GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Un boulevard pour la droite dure

Nous publions ici la chronique mensuelle de notre ami Jean-Claude Rennwald, militant socialiste et syndical suisse, ancien député (PS) au Conseil national suisse. Cet article est paru dans le numéro 227 de septembre 2015 de Démocratie&Socialisme.

Avec une progression probable du Parti libéral-radical (PLR, 15,1 % des voix en 2011) – liée au poids des questions économiques -, le parti le plus proche du grand patronat, et certainement aussi de l’Union démocratique du centre (UDC, 26,6 %), une formation nationale-populiste qui stigmatise les étrangers et les réfugiés, la droite dure devrait tirer son épingle du jeu lors des élections fédérales du 18 octobre prochain. À cette occasion, il s’agira de renouveler les deux Chambres du Parlement suisse, le Conseil national (200 membres, équivalent de l’Assemblée nationale) et le Conseil des États (46 élus, comparable au Sénat).

L’émiettement du centre-droit

Le bon résultat de la droite musclée devrait se faire au détriment du centre-droit, lequel est apparu comme par trop émietté durant la législature qui s’achève. Cette famille politique rassemble en effet trois formations, le Parti démocrate-chrétien (PDC), le Parti bourgeois démocratique (PBD) et les Verts libéraux (PVL). A eux trois, ces partis ont recueilli 23,1 % des voix en 2011, ce qui est loin d’être négligeable. Mais ils sont loin d’être toujours sur la même longueur d’onde et se sont fait les champions des alliances à géométrie variable, ce qui a entraîné un manque de visibilité politique et parfois de crédibilité.

Le PS stable, les Verts à la peine

Le Parti socialiste (PS, 18,7 %) espère repasser la barre des 20 %, ce qui constituerait un petit succès psychologique, mais pas plus. Faut-il rappeler qu’en 1975, les socialistes avaient encore obtenu 25 % des suffrages ? Les compétences sociales et économiques du PS sont pourtant reconnues, sa combativité est réelle et ses relations avec le mouvement syndical sont plutôt bonnes, spécialement en Suisse romande. Ce qui pose problème, c’est qu’il se livre depuis des décennies à un drôle de jeu : un pied au gouvernement, un pied dans l’opposition. En période de haute conjoncture, cette posture n’a pas trop d’effets négatifs. Mais dès que les fronts se tendent, la participation minoritaire au gouvernement devient plus difficile à gérer. C’est notamment le cas à propos de la réforme des retraites, qui sera l’un des principaux enjeux de la prochaine législature, et qui prévoit notamment le relèvement de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans. Cela correspond à 1 milliard de francs d’économies sur le dos des femmes. Or, cette « réforme » est pilotée par Alain Berset, l’un des deux socialistes faisant partie du Conseil fédéral, qui compte sept membres.

Le PS ne pourra guère s’appuyer sur son traditionnel allié écologiste pour faire passer des projets. Car les Verts (8,4 %) sont à la peine, en raison de divergences internes, et parce que la nécessité de la transition énergétique est largement admise. Certes, la durée de vie des principales centrales nucléaires existantes pourra être prolongée, mais il n’est plus question d’en construire de nouvelles. Quant à l’extrême-gauche, pour l’instant absente du Parlement fédéral, elle pourrait y retrouver entre un et trois sièges. Mais cela ne sera pas suffisant pour sortir la gauche de sa situation minoritaire, et ceci d’autant plus qu’en Suisse, 25 % des travailleurs sont des migrants, lesquels n’ont pas le droit de vote.

Du franc fort…

Outre le régime des retraites, le débat politique des mois et des années à venir sera dominée par la question du franc fort et celle des migrations. Même si la Suisse connaît une situation sociale et économique enviable (un peu plus de 3 % de chômage) par rapport à la plupart des pays européens, la décision prise en janvier par la Banque nationale (BNS) de mettre fin au cours plancher (1,20 franc suisse pour un euro) créé quelques difficultés pour le tourisme ainsi que pour les industries d’exportation, en particulier les machines et l’horlogerie, sous forme de recul des commandes et de licenciements. Personne ne croyant sérieusement à un retour au cours plancher, du moins à court terme, chacun y va de sa petite recette. Mais jusqu’ici, aucune n’a vraiment convaincu, d’autant plus que le cours du franc n’explique pas toutes les difficultés commerciales de la Suisse.

… aux migrations

En ce qui concerne les migrations, l’arrivée de très nombreux réfugiés semble poser moins de problème en Suisse que dans le reste de l’Europe, notamment parce qu’une clé de répartition entre les cantons a déjà été mise en place voici quelque temps. Dans le même domaine, une autre question peine à trouver une réponse, celle de la mise en œuvre de l’initiative de l’UDC – qui doit être effective jusqu’en février 2017 - « contre l’immigration de masse » acceptée de justesse par le peuple, le 9 février 2014. L’Union européenne (UE) n’acceptant pas d’entrer en matière sur une remise en question de la libre circulation des personnes, on ne voit pas très bien comment la Suisse pourra échapper à un nouveau vote populaire sur cette thématique, sous peine de voir s’écrouler l’ensemble des accords bilatéraux conclus avec l’UE, avec des conséquences sociales et économiques catastrophiques. Jusqu’ici, seul un comité composé essentiellement d’intellectuels et de scientifiques, a osé dire qu’il fallait revoter, et a lancé une initiative populaire intitulée « Sortons de l’impasse ». Jusqu’ici, la plupart des partis politiques ne se sont pas prononcés sur ce projet. Ils attendent sans doute les élections du 18 octobre…

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