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3) Est-ce que la signature de l'ANI va diviser les syndicats ?

Au fond l’immense majorité des syndicalistes converge sur le terrain.

Il n’y a pas de « guerre syndicale » :

Trois syndicats sur huit ont signé l’ANI dans des conditions, on l’a vu, très minoritaires. Est-ce que cela va « tendre » les relations et diviser le salariat ?

Des secteurs de la presse ont essayé de prétendre qu’il y avait « une guerre syndicale »

C’est la grande presse de droite qui essaie de se ruer sur le sujet : il y aurait une « guerre syndicale » (Europe 1), « la fracture se creuserait entre la CFDT réformiste et la CGT radicalisée » (Libération). Le Figaro surfe contre « l’attitude jusqu’au-boutiste de la CGT » (sic)…

Ils ont trouvé des prétextes bien bénins : c’est vrai que le nouveau leader de la CFDT, Laurent Berger, aurait renvoyé dos à dos la direction de Goodyear et « l’organisation syndicale majoritaire », (précaution de langage mais de fait, c’est la CGT) leur imputant une responsabilité « à part égale » dans le projet de fermeture du site et en s’en prenant aussi aux méthodes « d’intimidation de la CGT » à l’usine PSA Peugeot-Citroën d’Aulnay. Cette sortie n’était peut-être pas très judicieuse, d’autant qu’elle n’était pas suivie sur place par la base CFDT mais en réalité Thierry Lepaon, nouveau secrétaire de la CGT l’a expliqué logiquement : « Les salariés sont en colère et leur colère s’exprime ». Et puis ce sont les syndicalistes qui ont été poursuivis en justice sous de faux prétextes et il devient aussitôt nécessaire de les défendre dans un pareil contexte.

Il faut observer et on peut le comprendre, qu’il y a une rage exacerbée dans les rangs des salariés, qui reçoivent coups sur coups et n’obtiennent pas les garanties promises à la suite de leurs votes de mai juin 2012.

Selon Luc Bérille, secrétaire général de l’Unsa, une « stratégie de lutte de classe est mise en place par un courant de la CGT très politisé ». C’est une « stratégie d’affrontement frontal » qui « ne vise pas à la négociation » mais veut faire « converger » les luttes des salariés des différentes entreprises, comme les récentes opérations « cause commune » des ouvriers de PSA et de Renault. Cela peut sembler excessif ! Car c’est normal d’essayer de faire converger les luttes de défense de l’emploi, non ? D’ailleurs les syndicats le souhaitent tous sur le terrain.

C’est donc en vain que la presse essaie de se goguenarder, à partir d’incidents secondaires, sur la « stratégie de la direction de la CGT qui (serait) de plus en plus axée sur la rupture et le refus de négociation ».

Ça ne tient pas debout : c’est la CGT qui signe le plus grand nombre d’accords au plan national (forcément c’est le plus grand des syndicats).

Et au fond, les plus « violents, » si on y réfléchit, ces temps derniers, ce sont les syndicats patronaux de la grande presse qui s’en sont pris, mercredi 6 février, férocement au syndicat CGT du Livre alors que celui-ci défend ses derniers acquis.

En vérité tout cela fait « pschiitt… ». Ce n’est pas sérieux. Tout simplement parce que dans les entreprises les salariés et syndiqués, eux, préfèrent l’unité syndicale.

Même la dépêche AFP souligne que « la réalité du terrain forge d’autres alliances ».

« L’heure de la mobilisation a sonné », affirme Thierry Lepaon futur secrétaire général de la CGT, en soutenant la grève des fonctionnaires unitairement appelée le 31 janvier par son syndicat, la FSU et Solidaires.

Les efforts des médias aux ordres pour opposer artificiellement « deux fronts syndicaux » d’un côté, des prétendus « réformistes » – CFDT, CFTC, CFE-CGC, Unsa – partisans de l’ANI et de l’autre des opposants prétendument « radicalisés » à l’ANI – CGT, FO, FSU, Solidaires – ne tiennent pas une seconde.

D’abord parce qu’il n’y a pas égalité des forces : les partisans de l’ANI sont nettement minoritaires, avec moins de 40 % des voix. Les adversaires de l’ANI imposé par le Medef sont largement majoritaires avec plus de 60 % des voix. Où est la prétendue « coupure » réformiste/révolutionnaire dans tout ça ? F0 est soudainement devenue « révolutionnaire » ?

Personne n’a intérêt à « jouer les gauchistes », à créer des diversions, les choses sont trop sérieuses. Il faut que les PSA, Renault, Goodyear, Mittal, Petroplus, Sanofi, Pilpa, gagnent sur l’emploi face aux patrons licencieurs. Il ne s’agit pas de régler des comptes avec le gouvernement ni d’opposer un secteur de la gauche à un autre. Il s’agit de convaincre, de gagner sur des objectifs précis, positifs : pour l’emploi… et donc contre l’ANI qui va faciliter les licenciements.

