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10) La « complémentaire santé », une avancée ?

L’article 1 de l’ANI propose une généralisation de la couverture complémentaire des frais de santé mais pas par la loi, pas pour tous.

94 % des personnes en France étaient couvertes en 2009 par une « complémentaire santé », tant en individuel qu’en collectif (source IRDES), 4 millions de personnes restent donc sans complémentaires. Entre 1980 et 2008, le reste à charge de l’assuré social passe en moyenne de 217 à 549 euros par personne et par an à prix relatif (éco-santé, compte de la santé 2009), soit 80 % des dépenses prises en charge en 1980 contre 75,5 % en 2009. Il faut regagner une sécurité sociale universelle.

D’abord une première question : s’il y a 4 milliards en jeu, pourquoi ne vont-ils pas à la Sécurité sociale ? Pourquoi faut-il de plus en plus des Mutuelles et de plus en plus des « complémentaires » ? Les unes et les autres n’étant plus « universelles » sont de moins en moins mutuelles et de plus en plus inégalement complémentaires.

Pourquoi déroger aux principes fondamentaux de la Sécurité sociale, et comme un mille feuilles, empiler les uns sur les autres, cotisations, mutuelles, et assurances ? Qu’y a-t-il de rationnel, de progressiste dans ce système ? Car c’est ainsi que l’inégalité des droits devant la santé se creuse et c’est ainsi qu’à la fin il faut rajouter des versements complémentaires de tout type.

« Pour le Medef c’est tout bénef » lui, qui veut privatiser la protection sociale, pour en faire de la finance et jouer ses fonds aux casinos des iles Caïman et aux roulettes à « subprimes ». Mais il existe un débat qui a été public dans la direction de la CFDT, pour « mettre en concurrence la Sécurité sociale ». Quel sens a cela ? De répondre par anticipation à une circulaire libérale européenne qui veut casser le « monopole » de la Sécu ? L’ANI le devance : « Les parties signataires du présent accord décident de constituer un groupe de travail paritaire, dont l’objet sera de définir, dans le délai de trois mois, les conditions et les modalités d’une procédure transparente de mise en concurrence, tant lors de la mise en place de la couverture « remboursements complémentaires frais de santé » que lors du réexamen périodique du ou des organismes assureurs désignés ou recommandés. » (sic !)

Il pourra être décidé de verser des cotisations à un autre organisme comme il est possible de faire circuler des trains privés sur les rails de la SNCF ? Est-ce bien un bel avenir ?

Dans l’ANI, la « complémentaire santé » ne se fera donc pas par la loi et pas pour tous : mais dans celles des branches professionnelles qui « ouvriront des négociations avant le 1er avril 2013 » « en vue de permettre aux salariés qui ne bénéficient pas encore d’une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais de santé au niveau de leur branche ou de leur entreprise, d’accéder à une telle couverture ».

La transposition juridique devient donc curieuse puis que ça devient une loi qui fixe des négociations :

« Article 1

CHAPITRE Ier 
CRÉER DE NOUVEAUX DROITS POUR LES SALARIES

SECTION 1 DE NOUVEAUX DROITS INDIVIDUELS POUR LA SECURISATION DES PARCOURS

« I. – A. - Avant le 1er juin 2013, les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels, se réunissent pour négocier afin de permettre aux salariés qui ne bénéficient pas d’une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais de santé, au niveau de leur branche ou de leur entreprise, d’accéder à une telle couverture avant le 1er janvier 2016. »

Comment ? L’ANI tranchait explicitement sur le fait que « les partenaires sociaux de la branche laisseront aux entreprises la liberté de retenir le ou les organismes assureurs de leur choix ».

Tiens donc voilà que les défendeurs de la négociation collective, ne veulent plus… de négociation collective !

C’est donc l’employeur qui choisira : on comprend que les grandes assurances AXA, Allianz, etc. aient sablé le champagne et soient devenus des lobbyistes en faveur de l’ANI. Elles touchent le jackpot. Ces assurances à but lucratif sont très présentes dans les accords d’entreprise, mais peu dans les accords de branches, où on retrouve plutôt les mutuelles et les institutions de prévoyance grâce à la pression des syndicats. Et il leur a été donné le temps de se préparer pour rafler le nouveau marché ainsi ouvert : un délai de 18 mois est accordé aux entreprises qui n’auront à s’affilier que le 1er janvier 2016.

La transposition en loi a irrité Laurence Parisot : « La négociation porte notamment sur : « 1° La définition du contenu et du niveau des garanties ainsi que la répartition de la charge des cotisations entre employeur et salariés ; « 2° Les modalités de choix de l’assureur. A cet effet, la négociation examine en particulier les conditions, notamment tarifaires, dans lesquelles les entreprises peuvent être autorisées à retenir le ou les organismes assureurs de leur choix, sans méconnaître l’objectif de couverture effective de l’ensemble des salariés des entreprises de la branche défini au premier alinéa ;

Quoi que prudemment les rédacteurs ont renvoyé à la branche et non plus à l’entreprise l’examen de la mise en concurrence des assureurs… 1°) cela éclaire bien que le danger est perçu 2°) on verra ce qu’il en restera in fine.

