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Air France, le « referendum » sur l’unité de la gauche et la victoire électorale au Portugal

Bureau national du PS, lundi 5 octobre 2015

Air France, le « referendum » sur l’unité de la gauche et la victoire électorale au Portugal

Intervention de Gérard Filoche

D’abord, je voudrais évoquer le conflit d’Air France…

… que personne n’a mentionné, alors qu’il est très grave et aura des conséquences lourdes. Le comportement de la direction De Juniac pose de gros problèmes à l’ensemble des personnels inquiets à juste titre de la survie de l’entreprise. De Juniac, c’est celui de la bande vidéo qui circule sur internet où pendant 20’ il tient des propos délirants contre les salariés, le droit du travail, le travail des enfants, contre la durée légale du travail et contre les grévistes que son collègue du Qatar aurait vite fait de mettre en prison. Rien que ces propos auraient mérité qu’il soit démis, d’autres l’ont été pour moins que ça. Les personnels et syndicats, qui ont vu cette vidéo, disent que le PDG s’est augmenté de 70 %, et provisionne une cagnotte de 150 millions pour les retraites chapeaux des dirigeants. Encore un patron qui partira avec 20 millions, façon Combes (patron d’Alcatel) ou Winterkorn (patron de Volkswagen) Comment dans ces conditions avoir confiance en la capacité de tels patrons pour diriger, comment croire au « dialogue social»

Voir à ce propos la vidéo du désarroi d’une salariée d’Air France dans la salle des négociations :

Air France pourrait bien se porter avec un prix de l’essence qui n’a jamais été aussi bas, 88% de taux de remplissage, 85 millions de touristes ; mais il semble que le fanatisme financiariste l’emporte aux dépens de la conservation et du développement de l’outil industriel. Les personnels ont payé un prix lourd pour ces choix, 15 000 suppressions de postes, salaire bloqués, déclassification pour les low cost, durées du travail allongées. S’il y a des sacrifices à faire c’est aux actionnaires qui ne travaillent pas de les faire, pas aux pilotes qui bossent.

De toute façon si les pilotes cédaient, ça ne servirait à rien, les autres personnels à leur tour seraient attaqués. Vouloir aligner les salaires sur les salaires plus bas ailleurs, le « benchmarking », c’est pur scandale : à la fin, il n’y aura plus de pilotes ni d’avions français. La marine marchande française a été détruite comme ça. Les financiers veulent faire connaitre le même sort aux cheminots et remplacer 40 % des TER par des autocars, sous traitants avec des intérimaires sous payés. Ces logiques de casse industrielle pour plaire aux marges financières, aux gourous des banques, coulent les fleurons de notre pays. Il y a un fanatisme des dirigeants qui veulent ça partout.

Aujourd’hui les manifestations ont été celles de deux tiers des personnels syndiqués, une intersyndicale. Les personnels navigants ce sont 14 000 personnes, leur convention collective a été dénoncée, ils sont pris en otage par la direction et les négociations sont piétinées : alors ils sont indignés et la lutte se tend forcément. Il n’y a pas de dialogue social, il n’y a même pas de diagnostic commun sur la situation de l’entreprise, faut-il faire un forcing pour rembourser la dette ou bien l’étaler ?

En trois ans, la direction propose de rembourser 900 millions contre 40 millions d’innovation : c’est tuer l’entreprise. Il faut bien davantage un plan de développement qu’un plan de remboursement de la dette. Rembourser massivement la dette, c’est fermer l’activité et augmenter la dette. Au conseil d’administration, les 3 représentants de l’Etat qui a encore 17 % d’air France, ont voté 2900 licenciements bruts. Valls et Macron ont licencié avant de discuter, on a 6 millions de chômeurs et voilà comment ils traitent les personnels d’Air France. Après ça, étonnez-vous des violences, de la colère des personnels et des suites probables du mouvement. Notre parti devrait donner conseil au gouvernement de mettre la pédale douce, tout de suite, de nommer une commission d’enquête pour faire vraiment le point sur l’état réel contesté d’Air France, pour établir un diagnostic commun et reprendre des négociations loyales.

Ensuite le referendum

Bien sûr qu’il faut l’unité de la gauche : sans ça on perd tout. Il faut un gouvernement rose –rouge-vert, ça aiderait à coup sûr ! Cela fait deux ans que nous le réclamons. Mais cette histoire de referendum a été décidée hors de nos instances et a été imposée à tous. Je suis contre tout cela, et à vrai dire, je ne le comprends pas. Ni la technique, ni le but politique.

Referendum pour qui ? Referendum pour quoi ? C’est une façon de brusquer, de mettre au pied du mur nos partenaires ? Si c’est ça, ça ne va pas aider à faire l’unité ; ça risque même d’avoir l’effet inverse. Quand on veut l’unité, on ouvre la discussion, on propose des rapprochements de points de vue. On sait ce qui ne va pas en ce moment les attaques contre le code du travail, contre la fonction publique. Macron propose de supprimer 100 000 emplois dans la territoriale, 12 700 dans la fonction publique d’Etat et 22 00 dans les services hospitaliers. Les syndicats qui représentent 51% des fonctionnaires s’opposent au projet d’accord « Parcours professionnels Carrières Rémunérations » PPCR et Valls-Macron passent en force. Comment faire l’unité de la gauche en défendant cela ?

Disons au moins sur quels points on propose d’ouvrir et de discuter. Ce referendum, c’est une sorte de fermeture, avec nous ou contre nous. Comment faire cela sur un marché ? On va recevoir des bulletins de vote ou des pavés dans nos urnes ? C’est contrôlable par personne, donc soupçonnable par tous. On pourra toujours dire qu’il y a eu des centaines de milliers qui ont « voté » par internet. Pas sûr que ce soit cru ni que ça convainque.

Mais bon, puisque le coup est lancé, au moins un conseil : que la direction annonce une « conférence ouverte », une vrai discussion de programme pour un accord négocié entre tous les partis, qu’on dise qu’on ne demande pas un « ralliement » mais une dynamique de rapprochement sur des questions politiques de fond. Avançons au moins des propositions politiques claires sur trois ou quatre points importants en ce sens. Ça évite l’échec, la non unité et la chronique annoncée d’une défaite.

Encore un mot, sur le Portugal

La gauche l’avait déjà emporté en Allemagne le 22 septembre 2013, Angela Merkel avait été battue en voix et en sièges… et la gauche (SPD, Grünen, Die Linke) avaient renoncé à gouverner ensemble, ce qui explique tout le pouvoir de Merkel-Schaüble depuis. Là, au Portugal, premier scandale, les médias français présentent les résultats de la législative du 4 octobre, comme une victoire de la droite alors que c’est carrément le contraire : la droite a 104 sièges, la gauche en a 121 ( PSP 85, PCP, 17, Bloc de gauche 19). C’est mieux qu’un "referendum" étrange dans des urnes aléatoires. Le peuple donne la majorité nette à la gauche… et la gauche ne gouverne pas ? La gauche pourrait absolument gouverner comme Syriza en Grèce (que François Hollande va aller voir…) il suffit de s’entendre. Il faut le vouloir. Il faut se battre pour l’unité de la gauche partout. Vous dites qu’elle ne se fera pas à Lisbonne, que c’est quasi fatal, et puis… c’est tout. Qui peut entendre cette résignation et voter ici le 16 octobre pour l’unité ? Comment défendre l’unité de la gauche en France, si on se résigne à ce que, ailleurs, là où elle gagne, la gauche ne gouverne même pas et laisse la droite le faire ?

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