GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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5) Est-ce que l’ANI contient des « mesures contre la précarité » ?

Le diable est dans les détails : qu’en est-il des CDD ?

Il n’y aura pas un précaire de moins avec cet ANI :

Un des « affichages » de ceux qui défendent l’ANI ce serait qu’il limite la précarité, en « majorant la cotisation chômage des CDD » au 1er juillet 2013.

Faux :

1°) d’abord très peu de type de contrats CDD seront concernés

2°) parce que la « majoration » est disparate, légère et non dissuasive

3°) parce que l’intérim devenu moins cher prendra la place

Qu’aurait-il fallu faire ?

1°) une majoration massive, dissuasive, au moins à 25 % comme les heures supplémentaires

2°) imposer un quota maximum de 5 % de « précaires » par entreprise de plus de 20 salariés (sauf dérogation préalable).

3°) interdire tout CDD de moins d’un mois (cela fut le cas, déjà, dans le Code du travail)

4°) augmenter les moyens de contrôle, de recours et de sanction envers les très nombreuses infractions (CDD répétés, abusifs, CDD non motivés)

Reprenons en détail :

1°) les contrats qui sont exemptés de la nouvelle légère sur-majoration sont :

  • Les CDD de plus de trois mois
  • Les CDD des jeunes de moins de 26 ans faisant des études
  • Les CDD pour remplacement de salariés absents
  • Les « contrats saisonniers » (difficiles à distinguer)
  • Les CDD dits d’usage
  • (liste longue dans 15 branches différentes dont :

    1° Les exploitations forestières ;

    2° La réparation navale ;

    3° Le déménagement ;

    4° L'hôtellerie et la restauration, les centres de loisirs et de vacances ;

    5° Le sport professionnel ;

    6° Les spectacles, l'action culturelle, l'audiovisuel, la production cinématographique, l'édition phonographique ;

    7° L'enseignement ;

    8° L'information, les activités d'enquête et de sondage ;

    9° L'entreposage et le stockage de la viande ;

    10° Le bâtiment et les travaux publics pour les chantiers à l'étranger ;

    11° Les activités de coopération, d'assistance technique, d'ingénierie et de recherche à l'étranger ;

    12° Les activités d'insertion par l'activité économique exercées par les associations intermédiaires prévues à l'article L. 5132-7 ;

    13° Le recrutement de travailleurs pour les mettre, à titre onéreux, à la disposition de personnes physiques, dans le cadre du 2° de l'article L. 7232-6 ;

    14° La recherche scientifique réalisée dans le cadre d'une convention internationale, d'un arrangement administratif international pris en application d'une telle convention, ou par des chercheurs étrangers résidant temporairement en France ;

    15° Les activités foraines.)

    Cela équivaut à 80 % environ d’exemption des CDD existants.

    2°) quel est le niveau de la « sur majoration » envisagée ?

    Elle serait de 0,5 % en plus pour certains CDD conclus dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, dans lesquels il est « d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée ».

    Elle serait de 1,5 % en plus pour les CDD de 1 à 3 mois.

    Elle serait de 3 % en plus pour les CDD de moins d’un mois

    Les taux mentionnés ci-dessus ne sont pas applicables lorsque le salarié est embauché par l’employeur en CDI à l’issue du CDD (c’était déjà le cas, une solution pour ne pas payer…)

    3°) quel sera le coût d’un CDD pour un employeur ?

    Il est déjà de 10 % de « prime de précarité » pour le salarié, et de 4 % d’allocation chômage supplémentaire soit 14 %.

    Les CDD d’usage couteront dont 10 % + 4 % + 0,5 % soit 14, 5 %

    Les CDD de 1 à 3 mois couteront 10 % + 4 % + 1,5 % soit 15,5 %

    Les CDD de moins d’un mois couteront 10 % + 4 % + 3 % soit 17 %

    C’est ce que réclamait depuis longtemps les patrons d’intérim : car celui-ci est taxé à

    15 % pour le salarié.

    D’ailleurs l’ANI prévoit une « négociation » dans la branche du travail temporaire pour des « contrats d’intérim permanents » (article L1252-1 du code du travail et suivants).

    Le patronat a estimé la « sur majoration » à un cout global de 110 millions d’euros.

    4°) Y a t il une contrepartie ?

    L’ANI prévoir que les employeurs qui embaucheraient des jeunes de moins de 26 ans en CDI se verraient détaxés de l’allocation chômage pendant trois mois. Pour les entreprises de moins de 50 salariés, l’exonération est portée à 4 mois.

    Attention : précise la CFDT : Cette exonération est « totale » quel que soit le niveau de rémunération du jeune embauché et viendra en sus de l’aide prévue en cas d’embauche d’un jeune dans le cadre d’un contrat de génération.

    Est-ce une vraie « contre partie positive » ?

    Non, l’avantage est totalement pour l’employeur pas pour le jeune.

