GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Vers la République sociale !

Répondre à l’appel des 10 et 11 janvier

Vers la République sociale !

4 millions au moins de manifestants les 10 et 11 janvier contre l’assassinat, par des terroristes se réclamant de l’Islam, de dessinateurs, correcteur, chroniqueurs de Charlie Hebdo, d’un policier chargé de leur protection, d’un agent d’entretien, de deux autres policiers, de clients ou d’employés de la superette Casher de la Porte de Vincennes, assassinés parce que juifs.

Cette déferlante lançait un appel bien au-delà de l’horreur qu’inspirent ces crimes épouvantables et de la volonté qu’ils ne puissent plus jamais se reproduire. Un appel qui marque la rupture massive de la société avec la résignation, et qui n’avait rien à voir avec la volonté de Marine Le Pen de rétablir la peine de mort, celle de Valérie Pécresse d’un « Patriot Act à la française », aussi inefficace et liberticide que son modèle, même si tout le monde comprend qu’il faut se donner les moyens démocratiques de lutter contre les réseaux terroristes.

Cette immense vague citoyenne lançait un appel d’une force et d’une simplicité inouïe : appliquez la devise de la République, « Liberté, égalité, fraternité » !

Seule la gauche, notre parti, en tout premier lieu, peut y répondre, car nous savons depuis Jean Jaurès, que « la République politique doit aboutir à la République sociale » . Nous avons que, sans cette « République sociale », qui refuse de laisser l’économie aux seules mains des intérêts privés, libres d’imposer leur loi aux dépens du suffrage universel, la République est fragile. Le libéralisme économique, aujourd’hui comme dans les années 1920 et 1930, sème à la fois le désordre et le besoin d’ordre. Le désordre social, quand le chômage, la précarité, la pauvreté s’étendent et que tous les points de repère disparaissent. Le besoin d’ordre auquel l’extrême-droite, voire la droite se préparent à donner une réponse : une poigne de fer contre les victimes de ce désordre social.

Comment, sans cette République sociale, répondre à l’aspiration à la liberté et notamment à la liberté d’expression ?

Cette liberté, il faut la défendre, en priorité bien sûr, contre les assassins, mais aussi contre les puissances financières qui possèdent les principaux médias et qui filtrent, en fonction de leurs intérêts, la liberté d’expression. Et encore contre ceux qui n’ont pas hésité à licencier Porte, Guillon ou Mermet. Les « grands » médias ne permettent, le plus souvent, que des débats convenus, artificiels, très loin des discussions qui s’engageaient dans toutes les manifestations, les 11 et 12 janvier.

Comment, sans cette République sociale, répondre à l’aspiration à l’égalité ?

Aller vers la République sociale, c’est remettre en cause les politiques d’austérité et de « réformes structurelles » qui écrasent la société sous le chômage de masse qui frappe tout particulièrement les « cités » et les « banlieues », le travail précaire, la pauvreté ; c’est établir l’égalité des droits, l’égalité sociale sur tous les territoires, renforcer les moyens de l’Education nationale, mettre en œuvre un véritable « plan Marshall » pour en finir avec l’abandon des « banlieues » et des « cités » ; c’est établir l’égalité des droits politiques en permettant aux immigrés de voter aux élections locales.

Comment, sans cette République sociale, répondre à l’aspiration de fraternité exprimée sans relâche tout au long de ces manifestations ?

La République sociale exige une laïcité qui ne soit pas à géométrie variable.

La laïcité organise la neutralité de l’État, de ses fonctionnaires, pour que les religions, comme toutes les opinions, puissent s’exprimer dans l’espace public. La loi de 1905 n’a jamais interdit l’expression publique des religions, et ne l’a jamais cantonnée dans la « sphère privée ». La religion catholique s’exprime pleinement dans l’espace public : lors des JMJ de 1997, notamment, des centaines de milliers de catholiques s’étaient réunis sur le Champ de Mars pour accueillir le Pape.

Pour le FN, la laïcité ne s’impose qu’aux religions qui ne sont pas conformes à « nos traditions » comme prétexte pour interdire l’islam dans l’espace public. Il n’est, malheureusement, pas le seul. Cette « laïcité » n’a rien à voir avec celle de Jaurès et de Briand, avec la loi de 1905, qui instaure une laïcité de tolérance envers les religions et organise leur coexistence entre les divers croyants, les athées et les agnostiques. Les lieux de culte musulmans doivent être autant protégés que ceux des autres cultes.

La République sociale exige un antiracisme qui ne soit pas à géométrie variable.

