GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Sale coup contre la prévention

Les députés ont voté, jeudi 30 octobre, l'article 32 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui stipule que la délivrance d'un certificat médical pour une licence sportive, un brevet de pilote ou le droit de conduire au-delà d'un certain âge ne sera plus remboursée par la Sécurité sociale. Ces consultations "coûtent 20 millions d'euros à l'assurance-maladie", a noté le rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche maladie, Bruno Gilles (UMP, Bouches-du-Rhône).

« Puisque la Sécu et la Mutuelle remboursent de concert, pourquoi se priver de prendre rendez-vous chez un médecin dont les honoraires sont libres pour récupérer un certificat médical exigé par un professeur de judo ? » s'indigne «Liaisons sociales » de novembre 2003 dans un article de dénonciation du laxisme des français en matière de santé.

En vérité, c'est très bien qu'un prof de judo exige un certificat, très bien qu'à cette occasion, on vérifie que l'enfant peut pratiquer ce sport, (moins bien que les honoraires soient libres) car il s'agit là d'une prévention… qui fait faire des économies !

Le choix de ne plus rembourser de tels certificats est imbécile, car il s'attaque directement à ce qu'il y a de mieux, de plus efficace, la prévention. Il s'agit, en effet, de ne plus encourager la surveillance préalable de l'état de santé de ceux qui font du sport, ou qui roulent en voiture. Du point de vue sécurité, c'est stupide, du point de vue économique, tout autant.

On impose légalement aux personnes âgées qui conduisent d'effectuer des examens de surveillance, et on leur impose par ailleurs, en considérant que c'est un « luxe » de payer ces contrôles tellement utiles.

Moins de jeunes judokas et moins de vieux conducteurs passeront ces examens. Dans un cas, on diminue la possibilité de prévenir des accidents. De l'autre, on paiera plus cher une fois ces accidents survenus.

S'il y a une voie tout à fait contraire à une intelligente politique de santé, c'est bien celle que choisit, par cette décision, ce gouvernement Chirac-Raffarin-Mattéi.

Il faudrait au contraire, dans notre pays, renforcer de façon fondamentale et massive la prévention : médecine scolaire, médecine du travail. Et que celles-ci disposent des moyens de prévenir, de dépister les risques avant qu'ils n'explosent.

Mais il ne s'agit plus de ça chez Chirac-Raffarin : il s'agit de ne plus considérer que la santé est un droit inaliénable qui doit être garanti à tous. Ils commencent une offensive idéologique, un bourrage de crâne comme ils ont fait sur les retraites (même si 66 % de l'opinion n'y a pas cédé).

« Ce n'est pas la même chose de se casser le bras à ski ou sur le trottoir d'en face » a osé dire Raffarin, de façon démagogique en installant le Hcaam (« Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie »), cherchant appui sur ceux qui, à courte vue, répéteront « Le ski est un luxe, qu'ils paient eux-mêmes, je ne veux pas payer pour eux ». Car la suite du discours sera : « Combien de gens nuisent à leur santé avec le tabac, l'alcool, ou une mauvaise hygiène alimentaire, avec l'illusion que la médecine pourra réparer tous les dégâts » (Liaisons sociales, Didier Sicard de l'hôpital Cochin). Ensuite Raffarin fera dire : « Si vous fumez, pas de chirurgie coronarienne », « Si vous buvez, pas de médicament préventif pour maladie vasculaire », et c'en sera fini du droit à la santé pour tous.

On vous culpabilisera, et on limitera, on découpera peu à peu votre accès aux soins gratuits. Sous prétexte de « vous responsabiliser ». Ce sera les soins de base, dits raisonnables, « un panier de soins » commun, ("rapport Chadelat"), le reste devra se payer de façon personnalisée, à la tête du client, de sa « responsabilité », (laquelle sera d'autant plus « consciente » qu'il aura un niveau de culture plus élevé) et surtout en fonction de sa fortune, de ce qu'il pourra verser de sa propre poche…

Répétons-le : nous défendons, au nom de la Sécu, un droit égalitaire, solidaire, à la santé (le plus juste, le plus efficace) pour tous, le riche comme le pauvre, tous ont droit au même hôpital, aux mêmes soins, aux mêmes garanties. Les prélèvements doivent être progressifs, la redistribution doit être égalitaire.

Dés le premier déremboursement de tel ou tel droit fondamental, c'est le pauvre qui trinque, car le riche, lui mettra au bout avec ses propres moyens et c'en est fini de la solidarité.

On nous dit ce n'est « plus possible de payer », les cotisations même augmentées n'y suffiraient pas. Même chanson, aussi mensongère que celle sur les retraites. Il faut donc amputer les droits.

Faux : on peut encore dépenser plus ! Et collecter plus ! Mieux soigner, mieux planifier et contrôler dans l'intérêt commun, du service public.

Et s'il y a des mesures à prendre, elles ne concernent pas en premier le contrôle de "la boite à pharmacie" des individus, il y a là, certes, du gâchis, mais il est inférieur, et de loin à celui provoqué par la fabrication, le conditionnement, le prix, les marges des médicaments des laboratoires et industries pharmaceutiques

Et pourtant : aux Usa, il dépensent 14,5 % de leur Pib pour la santé… (privée !) et nous seulement 8,92 % de notre Pib. On encore de la marge à consacrer à la santé publique. (Celle-ci est plus efficace, nous sommes au premier rang mondial en la matière, selon l'Oms, les Usa au 37° rang mondial).

Gérard Filoche

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