    Car il existe maintenant des périodes d’essai allongées (L.1221-19 et 21 CT) qui correspondent à peu près à cette exonération. Ces périodes légalement prévues sont de 2 mois (ouvriers, employés), 3 mois (agents de maîtrise et techniciens), 4 mois (cadres) et elles peuvent être renouvelées (donc 4, 6, 8 mois) si un accord de branche étendu le prévoit. L'ANI précise que l'exonération (3 mois ou, pour les entreprises de moins de 50 salariés, 4 mois) s'applique « dès lors qu'il (le CDI) se poursuit au-delà de la période d'essai» (sic). Mais au cours de la période d’essai l’employeur peut toujours rompre le contrat sans motif et sans procédure jusqu’à la veille du dernier jour. Il ne paiera pas de « prime de précarité » de 10 % au jeune ni aucune taxe, il aura l’avantage d’une exonération complète de cotisations chômage.

    Les moyens (surtout, comme d'habitude, pour les grandes entreprises) de récupérer les exonérations sans embaucher réellement en CDI et sans payer de légère majoration sur les CDD sont doubles :

  • prendre des jeunes en CDD de 3 mois ou légèrement supérieurs à 3 mois (pas de majoration) en s'en servant comme "période d'essai" réelle puis embaucher en CDI si la période d'essai réelle est concluante
  • ou prendre un jeune en CDI avec une période d'essai de 3 mois ou plus et empocher l'aide, si les contrôles sur les "aides à l'emploi" sont aussi inexistantes qu'elles le sont depuis 30 ans et mettre fin ensuite à la période d'essai.
  • Est-ce un encouragement à l’embauche en CDI ?

    Cela se peut qu’il y ait un « effet d’aubaine » fictif. Le Medef a calculé lui-même que cette exonération nouvelle de cotisation chômage rapporterait 155 millions d’euros aux patrons. La différence entre les 110 millions de surtaxe des CDD et les 155 millions de détaxe des CDI « courts » serait de 45 millions à l’avantage des employeurs selon le Medef lui-même.

    Position de la CGT confédérale :

    Des « contrats courts » enfin taxés ? Tant mieux ! Car l’utilisation des contrats précaires par les employeurs représente un coût énorme pour l’assurance chômage : la taxation des contrats courts était censée compenser ce coût. Dans les faits, la majorité de ces contrats ne sera pas taxée et, cerise sur le gâteau, le patronat a obtenu des exonérations de cotisations sur l’embauche de jeunes de moins de 26 ans.

    Bilan de l’opération, le patronat en sort gagnant : c’est 40 millions d’euros d’exonérations qui viennent s’ajouter aux 20 milliards d’aide que le gouvernement leur a offert au mois de novembre.

    Position de la CGT du bâtiment :

    Majoration de cotisations pour les contrats « courts » : Le bilan des 2 mesures, sur taxation des contrats courts et exonération est positif pour les employeurs (45 millions dans les caisses du patronat).

    La taxation doit être plus forte et plus généralisée pour être plus dissuasive. Elle doit fixer des quotas maximum de contrats précaires dans l’entreprise.

    Argumentaire donné au groupe socialiste par sa présidence :

    L’équilibre de l’accord, et son caractère innovant, se retrouvent dans les grandes avancées qu’il permet : Pour lutter contre la précarité et pour la qualité de l’emploi, en renchérissant les CDD courts, au profit de l’embauche de jeunes en CDI dont les cotisations seront réduites, approche nouvelle qui va contribuer au mouvement nécessaire pour faire davantage du CDI la norme naturelle d’embauche. En améliorant les droits des salariés quels que soient leur statut et la nature de leur contrat.

    Argument du groupe socialiste au Sénat

    L’accord vise à inciter à l’embauche en CDI en renchérissant le coût des CDD de courte durée :

    (…)

    L’ensemble des sommes ainsi gagnées seront affectées en une exonération des cotisations chômage pour les CDI signés avec des jeunes de moins de 26 ans pendant 3 mois pour les entreprises de + 50 salariés et 4 mois pour les plus petites entreprises. Ce dispositif devra être en place en juillet 2013. Il relève de la négociation des partenaires sociaux sur l’assurance chômage.

    Position de la CGT-BVA : Parisot a « enfumé » :

    L’accord prévoit, dans son article 4, d’augmenter les cotisations sociales sur les CDD,

  • passant de 4 % à 7 % pour les contrats d une durée inférieure à un mois ;
  • 5,5 % pour les contrats d une durée comprise entre 1 et 3 mois ;
  • et seulement 4,5 % pour les contrats d une durée inférieure à 3 mois, conclus dans certains secteurs d activité, dont le sondage !
  • Ce sont justement ces secteurs d activité qui empilent les CDD comme des perles. Ce sont donc les secteurs d activité qui, proportionnellement, emploient le moins de CDD qui paieront pour ceux qui en abusent le plus !

    Cela ne peut que conforter la CGT-sondage dans sa revendication du CDI pour tous.

    Pour la CGT-BVA, le délégué du personnel CGT.

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