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Des crayons pour armes

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700 000 le samedi, 2 à 3 millions le dimanche, c’est une de ces grandes mobilisations dont notre peuple est capable quand sont en jeu les libertés fondamentales et nos droits sociaux élémentaires. On compare, depuis mai 68, le printemps 1973, l’hiver 1986 pour Malik Oussekine, aux grandes mobilisations de novembre décembre 95, pour le CIP en 1994 et le CPE en 2006, pour les retraites en 2003 et 2010. On nous dit, et cette fois de source officielle, alors on ne demande qu’à les croire, qu’il y avait encore plus de monde : 4 millions ! Tant mieux, cela redonne espoir après le terrifiant assassinat de nos amis de Charlie Hebdo et de toutes les victimes qui ont été touchées à l’occasion.

Le climat de toutes ces manifestations était extraordinairement positif, c’est à dire ouvert, fraternel, constructif. C’est à dire que ceux qui craignaient ou espéraient des hostilités contre la communauté musulmane, ou entre religions, ont pu constater qu’il n’en était pas question. Nous étions tous pluriels et laïques. Ceux qui craignaient ou espéraient des sentiments de revanche, sécuritaires, autoritaires ont bien vu que ce n’était pas le cas, nulle part.

Ceux qui craignaient une trahison de « l’esprit » de Charlie, une sorte d’embaumement de leurs audaces, un étouffement de leur art, de leur esprit iconoclaste et blasphémateur ont dû être surpris par la communion joyeuse de millions de citoyens avec leurs caricatures et ce, dans tous leurs excès : aucun rejet de leurs blasphèmes, aucune morale puritaine ne s’est manifestée contre eux dans les rues.

Rarement une lignée de dessins a été autant reproduite, imitée, parodiée, appelée à vivre et revivre, par des adultes et des enfants, sur du papier dans les rues sur internet, dans note pays et dans le monde entier. C'était à qui en rajoutait : il y a une "génération dessinateurs". Qui l’eut cru ? Le crayon a été brandi comme une arme à des millions d’exemplaires ! « Je suis Charlie », c’était, parmi les manifestants, une forme de défi à toutes celles et ceux qui auraient voulu les interdire tels qu’ils étaient, avec leur diversité, avec leurs défauts et leur humour, leurs goût du scandale et leur amour de la vie. Cela donnait un grand sentiment de solidarité, de complicité et de liberté à tous les cortèges.

Ceux qui craignaient une récupération en forme de trahison politique ont pu aussi se rassurer : il y avait deux mondes bien distincts comme cela transparaissait dans toutes les télévisions, entre le « carré » et discours officiels et la grande et belle foule ! Nulle part il n’a été signalé une banderole avec « unité nationale » : la dominante n’était pas dans l’appel à la chasse au terrorisme, mais dans l’appel aux libertés, « Liberté j’écris ton nom ». Personne, absolument personne n’a demandé de s’armer comme au USA ni un « Patriot act » ni la peine de mort. Le ton n’était pas à droite, encore moins à l’extrême-droite qui s’était naturellement exclue, il était à l’avenir, à la démocratie, à la fraternité. Et ça c’est extrêmement encourageant contre tous les défaitismes et toutes les peurs.

La suite de ça ? C’est un peuple qui veut plus d’égalité.

Pas un peuple qui tombe dans l’abîme des conflits de fratries, de religion, de culture, d’armement, de mesures d’exception ni d’inquisition. Quand la police était applaudie c’était pour son rôle de service public, pas de milice !

La suite, c’est qu’il faut encore plus de budget pour l’éducation, pour la culture, c’est qu’il faut combattre les inégalités qui engendrent les haines. Il faut redistribuer les richesses, de meilleures écoles, de meilleurs logements, du travail, redonner du sens social, de l’espoir commun, collectif, à notre société : c’est l’exigence profonde et optimiste qui ressort de ces superbes manifestations de confiance qui ont eu lieu.

Photo d'après Des crayons à la Bastille CC-BY-NC-SA par Laurent TINE

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