GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Écologie

Aménager le territoire et repenser la ville

En 1998, nous passions en moyenne 40 minutes par jour dans les transports, pour effectuer l’aller-retour entre notre domicile et notre travail. En 2015, nous y passons 50 minutes*. Cette réalité revêt des disparités importantes selon que notre lieu de vie se trouve à la campagne, au cœur d’un bourg, en périphérie dʼune ville moyenne ou dans une métropole. Et, évidemment, selon qu’on travaille près ou non de son logement.

Près d’un tiers de nos concitoyens effectue plus d’un aller-retour par jour. L’organisation du travail, les pauses longues ou le travail découpé sont les principales explications à ces déplacements plus fréquents. Si plus de deux tiers des travailleuses et des travailleurs assurent ces trajets quotidiens en voiture, environ 10 % utilisent les transports en commun. La place de la voiture est plus répandue chez les personnes concernées par les horaires décalées, en particulier celles qui travaillent tôt le matin. En région parisienne, les trajets sont plus longs, 68 minutes en moyenne mais les distances parcourues sont, en réalité, plus courtes car la vitesse de déplacement est plus faible. Embouteillages, utilisation des transports en commun ou non-motorisés (vélos, déplacement à pied) ralentissent la vitesse.

Concentration des activités économiques

Ces quelques chiffres peuvent sembler anodins mais ne le sont pas. D’abord, parce qu’ils représentent des coûts incompressibles : avant même de travailler une heure, un salarié doit affronter ces frais. Ensuite, parce que le temps passé est le plus souvent subi. Sauf exceptions, le trajet domicile-travail s’ajoute à la journée de travail, mais n’est pas décompté comme tel. Il est synonyme de fatigue, mais peut aussi constituer un frein à l’accès à l’emploi. Enfin, parce que – sauf cas exceptionnels ou réalités très urbaines – les travailleuses et les travailleurs ne semblent pas avoir le choix de leurs allers et venues. Même en écoutant sa radio préférée, la perception du temps passé quotidiennement dans la voiture est donc majoritairement négative.

Ces chiffres sont le révélateur de l’aménagement du territoire et de la concentration des activités économiques dans de gros pôles de plus en plus éloignés des lieux de vie. Le slogan « vivre et travailler au pays » semble bien loin... Les conséquences sur le cadre de vie sont de plusieurs ordres, notamment environnementaux. Et l’actualité sociale nous montre combien nos concitoyens – dont naturellement les Gilets jaunes – s’emparent du sujet.

Étalement urbain et éloignement des centres

Schématiquement, dans les petits pôles urbains et les communes isolées, la vitesse permet de compenser l’éloignement de tout, en premier lieu du travail. On « avale les kilomètres » pour se rendre au travail (comme on le fait pour amener le petit dernier au sport le mercredi ou pour faire les courses le samedi matin).

La vitesse est devenue moteur de l’étalement urbain, de l’éloignement des classes laborieuses des centralités, de la gentrification de nos quartiers. Elle a ouvert le champ des possibles : l’accession à la propriété dans des lieux isolés, la chambre supplémentaire inaccessible en ville, la vie en pavillon. La vitesse a repoussé à plus loin les questions pourtant fondamentales du grignotage des terres agricoles pour construire des lotissements, de la rareté du pétrole nécessaire à l’alimentation quotidienne de nos voitures, des conséquences de nos déplacements quotidiens dans la pollution de l’air.

Financiarisation de la fabrication de la ville

Ces choix guidés en tout premier lieu par une économie de la promotion immobilière qui construit à coûts plus faibles sur terrains nus et à l’horizontal doivent pourtant être battus en brèche. Les arguments consistant à faire porter d’abord la responsabilité sur nos épaules, nous qui préférerions vivre à la campagne, dans un pavillon de 120 m², avec un jardin, sur une parcelle avoisinant les 1000 m², doivent être dénoncés.

Il y a urgence à révolutionner l’aménagement du territoire ; les enjeux sociaux, climatiques, sanitaires et alimentaires qui découlent de nos déplacements quotidiens ne pouvant plus être

mis sous le tapis. La densification des villes est à l’ordre du jour dans toutes les communes, grandes ou petites. Et, à l’heure où l’on assiste à une concentration des grands opérateurs (Vinci, Bouygues, Eiffage,…), comment lutter contre une financiarisation de l’aménagement du territoire et de la fabrication de la ville ? Comment ne pas laisser le marché, les promoteurs et la finance faire et défaire la ville ? Nous devrons mettre ces questions au cœur de la campagne des prochaines élections municipales.

* Ces chiffres sont issus d’une publication de la DARES de novembre 2015.

Cet article de notre camarade Marlène Collineau est à retrouver dans le numéro 264 (avril 2019) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

 

 

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