Et le « panier de soins » de la « complémentaire santé » définie dans l’ANI est plus restrictif : « 100 % de la base de remboursement des consultations, actes techniques et pharmacie en ville et à l’hôpital, le forfait journalier hospitalier, 125 % de la base de remboursement des prothèses dentaires et un forfait optique de 100 euros par an. Le financement de cette couverture en frais de santé sera partagé par moitié entre salariés et employeurs. »

Il n’y a que des petites économies pour les patrons dans l’ANI : la participation de l’employeur sera de 50 %, alors que la moyenne nationale actuelle est de 57 % (source INSEE Guillaume et Rochereau, 2011)

Le niveau de prise en charge de cette complémentaire se fera sur la base des conditions de remboursement par l’assurance maladie obligatoire (base de remboursement, ticket modérateur...) « prévues à la date de signature du présent ANI ».

Le niveau de prise en charge est précautionneux sinon verrouillé vis-à-vis de tout progrès ultérieur de prise en charge : « les partenaires sociaux demandent aux pouvoirs publics à être consultés préalablement à tout projet d’évolution des conditions d’exonérations sociales attachées au financement des prestations de prévoyance prévues à l’article L.242-1 du code de la Sécurité sociale. En cas de modification de ces conditions d’exonérations sociales, les parties signataires du présent accord conviennent de réexaminer ensemble les dispositions du présent article ».

Ce sera un niveau basique inférieur à celui que la Sécurité sociale a estimé nécessaire pour la CMU-C Exemple optique : la moyenne est entre 178 et 428 euros pour les verres selon les corrections, plus 131,35 euros pour la monture une fois par an dans la CMU-C, mais il n’est prévu que contre 100 euros dans l’ANI ; Prothèse dentaire : 154,75 euros sont prévus dans la CMU-C, mais seulement 125 % du tarif Sécu soit 136,50 euros pour l’ANI.

C’est vraiment un ANI au rabais ! Il risque aussi d’être considéré comme discriminatoire : dans une même entreprise, des salariés ne payant pas de cotisations seront mieux protégés que ceux cotisant. Les salariés seront incités à prendre une « sur complémentaire » où bien « des niveaux » différents devront être mis en place !

Oui, mais nous dit-on il y aura une « portabilité » permettant au salarié de garder sa complémentaire lorsqu’il est mis au chômage

La durée maximale de cette portabilité de la couverture de frais de santé et de prévoyance (déjà existante) est portée de 9 à 12 mois. Mais après d’autres négociations et ce, dans un délai d’un an (complémentaire) à deux ans (prévoyance) : il faut savoir que les 9 mois existent depuis l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 modifié par avenant n°3 du 18 mai 2009, mais qu’ils ne sont pas appliqués !

Donc rien de neuf : l’avenant n°3 du 18 mai 2009 sur la « portabilité des droits » a été signé par la CGT. Dans cet avenant cohabitaient deux possibilités : soit la mutualisation, soit le salarié continuait de payer ses cotisations comme lorsqu’il était en activité. De ce fait, il avait 10 jours pour renoncer s’il le souhaitait, à la complémentaire. La CGT avait combattu cette dernière possibilité lorsqu’il y avait mutualisation. Le salarié a payé une surcote lorsqu’il était en activité pour se couvrir en cas de chômage, il doit donc avoir droit à sa complémentaire santé.

Dans cet avenant n°3 du 18 mai 2009 lorsqu’il y a mutualisation et qu’il existe un accord santé et un accord prévoyance, les deux ne pouvaient être dissociés. Pour les accords mutualisés déjà mis en place comprenant la santé et la prévoyance, il est impossible de ne pas étendre en même temps de 9 à 12 mois les deux.

Le Medef est « culotté » de présenter cela comme une avancée : un bilan devait être fait au bout de 2 ans, en 2011. Il ne l’a pas été, on ne sait pas quel pourcentage de salariés pouvant en bénéficier l’ont accepté, Il n’y a pas eu de possibilité de contrôle pour savoir si les employeurs ont systématiquement informés les salariés de leurs droits. Deux ans après, la CGT signataire n’a pas d’éléments de comparaison entre les entreprises où une mutualisation a été mise en place et les autres. Elle ignore comment cela c’est fait pour les salariés dont les entreprises ont fermé. Comment y aura-t-il une meilleure « mutualisation de la portabilité », quand justement les nouveaux accords « ANI » mis en place seront au niveau de l’entreprise et ne le seront plus au sein de la branche.

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