecté ?

    Il s'impose à tous de reconsidérer la source de la "légitimité" démocratique initiale de Chirac: elle était faible, elle vient d'être battue.

    Déjà, le 21 avril 2002, Chirac perdait 4 millions de voix sur 1995, et ne faisait que 19 % des voix : s'il est passé, c'est dans une conjoncture tout à fait exceptionnelle où la gauche, malgré qu'elle ait obtenu 42,96 % des voix contre 40,96 % des voix à la droite, n'a pas eu de candidat au deuxième tour !

    Chirac a cru et a dit "qu'il n'y avait plus de raisons de s'emmerder" et a fait directement la politique réclamée par les forcenés ultra-libéraux du Medef. Sa majorité parlementaire "Ump-Udf" obtenue mécaniquement en juin 2002, (vu l'ordre inversé, hélas, des scrutins) ne découlait que de Chirac, elle n'a donc fait que s'aplatir devant Raffarin, Premier ministre lui-même réduit à un rôle de chef de cabinet, d'exécutant des basses oeuvres.

    Cette construction politique institutionnelle sur les deux dernières années est impitoyablement mise à nu. On y voit les méfaits de la V° République où le pouvoir vient d'en haut, de la présidence et s'impose au peuple - y compris quand le deuxième tour et ses suites ont été faussés.

    Oui, mais voilà, le peuple se rebiffe, et fait savoir dès qu'il le peut, que l'interprétation chiraquienne du vote exceptionnel de 2002 ne lui convient pas. La V° République est grippée, la source du pouvoir mise en cause.

    Rien, dans un pays démocratique, après un tel raz-de-marée, si clair et si facile à analyser dans sa signification et son ampleur, ne permet de considérer comme acquis que les chiraquiens continuent à gouverner: le respect de la règle démocratique voudrait qu'ils démissionnent ou qu'ils re-consultent le peuple sur les orientations fondamentales, qu'isl ré ouvrent le vote sur le fond.

    Pour savoir si le peuple veut subir les régressions du Medef contre les retraites, la Sécu ou le Code du travail... s'il veut que ça continue jusqu'en 2007, ou que ça s'arrête maintenant, il faut entendre le message raz-de-marée des 21 et 28 mars et donc revoter, pour déterminer la source du pouvoir.

    Nous n'avons pas fatalité, maintenant que nous savons où est la majorité le 29 mars, à laisser détruire nos droits sociaux pendant trois ans, en attendant de les reconstruire ensuite.

    On ne peut pas laisser la France être gouvernée par diktats pendant les trois années à venir.

    C'est pourquoi il est juste d'interpréter le vote populaire en réclamant à Chirac, soit sa démission, soit de nouvelles élections législatives ! C'est le pouvoir de Chirac, c'est sa politique, c'est son action qui sont en cause, et pas seulement Raffarin, ou ses ministres !

    Et comme nous sommes pour la démocratie, pour la pré-éminence du Parlement, contre le pouvoir personnel, pour une VI ° République, la solution la plus adéquate et démocratique en lien avec le raz-de-marée du 28 mars, ce devrait être des élections législatives anticipées.

    Dissolution de l'assemblée Ump-udf qui a mis en oeuvre toutes les mesures de régression sociale qui viennent d'être rejetées !

    Et si Chirac n'entend pas cela, tous les mouvements sociaux, et toutes les mobilisations n'en seront que plus légitimes. Syndicats, associations, salariés auront encore mieux qu'en 2003 à lui faire entendre raison démocratique.

    La France est ingouvernable si Chirac s'incruste et veut continuer à agir dans le même sens : la gauche tout entière doit le dire, et c'est le début d'une nouvelle pugnacité, si elle le dit clairement ! C'est même le début et une condition à son futur "projet". Pour gagner en 2007, il ne faut pas "attendre" il faut se battre dès maintenant ! L'exigence est si grande qu'il faut dire aussi que nous abrogerons les lois passées depuis 2002.

    Nous abrogerons la loi Fillon pas seulement "parce qu'elle n'est pas financée" mais parce qu'elle est injuste socialement et que nous voulons que ce soient les actionnaires qui paient et pas les salariés !

    Les électeurs de gauche ont donné un mandat pour que la gauche s'oppose et fortement, ils seront aussi exigeants vis-à-vis de la gauche qu'ils l'ont été face à la droite. D'ailleurs, les électeurs francais votent toujours, dans ce pays, depuis 20 ans contre le libéralisme et les libéraux capitalistes !

    Le raz-de-marée du 29 mars n'est pas un "blanc seing" : la gauche a intérêt à être aussi antilibérale et fidèle aux salariés que la droite est libérale et fidèle au patronat.

    Enfin, pour conclure sur l'illégitimité de Chirac, il faut cesser toute complaisance, même indirecte : tous les Français savent que ce n'est pas seulement Alain Juppé qui est compromis dans les affaires de la mairie de Paris, les emplois fictifs, les détournements de fonds, la mise en coupe réglée financière des ressources multiples, illégales, qui ont permis à Chirac d'accéder à l'Elysée.

    Chirac n'a rien de sympathique, c'est un des plus médiocres présidents que nous ayons eu, et aujourd'hui un des plus illégitimes, et donc des plus dangereux pour la France.

    Tous les Français expérimentent maintenant comment les politiques de Chirac échouent, chaque fois qu'il arrive au pouvoir : en 1986-88, avec les grèves et la mort de Malik Oussekine, avec les grandes grèves de nov-déc 95 et la dissolution de l'Assemblée qui en a résulté, et aujourd'hui avec les grèves géantes de 2003 qu'il a voulu mépriser, et ce raz-de-marée à gauche qui en résulte et le balaie.

    En un mot Chirac n'est plus légitime, après ne l'avoir été que très faiblement, dans des circonstances exceptionnelles, et la France ne peut accepter que les régressions sociales qu'elle vient massivement de condamner, continuent !

    Gérard Filoche,

    membre du Bn du Ps, "Démocratie socialisme" n°114 avril 2004

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