Après le 1er tour, bilan et perspectives
Le 1er tour des présidentielles a réservé quelques surprises. Il n’a pas été en tout point la reproduction à l’identique du scrutin de 2017. Si les abstentionnistes ont été plus nombreux, les trois candidats arrivés en tête incarnent des mouvements de l’électorat plus complexes qu’il n’y paraît de prime abord.
Le second tour reste incertain avec un fort risque de montée de Marine Le Pen sur fond de détestation de Macron et de son mépris de classe. L’avenir doit s’écrire collectivement.
Résistance
Se mobiliser électoralement est indispensable, mais la mobilisation sur les questions sociales, démocratiques et écologiques est tout aussi essentielle pour l’avenir. Enfin, la refondation d’une alternative majoritaire est capitale. Cela passe par les législatives à venir à la condition que des accords sur le programme et sur l’unité dans le maximum de circonscriptions soient rendus possibles. L’avenir proche nécessitera aussi des recompositions partielles ou plus générales pour refonder une perspective politique. En dépit des mobilisations citoyennes, des résultats électoraux, de la remobilisation de la jeunesse et de celle des quartiers populaires le chemin reste semé d’embûches.
« Vote utile » et vote d’adhésion
Macron a indéniablement bénéficié d’un vote « utile ». Une partie de l’électorat des Républicains a basculé vers lui. Les différences devenaient minces tant en termes de bilan que de perspectives pour toutes celles et tous ceux qui à droite ne voulaient pas de Le Pen. On a là à la fois des éléments de vote utile tout autant que d’adhésion à un programme de droite classique. Quelques électeurs de gauche ou écologistes ont certainement fait de même. Le vote du premier tour a pris des allures d’un vote de second tour avant l’heure.
La remontée de la candidate du Rassemblement national procède de la même logique. Elle a siphonné une partie de l’électorat qui lorgnait vers Zemmour, une partie de l’électorat de la droite qui a préféré l’original à la copie d’autant que la dédiabolisation avait fonctionné à fond. Dans le Nord comme l’Est de la France, une partie de l’électorat populaire a été séduit par ses propositions sur le pouvoir d’achat, le prix de l’énergie ou des produits de première nécessité. Là aussi, vote utile et adhésion aux thèmes de droite ou de thèmes sociaux se sont cumulés. Davantage que le vote Macron, le vote Le Pen est hétérogène. Il ne s’agit pas seulement d’un vote d’extrême droite, et encore moins fasciste, mais le plus souvent d’un vote de colère face au mépris « jupitérien » envers le « peuple ».
L’Union sans unité
Jean-Luc Mélenchon fait un score d’autant plus haut qu’il dépasse son résultat de 2017 alors même que l’abstention est plus forte en 2022. Ce résultat était envisageable ces dernières semaines. Longtemps autour de 10 points dans les sondages, il commence son ascension en février vers 13 puis 15, et progresse dans les derniers jours. Il attire à lui les intentions de vote pour Jadot parti de 8 % environ et Hidalgo partie, elle, de 6 %. Les courbes des sondages compilées et des études en témoignent. C’est le phénomène du vote « utile » ou du vote efficace quand on est de gauche.
Cela ne signifie pas adhésion totale au programme. Il reste des doutes notamment sur les questions géopolitiques ou sur une conception de la démocratie et du pluralisme. Mais ces doutes s’effacent devant le danger d’un second tour avec Marine Le Pen.
Mais il y a plus ! Dans les derniers jours on a entendu de nombreuses déclarations de personnalités annonçant voter pour Jean-Luc Mélenchon : Pierre Larrouturou, le député européen de Nouvelle Donne élu sur une liste PS, le cinéaste écologiste Cyril Dion ou encore Christiane Taubira. Il y a un effet « rassemblement » indéniable, quand bien même l’unité qui aurait permis de gagner n’est pas là. Cet effet rassemblement et de barrage à l’extrême droite va entraîner une remobilisation d’une grande partie de la jeunesse sensible à la question de la bifurcation écologique et une remobilisation des quartiers populaires.
Les résultats dans plusieurs communes de Seine-Saint-Denis en témoignent, mais également de nombreuses villes de province. Ce sont 3 à 4 % de gagné dans les tout derniers jours, ce que les sondages n’annonçaient pas. La campagne de porte-à-porte, la qualité des arguments développés avec d’excellents clips officiels de campagne n’y est pas pour rien. Il y a là des éléments d’adhésion forts à partir du refus de stigmatiser les quartiers ou une religion telle l’islam quand d’autres candidats en ont fait leur fonds de commerce.
2022 n’est pas 2017 !
L’extrême droite progresse si on additionne Le Pen, Zemmour et Dupont-Aignan. Et on peut à bon droit y ajouter une part des votes venus de la droite classique. C’est Macron qui est responsable de cet état de fait, lui qui prétendait réduire drastiquement l’audience des formations extrémistes
Jean-Luc Mélenchon progresse également, au point que l’Union populaire pourrait constituer le socle d’une recomposition plus large d’une gauche écologiste et sociale, démocratique et pluraliste. Macron a aussi gagné en valeur absolue comme en valeur relative et va tenter de capter ce qui restera des Républicains dans le cadre d’une majorité présidentielle. Mais l’équilibre entre teinture de gauche et teinture de droite peut éclater.
Un deuxième tour incertain
À l’issue du premier tour, bien malins ceux qui pourraient pronostiquer le résultat du second. Il ne s’agit pas seulement d’addition des voix mais de dynamique. Si Macron garde son programme anti-social, Le Pen essaiera d’en profiter pour attirer une frange de l’électorat de gauche. Mélenchon a eu raison de marteler que pas une voix ne doit aller chez Le Pen, mais les études d’opinion montrent que cette tentation existe dans une partie de son électorat.
Se battre pour la retraite à 60 ans maintenant est donc décisif. Si un courant de centaines de milliers de citoyens s’exprime autour de la pétition sur We sign it*, cela peut contribuer à un rapport de force qui oblige Macron à renoncer à sa réforme rejetée par tous les syndicats.
Cet article écrit le 11 avril par notre camarade Jean-Claude Branchereau est à retrouver dans le numéro 294 de démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).
* https://www.wesign.it/fr/social/retraite-a-65-ans-cest-non