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Fonction publique : une « réforme » contre les femmes

Le 27 mars dernier, la réforme de la Fonction publique était  présentée en conseil des ministres. Elle est rejetée unanimement par les syndicats qui dénoncent la volonté du gouvernement de l'aligner sur le secteur privé, au détriment du statut de fonctionnaire et de l'indépendance des agents à l'égard des pouvoirs. Pour notre part, nous voudrions souligner ici les conséquences particulièrement funestes de ce projet pour les femmes, qu'il s'agisse des fonctionnaires ou des usagères.

Alors que  le Protocole d’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes1, signé unanimement en 2013, instaurait une « démarche intégrée » stipulant que l’égalité devait se concevoir en permanence en amont de toute décision, de lois et d’accords, le projet de réforme de la Fonction publique est bien loin du compte. Recours plus facile aux contractuels, généralisation de l’évaluation individuelle, disparition des CHSCT : toutes ces mesures phares de la  réforme représentent en effet un renforcement des inégalités femmes-hommes. Et comme souvent, les mesures générales viennent annihiler des ambitions par ailleurs affichées dans le cadre spécifique de la lutte pour l’égalité professionnelle, comme celles du protocole du 30 novembre 2018 ratifié dans la douleur2.

Recours accru aux contractuelles

Aujourd’hui, les femmes représentent 62 % des agents des trois Fonctions publiques confondues, mais elles représentent 67 % des contractuels3. Or, au lieu de mettre en place un plan de titularisation des précaires, le gouvernement  fait sauter les derniers verrous et veut élargir les motifs de recours aux contractuels. Il veut créer un nouveau « contrat de projet » pour des « missions spécifiques », valable pour toutes les catégories, d’une durée maximale de six ans et minimale d’un an et n’ouvrant droit ni à un CDI, ni à une titularisation .

Ce type de contrat s'applique déjà aux personnels de l'assistance éducative dont la mission est d'apporter une « aide humaine, individuelle ou mutualisée » aux jeunes handicapés  (AVS et AESH). Ce sont toujours des contractuels, souvent en CDD , voire en temps partiel imposé. Et ces emplois précaires sont pourvus en très grande majorité par des femmes. Il y a évidemment des lourdes conséquences pour les salariées qui vivent dans la précarité financière, avec tout ce que cela comporte de difficultés dans la vie quotidienne et en terme de projection. Mais il y a également une fragilisation de leurs missions, de leur rapports aux autres fonctionnaires et aux usagers. C'est pourquoi le recrutement sur concours, sans en être une garantie absolue, représente un point d’appui indiscutable pour une plus grande égalité d’accès à la Fonction publique.

Favoriser le recrutement de contractuels sans concours pour « diversifier les viviers de recrutement » et « s'adjoindre de nouvelles compétences issues du privé », notamment pour les postes de direction, risque fort, en revanche, de favoriser les hommes sur ces postes de contractuels... de direction ! Pas sûr donc que cela aille dans le sens « des nominations équilibrées dans l’encadrement supérieur », qui est un objectif affiché du protocole de novembre 2018...

L'arnaque du salaire au mérite

L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes est de 19 % dans la Fonction publique. C’est évidemment trop, mais c’est moins que l’écart de 26 % qui prévaut dans le secteur privé, essentiellement grâce au recrutement sur concours et à l’égalité de traitement en fonction du grade. Les systèmes de primes creusent en revanche les écarts de salaire.

En introduisant encore plus de mérite dans le salaire, le gouvernement veut calquer le fonctionnement de la Fonction publique sur celui des entreprises privées. La rémunération au mérite individualise le le management et généralise la concurrence au sein des équipes. Elle renforce le poids des hiérarchies intermédiaires, ainsi que les inégalités.

La disparition des CHSCT

Comme les ordonnances Pénicaud l’on fait dans le secteur privé, le projet de réforme prévoit la disparition des CHSCT, par une fusion  avec les Comités techniques (CT) au sein  d'une instance unique de dialogue social, le comité social d'administration (CSA), « pour débattre des sujets d'intérêt collectif ». Cette disparition est un coup dur pour la lutte contre le harcèlement sexuel, pour laquelle il avait explicitement un devoir de prévention. Rappelons qu'une femme active sur cinq (20 %) estime avoir dû faire face à une situation de harcèlement sexuel et que ce chiffre reste toujours aussi élevé depuis vingt ans.

Là encore, cette mesure vient appauvrir ou relativiser les bonnes résolutions du protocole de novembre qui  « prévoit la mise en place de référents formés et un système d’alerte ». Avec la disparition des CHSCT, ce sont 11 000 instances de dialogue social qui disparaissent

120 000 fonctionnaires en moins...

… c’est évidemment moins de services publics ! Or, les femmes en sont les premières usagères, donc les premières victimes. Bien que nous ayons peu d’études, on peut affirmer que l’affaiblissement des services publics a des conséquences plus lourdes encore pour les usagères que pour les usagers. Parce qu’au sein des familles,  ce sont d’abord et encore elles qui assurent soins et accompagnement des personnes fragiles : enfants, personnes âgées, malades. C’est donc sur elles que pèse plus durement la dégradation des services publics. Et pour toutes les femmes assumant seules des enfants, c’est souvent la triple peine : bas salaires, services publics plus chers et moins présents. De quoi mettre toutes les Marianne en mouvement  !

Cet article de notre camarade Claude Touchefeu a été publié dan sle numéro d'avril de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

  1. Le protocole de 2013 instaure l’obligation de rapports annuels sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à tous les échelons de la Fonction publique.
  2. Certains syndicats n’avaient pas ratifié l’accord qui n’avait donc pu être juridiquement validé, le vote « pour » n’ayant recueilli que 49,05 % des suffrages. Vexé, Olivier Dussopt a profité du résultat des élections professionnelles du 6 décembre, pour déclarer que le texte était devenu majoritaire !
  3. Les femmes représentent 55 % des agents dans la Fonction publique d’État (FPE), 61 % dans la Fonction publique territoriale (FPT), et 78 % dans la Fonction publique hospitalière (FPH). Mais elles représentent respectivement 60 % des contractuels pour  la FPE, 68 % pour la FPT, et 78 % pour la FPH.

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