L’antiracisme d’État doit avoir la même rigueur, qu’il s’agisse de l’antisémitisme, du racisme que subissent les personnes issues de pays jadis colonisés ou des Roms.

Le racisme fonctionne comme les poupées-gigognes. Le professeur de philosophie de Frantz Fanon à Fort-de-France avertissait ses élèves martiniquais : « Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l'oreille, on parle de vous ». La réciproque est vraie : quand on dit du mal d’un Martiniquais ou d’un Arabe, c’est aussi des Juifs dont on dit du mal. Le combat antiraciste ne se hiérarchise pas. Les actes antisémites ont coûté la vie à de nombreuses personnes, à Toulouse, Bruxelles ou à la supérette Casher de Paris ; en même temps les actes anti-Islam se multiplient, en particulier depuis le 7 janvier.

Une infime minorité prétend agir au nom de l’Islam en assassinant, mais c’est l’ensemble des musulmans que certains somment de s’excuser, de se désolidariser de cette infime minorité. Le président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, déclare : « L'immigration qu'on a tant de mal à juguler crée la difficulté de l'intégration, qui crée le communautarisme. Et à l'intérieur du communautarisme peuvent se glisser les individus ». Jean-Marie Le Pen affirme qu’il est Charlie, mais « Charlie Martel »Refusons toute forme d’amalgame !

L’islamophobie doit être dénoncée, sans faiblesse. Elle n’a rien à voir avec un refus du « délit de blasphème ». Elle correspond, malheureusement, à une réalité sur laquelle il est nécessaire de mettre un mot pour la combattre, même si ce mot ne plait pas à Manuel Valls. Elle est la conséquence de la construction d’un « problème musulman » qui assigne à des individus une identité religieuse qui serait la seule clef de leur rapport au monde ; une construction qui vise à installer l’idée que les musulmans constitueraient un groupe homogène, alors qu’ils composent un groupe hétérogène, aussi bien par leurs origines, que socialement, politiquement et même sur le plan de leurs croyances religieuses. Ce processus, combiné avec un racisme plus « classique », débouche sur de multiples formes de violences symboliques (discriminations) et physiques (agressions).

La fraternité, c’est aussi le refus de la « guerre des civilisations »

La fraternité, c’est le refus d’opposer l’Islam au reste du monde, d’assimiler les 1,6 milliards de musulmans dans le monde aux fanatiques de l’État islamique ou d’Al Qaida.

La fraternité, c’est le refus d’être engagé dans des guerres qui, comme en Lybie, ont débouché sur le chaos, ou, comme en Irak et en Afghanistan, ont mis en place de régimes corrompus, haïs par une bonne partie de leur population, ouvrant ainsi un boulevard aux Talibans (longtemps armés et utilisés par les États-Unis) et à l’ « État islamique ».

Aller vers la République sociale, c’est aussi le principal moyen de répondre au risque terroriste, en s’attaquant au terreau dont il se nourrit : chômage, abandon des « banlieues » et des « cités », discrimination, stigmatisation, islamophobie…

François Hollande, Manuel Valls, leurs ministres avaient, évidemment, toute leur place dans les manifestations 11 janvier. Mais certains hommes ou femmes d’État n’avaient rien à faire dans cette manifestation, tant la politique qu’ils mènent représente tout ce que les millions de manifestants rejetaient.

Comment manifester au nom de la liberté d’expression, et de la liberté tout court, avec des représentants de la Russie, de la Turquie, de l’Algérie ou des Emirats Arabes Unis qui répriment quotidiennement cette liberté ? Avec un représentant d’un pouvoir égyptien qui jette des milliers d’opposants en prison, pratique la torture ou condamne des centaines de personne à la mort par pendaison ?

Comment manifester pour l’égalité, contre le chômage, l’austérité et les plans de destruction sociale imposés aux pays européens et notamment à la Grèce, aux côtés d’Angela Merkel et de Jean-Claude Juncker ?

Comment manifester pour la fraternité et contre la « guerre des civilisations » avec le Premier Ministre d’Israël, Benjamin Netanyahou, chef d’un gouvernement responsable de la mort de plus de 2 000 Palestiniens, en grande majorité des femmes et des enfants, au cours de l’agression israéliennes contre Gaza, durant l’été 2014 ? Comment manifester aux côtés d’Antonis Samara, le Premier ministre grec qui, depuis Athènes, avait osé faire le lien entre l’attentat contre Charlie Hebdo et l’immigration ?

democratielaicite.jpg

Photo CC-BY-NC-SA par abac077

Document PDF à télécharger
L’article en PDF

Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS




La revue papier

Les Vidéos

En voir plus…