Succès de la marche contre l'islamophobie
13/11/2019 |
La marche contre l'islamophobie organisée à Paris le dimanche 10 novembre a été un franc succès. Elle a réunit entre 13500 (selon le cabinet Occurrence) et 40000 personnes (selon les organisateurs) dans une ambiance accueillante malgré le mauvais temps et la campagne médiatique de dénigrement et de diabolisation qui l'avait précédée.
Elle a également réuni un nombre important de responsables de la gauche politique, syndicale et associative et ce fait est particulièrement prometteur. Le contexte politique est lourd de menaces: le principal idéologue de l'extrême droite (Eric Zemmour) a appelé il y a pas si longtemps dans un discours très largement diffusé par les médias au passage à l'acte contre les musulmans et quelques semaines plus tard il a été entendu par un militant du RN qui s'en est pris l'arme à la main à une mosquée à Bayonne. Pendant ce temps, le gouvernement - comme tiré par la dynamique déclenchée par Zemmour et son camp - a lancé un néfaste débat sur l'immigration et la radicalisation islamiste et encouragé la délation contre les musulmans tandis que son ministre de l'éducation nationale - Jean-Michel Blanquer - a violé ouvertement la laïcité en estimant que telle pratique religieuse (le port du voile islamique) devait être découragée, au mépris donc du droit au libre exercice de culte. Dans ce contexte, il est urgent que la gauche s'unisse en un front uni contre l'offensive islamophobe de l'extrême droite et du gouvernement. La laisser proliférer ne fait que renforcer l'extrême droite qui en fait depuis des années son fond de commerce.
La marche du 10 novembre a été précédée par des polémiques à gauche sur le contenu de l'appel et le périmètre des initiateurs. Clarifions d'abord de quoi l'on parle quand on parle d'"islamophobie": il s'agit des discriminations raciales dont sont victimes les personnes de confession musulmane (le "racisme anti-musulman"). Cette définition est désormais communément admise dans les dictionnaires de langue française et par les organisations de défense des droits humains. Les dictionnaires Le Grand Robert et Larousse définissent l'islamophobie comme "l'hostilité envers l'islam, les musulmans". Dans son rapport de 2018 sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie, la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme inclut l'islamophobie qu'elle définit comme "attitude d'hostilité systématique envers les musulmans, les personnes perçues comme telles ou envers l'islam". Au-delà des frontières hexagonales, le Conseil de l'Europe et l'UNESCO écrivent que les termes « islamophobie » et « racisme anti-musulman » renvoient à la même notion d’« intolérance et de discrimination envers les musulmans ». De même, le rapporteur spécial du Conseil des Droits de l'Homme de l'ONU, Doudou Diène, définissait le terme dans son rapport du 2 septembre 2008 sur les formes contemporaines de racisme comme "la discrimination croissante contre les musulmans". Il ne peut donc y avoir d'ambiguïté; que cesse vite cette polémique sémantique stérile qui sert surtout de prétexte à l'inaction.
Cette polémique souligne, en réalité, le vide politique sidéral créé par l'immobilisme de la gauche sur la question de l'islamophobie. Cet immobilisme fait non seulement le jeu de l'extrême droite, elle fait aussi le jeu des fondamentalistes islamistes qui trouvent là prétexte pour argumenter que les musulmans ne peuvent faire confiance à la gauche et se mobiliser à ses côtés. Il y a donc urgence à ce que la gauche se reprenne. La prochaine fois, les organisations de la gauche doivent prendre l'initiative d'organiser elles-mêmes des manifestations de ce type plutôt que de fuir leurs responsabilités en prétextant que l'appel ne leur convient pas. Sur cette question comme sur toutes les autres, la même méthode doit prévaloir: l'ensemble des forces de gauche doivent se mettre autour de la table et établir une base commune de mobilisation.