Les syndicats ne sont ni réformistes ni révolutionnaires, ou alors ils sont à la fois et tour à tour l’un et l’autre car ils ont pour fonction de défendre pragmatiquement les revendications des salariés. Pas de faux clivage, superficiel : il y a des revendications légitimes émanant des salariés, il y a des luttes pour les défendre, elles sont presque toujours unitaires, ça « brasse » tous les syndicats quels que soient les « plans » de leurs directions. C’est normalement la base qui décide. Quant aux luttes et à leur « radicalité » cela dépend… de la résistance obstinée ou non des patrons !

Ensuite toutes les positions se croisent, aussi bien dans les luttes que face à l’ANI.

Dans les luttes en cours, il parait encore plus artificiel de vouloir séparer des syndicats pseudo « réformistes » et pseudo « révolutionnaires » ?

Édouard Martin est CFDT à Florange, et sur le site d’Arcelor Mittal, les syndicats CFDT, CGT et FO se battent ensemble en intersyndicale depuis plus de 18 mois. Des débats traversent tous les syndicats : si Laurent Berger a jugé « acceptable » l’accord entre le gouvernement et Arcelor Mittal, Édouard Martin, n’a pas hésité à s’enchaîner aux fenêtres de Matignon le 23 janvier pour exprimer son total désaccord avec le plan.

Chez PSA, la CFDT s’est associée à la grève et seuls CFTC et CFE-CGC, là avec FO, très minoritaires, ont dénoncé les méthodes « inacceptables » de « certains » autres grévistes. À Pétroplus c’est l’unité syndicale depuis 18 mois aussi. À Renault, alors qu’au niveau du groupe direction et syndicats sont engagés dans un bras de fer sur un accord de compétitivité, les syndicats sur chaque site appellent à des débrayages chaque semaine, en intersyndicale, au cas par cas, dans l’unité ou séparément. Du côté de Sanofi, la CFDT, en intersyndicale avec la CGT et Sud, multiplie les actions pour suspendre le plan de restructuration, et manifestait devant le ministère du Travail pour exiger une loi interdisant les licenciements boursiers aux côtés de centaines de salariés d’entreprises touchées par des restructurations. À la laiterie Candia du Lude (72) les délégués au comité d’entreprise élus CFDT FGA sont mobilisés contre un plan de restructuration des usines du groupe laitier. La leur est menacée à l’horizon juin 2014. Un PSE est en cours de négociation. Les représentants CFDT accompagnent cette lutte : ils faisaient partie des ouvriers mobilisés mardi 29 janvier pour aller rencontrer Michel Sapin (avec les Licenci’elles (3 suisses), PSA, Renault…).

« Il y a des divergences, mais il n’y a pas de guerre syndicale » relativise in fine, lui-même, Laurent Berger, dans une autre interview des Échos. Voilà qui est dit.

Chaque syndicat est jaloux de son indépendance à juste titre. Ce qui n’empêche qu’il y a des résistances visibles dans la CFDT à la signature de l’ANI : des milliers de cadres et militants ont une grande peur que se reproduise ce qui s’est passé après mai 2003 lorsque François Chérèque avait signé dans le dos du front syndical, dans le bureau de Raffarin un « accord » divisant le grand mouvement qui était en cours pour défendre les retraites. La CFDT avait, alors, perdu 100 000 membres, de 6 à 8 % lors des élections professionnelles, et avait reculé de 10 points loin derrière la CGT. Il n’est pas difficile de comprendre que de nombreux militants CFDT ne souhaitent pas que ça recommence. Le choix de signer le 11 janvier 2013, l’accord minoritaire ratifié par la direction, fait manifestement débat à la CFDT.

On comprend, dans ces conditions, pourquoi la légende de la « guerre syndicale » surgit dans les médias de droite : elle vise à fermer les passerelles, à réfrigérer les alliances naturelles sur le terrain, à empêcher qu’une majorité encore plus grande ne se développe contre l’ANI. Un bon clivage, une bonne division vaut mieux pour le Medef qu’un front uni anti-ANI.

Mais il n’y a pas d’ennemis entre syndicalistes. Il n’y a pas d’ennemis entre syndicats. Chaque syndicat doit voir respecter son indépendance de la base au sommet. Les combats entre directions doivent être évités et pareillement entre équipes militantes. La démocratie syndicale doit régner. L’union fait la force. Et l’union cela commence par le respect des aspirations majoritaires. Lire l’ANI, le connaitre, le juger sur le fond, ça facilite l’unité. A partir du moment ou il y a une majorité nette contre l’ANI : on doit tous s’écouter et s’entendre à partir de ce qui et un fait : force et unité !

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