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Un salaire minimum, c’est tout bon pour l’emploi !

Les économistes néolibéraux ne cessent d’affirmer que les salaires minimaux sont néfastes pour la compétitivité des entreprises et pour l’emploi. Dans son dossier du mois dernier, Démocratie & Socialisme a expliqué que cette théorie ne tenait pas debout. C’est aussi l’avis de Bernie Sanders qui, lors des primaires démocrates, s’est battu pour une hausse substantielle du salaire minimum.

Les réflexions du sénateur du Vermont s’appliquent en premier lieu aux États-Unis, mais elles méritent aussi d’être méditées en France, en Suisse et plus particulièrement dans le Jura. Dans Notre révolution (publié aux Liens qui libèrent), Bernie Sanders retrace sa campagne de 2015-2016 pour l’investiture démocrate, celle-ci étant finalement revenue à Hillary Clinton.

Pour 15 millions de femmes

Bernie Sanders y développe aussi son projet politique, projet dont le relèvement du salaire minimum constitue l’une des mesures phares. Fixé à 7,25 dollars l’heure, le salaire minimum fédéral est une véritable misère et devrait selon lui passer à 15 dollars à l’horizon 2020. En raison de l’inflation, l’érosion du salaire minimum fédéral est l’une des raisons pour lesquelles plus de 43 millions d’Américains vivent dans la pauvreté. Un salaire minimum fédéral représenterait un coup de pouce immense pour plus de la moitié des travailleurs afro-américains et hispaniques. Il améliorerait la situation de plus de 15 millions de femmes.

Un plus pour l’emploi

Aux États-Unis comme dans le Jura suisse et maintenant en France, la droite et le patronat prétendent qu’un salaire minimum trop élevé détruit des emplois. Bernie Sanders démontre que rien n’est plus faux :

  • Le Vermont (les États et les villes peuvent faire mieux que sur le plan fédéral) a le cinquième salaire minimum le plus élevé (9,60 dollars de l’heure) et le cinquième taux de chômage le plus faible (3,3 %). La Louisiane, qui n’a pas de salaire minimum, a le quatrième taux de chômage le plus haut (6,2 %).
  • En janvier 2014, Sea Tac (État de Washington), est devenue la première ville à faire passer le salaire minimum à 15 dollars. Auparavant, le propriétaire d’un grand hôtel avait déclaré qu’une telle hausse l’obligerait à fermer une partie de son hôtel et à supprimer des emplois. Or, après l’augmentation, il a agrandi son hôtel pour 16 millions de dollars et embauché du personnel !

9 000 dollars de l’heure !

Aux mains de la famille la plus riche du pays, Wal-Mart, leader de la grande distribution, verse des salaires si faibles que certains de ses employés bénéficient d’aides sociales, financées par les contribuables. Selon Bernie Sanders, le passage à un salaire minimum de 15 dollars augmenterait la paye de près d’un million de travailleurs rien que chez Wal-Mart. Ce ne serait pas un luxe, puisqu’en 2015, Wal-Mart a réalisé plus de 15 milliards de profits, alors que son PDG a touché 19,4 millions, soit plus de 9 000 dollars de l’heure !

Autre scandale, près de deux millions d’Américains occupent des emplois mal payés financés par les contribuables. Ils fabriquent des uniformes pour l’armée, travaillent dans les parcs nationaux et s’occupent des retraités. Or, beaucoup d’entre eux gagnent à peine plus de dix dollars.

France et Jura suisse : automatisme contesté

Les réflexions de Bernie Sanders vont à l’encontre de deux processus en cours :

  • En France, un rapport d’experts préconise de mettre fin – du moins partiellement – au système automatique de revalorisation du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), fondé non seulement sur l’accroissement des prix, mais aussi sur la moitié de la progression annuelle du pouvoir d’achat du salaire horaire de base ouvrier et employé (SHOE). Rien n’est encore décidé, mais le gouvernement pourrait suivre partiellement les experts, sous prétexte que l’automaticité pénalise l’emploi des personnes les plus fragiles. Les syndicats sont opposés à cette mesure, car les salariés qui ne s’en sortent pas sont ceux qui sont au Smic et parce que cette mesure tirerait l’ensemble des salaires vers le bas.
  • En Suisse, l’idée d’un salaire minimum national a été rejetée par trois quarts des votants en mai 2014. Depuis, deux cantons – Neuchâtel et le Jura – ont mis en place un salaire minimum (2 987 euros pour le premier, 2 919 euros pour le second, chaque fois pour 42 heures), alors que le processus législatif est encore en cours au Tessin. Mais, si une adaptation régulière est prévue à Neuchâtel, la majorité bourgeoise du Parlement jurassien n’a pas voulu d’une adaptation automatique du salaire minimum. L’ouvrage devra être remis sur le métier, car ce refus est non seulement une erreur sociale, mais aussi économique, comme l’ont montré Bernie Sanders et bien d’autres.

Cet article de notre ami Jean-Claude Rennwald (ancien député (PS) au Conseil national suisse, militant socialiste et syndical) est paru dans la revue Démocratie&Socialisme n°251 de janvier 2018.

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