GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

TAFTA : Stop ou encore ?

Nous reproduisons ici un article de notre camarade Johan Cesa paru dans la revue Démocratie&Socialisme de novembre-décembre 2015.

Le 14 juin 2013, le Conseil de l’UE donne mandat à la Commission européenne d’ouvrir des négociations avec les États-Unis en vue d’aboutir à un accord transatlantique pour créer le plus vaste marché du monde. Plusieurs dénominations désignent ce projet de « grand marché transatlantique » : TAFTA – Trans Atlantic Free Trade agreement – ; TTIP – Transatlantic Trade and Investment Partnership – et PTCI – « Partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement ».

Ce traité vise à libéraliser les échanges entre l'Europe et les États-Unis. À l'heure où ces derniers ont davantage le regard tourné vers le Pacifique et l'Asie, les technocrates bruxellois se sont engouffrés dans la brèche quitte à détricoter encore un peu plus les normes sociales et environnementales continentales. Pour gagner quoi ? 0,05 % de croissance au niveau européen (119 milliards d’euros de PIB supplémentaires en Europe) et l’hypothétique création de 400 000 emplois... en 2027 ! Soit à peu près les gains que l'on obtient lorsque la météo est au beau fixe pendant un mois ou lorsque l'euro baisse d'une poignée de centimes face au dollar... Et ce gain de 0,05 % n'est qu'une estimation provenant d'un organisme privé aux données invérifiables. Alors, tout ça pour ça ?

Nos vies entre les mains des lobbies

Ces négociations ne se contentent pas de mettre fin aux barrières douanières qui subsistent encore, c'est tout notre modèle social et environnemental qui risque de partir en lambeaux. Gaz de schiste, poulet à la javel, OGM, services public, fiscalité, code du travail… Nos droits collectifs acquis par la sueur et le sang des travailleurs peuvent être rayés d'un trait de plume sous pression des lobbies. Selon le collectif « Stop TAFTA », sur 130 réunions organisées par la commission européennes avec la « société civile » jusqu’à l’été 2013, « 93 % se sont tenues avec des multinationales ou leurs lobbies organisés. Il existe aussi de nombreuses réunions parallèles avec les lobbyistes de la puissante Chambre de commerce américaine (AmCham) ou l’association européenne des patrons BusinessEurope (dont fait partie le Medef). Les lobbies de l’industrie automobile (ACEA), ainsi que l’industrie de l’armement, les banques, l’industrie pharmaceutique, l’agroalimentaire et de la chimie sont étroitement associés aux négociations ».

Et nos élus dans tout ça ?

Nos députés européens tentent malgré tout de mettre le nez dans ces négociations. Débusquant ici ou là des vilénies dissimulées dans les recoins du texte et en diffusant des informations restées secrètes. Une opacité des plus scandaleuses est en effet de mise dans ces négociations. Dans une vidéo prise le 20 octobre 2015, Emmanuel Maurel, député européen, membre de la commission du commerce international, nous fait découvrir le véritable parcours du combattant que subissent nos représentants. Formulaire d'engagement à ne rien révéler, salle close et sécurisée par une multitude de sas, fouilles à l'entrée, confiscation du téléphone portable et des stylos, documents non traduits… François Hollande avait sans doute raison lorsqu'il déclarait, le 11 février 2014 : « Aller vite n’est pas un problème, c’est une solution. Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu’il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations ». Le travail de fond qu'opère le collectif « Stop Tafta » dans tout le pays a permis une mobilisation citoyenne et de nombreuses collectivités locales se sont déclarées « Zone Hors Tafta ». En Europe, 3 millions de citoyens ont signé la pétition demandant l'arrêt des négociations.

Mathias Fekl n'exclut pas une sortie des négociations

Cette mobilisation n'est sans doute pas étrangère au haussement de ton du gouvernement français. Dans un entretien à Sud Ouest, le 29 septembre 2015, Mathias Fekl, secrétaire d'État au commerce extérieur fustige le blocage des États-Unis et ajoute que « si ces négociations s'enlisent et que le manque de réciprocité persiste de la part des États-Unis, la France n'exclut absolument pas un arrêt pur et simple des négociations ». Selon lui, deux problèmes majeurs se posent : le secret des négociations et les tribunaux d'arbitrage privés. Il rappelle que ce mécanisme existe depuis longtemps et était, à l'origine, destiné à éviter que les investisseurs soient lésés par certaines décisions des États. « Mais ces dernières années, on a constaté que les tribunaux privés condamnent désormais à coups de milliards les États ». Reste à savoir si cette position est une simple posture à quelques semaines des élections régionales ou bien une réelle volonté gouvernementale que de mettre fin aux négociations. À suivre…

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