GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Syndicats

Processus de fusions syndicales

Le mouvement pour la défense de la retraite par répartition, contre le projet Fillon, ne s'est pas étendu à tous les secteurs du public et du privé essentiellement à cause de la division syndicale. L'adhésion de la direction de la Cfdt, suivie de la Cgc, aux mesures Fillon-de Seillières a entravé la dynamique de mobilisation. La massivité des manifestations a fait croire que l'on pouvait surmonter la division. Or sur le terrain syndical comme sur le terrain politique, la division du mouvement ouvrier aboutit généralement à donner la main au Medef et à la droite.

L'engagement de l'équipe Chérèque aux côtés de Fillon a poussé 35 Unions Départementales à se désolidariser de leur direction confédérale. Celle-ci a persisté avec la signature de l'accord remettant en cause les acquis des intermittents du spectacle. Cet entêtement n'est pas l'accumulation d'erreurs d'appréciation mais bien le choix conscient de l'adaptation au libéralisme, commencé par le « recentrage » du début des années 80.

L'opposition courageuse des militants Cfdt à une telle orientation est partagée aujourd'hui, entre la bataille pour redresser la Cfdt et la nécessité de construire un syndicalisme unifié, démocratique, confédéré. Cette préoccupation traverse d'ailleurs toutes les organisations confédérées ou non. L'émiettement du syndicalisme n'a renforcé ni la démocratie, ni le rapport de forces. L'émergence de Sud à la Poste ou à France Télécom n'a pas permis de mieux organiser la riposte à la privatisation. Le Groupe des 10, qui regroupe essentiellement les différents Sud et le Syndicat National Unifié des Impôts, reconnaît lui-même qu'il a peu pesé lors du mouvement du printemps dernier. Et si la Fsu a joué un rôle essentiel dans l'enseignement, elle ne pouvait pas organiser la liaison entre le public et le privé. En 1995, ce sont les confédérations Cgt et Fo qui avaient pris une place centrale. En 2003, la Cgt a joué, davantage, ce rôle pivot.

La crédibilité du syndicalisme, l'autorité de sa direction dépendent, certes de son orientation revendicative, mais aussi du nombre de ses membres. Une grande confédération syndicale unifiée et démocratique est une priorité car indispensable pour faire face à la violence de la mondialisation libérale.

Cfdt : une crise sans précédent

L'orientation de la direction Chérèque arrive à s'imposer grâce à un régime interne extrêmement bureaucratique et centralisé. La Cfdt a un fonctionnement qui écrase le fédéralisme. Malgré cela, les opposants ont pu recueillir 30 % des votants sur des amendements contestants la ligne confédérale. Au congrès de Montpellier, Nicole Notat fut mise en minorité. Depuis l'appareil a su réagir et organiser l'isolement de l'opposition. Cette « exclusion de l'intérieur » impose aujourd'hui non pas un départ vers des syndicats autonomes, mais le choix de construire un syndicalisme confédéré, rassemblé, unifié.

En 2001, l'intégration réussie du Sycopa (Syndicat du Commerce Parisien) et de ses 1500 adhérents dans la fédération Cgt du Commerce a été un évènement. Depuis plusieurs mois des contacts, des relations sont nouées entre des directions syndicales, départementales ou fédérales de la Cfdt et de la Cgt pour envisager une intégration dans la Cgt. Tout cela fait l'objet d'un suivi attentif de la direction confédérale Cgt. Les articles de l'hebdomadaire, la Nouvelle Vie Ouvrière en témoignent.

Effet domino

Le processus est le plus avancé avec l'Union Départementale Cfdt de Haute-Loire, avec l'Union Régionale d'Auvergne, avec certains secteurs de la Fgte-Cfdt. Dans d'autres Unions Départementales, des syndicats discutent aussi des conditions de leur départ. Ce sont donc près de 100.000 adhérents Cfdt qui pourraient décider, avec leurs syndicats de quitter la Cfdt.

Le projet de l'adhésion à la Cgt est partagé par de nombreux dirigeants. Néanmoins une partie des militants proches de la Lcr ou de sensibilité anarcho-syndicaliste donnent priorité au choix de la Fsu (ceux qui sont dans la fonction publique) ou de Sud, qui constitueraient « le pôle syndical de radicalité ». Ce choix est souvent facilité par l'existence d'équipes syndicales Cgt qui refusent les évolutions de leur centrale, et voient d'un mauvais œil arriver des militants de la Cfdt.

Chérèque minimise la dynamique en parlant d'un départ de quelques milliers d'adhérents. Cette sous-estimation est contredite par les chiffres mêmes donnés au Cnc-Cfdt (voir article ci-joint de Christian Normand). De plus, il faudra être attentif à l'effet domino, aux répercussions des départs de syndicats et de dirigeants. L'opposition n'ayant jamais été homogène, il est fort probable que les vagues de départs s'étalent sur plusieurs mois. Tout dépendra de la réussite de l'unification des ex-structures Cfdt dans la Cgt.

L'adhésion de plusieurs dizaines de milliers d'adhérents Cfdt à la Cgt sera un événement. Pour la première fois les départs ne renforceront pas la dispersion syndicale. Ces adhésions se dérouleront dans un cadre d'unification basé sur des protocoles d'accords d'adhésions collectives. Les directions de la Cgt qui semblaient sourdes ou frileuses aux sollicitations des opposants Cfdt ont évolué et accepté des adhésions de structures. Un débat est d'ailleurs engagé dans la Cgt pour constituer des syndicats professionnels rassemblant les sections syndicales d'entreprises qui souvent n'ont pas les moyens, militants et financiers, d'animer la vie démocratique des structures de base. Les garanties démocratiques données par les directions de la Cgt aux équipes Cfdt qui les rejoignent sont de bon augure. Elles seront utiles pour vaincre les oppositions des « orthodoxes » de la Cgt à l'arrivée massive des militants ex-Cfdt.

Débats dans la Fsu

La nécessité d'être dans une organisation confédérée est largement partagée dans la Fsu. Mais la façon d'y arriver suscite des désaccords.

Une partie de l'Ecole Emancipée souhaiterait une fusion avec Sud et le groupe des 10. Derrière ce projet, il y a celui de découper la gauche entre révolutionnaires et réformistes ou socio-libéraux. Un grand syndicat influencé par l'extrême gauche serait ainsi le correspondant syndical d'un parti à la gauche de la gauche (lui aussi à construire, autour de la Lcr). Pour les spécialistes, c'est une pratique qui n'a que peu à voir avec la culture trotskiste. Une nouvelle confédération serait une opération de division. Cette orientation fait débat dans la Lcr, mais elle est portée par une majorité de sa direction.

Une partie de la Fsu serait tentée de se tourner vers la Cgt à la condition d'avoir des garanties démocratiques. Or, il y a deux ans, le refus par la direction confédérale de la Cgt d'accepter la mise en place de Clui (Comité de Lutte Unitaire Interprofessionnels) a empêché toute avancée. Mais l'arrivée des opposants Cfdt à la Cgt relance le débat. Le prochain congrès de la Fsu va aborder la question de la confédéralisation. Il est évident que la proposition d'un Clui aurait plus de succès, d'autant que Cgt, Fsu et Unsa ont mis en place, en juillet 2003, une structure appelée « Inter réso ». Excellente démarche. La confédération Fo a déclaré être intéressé - ce qui est très important aussi - sans adhérer formellement à cette structure. Issue du mouvement contre le plan Fillon, « Inter réso » est limité encore à un cadre de rencontres entre directions confédérales et parfois départementales.

Pourquoi ne pas généraliser ce cadre intersyndical à toutes les localités et proposer à tous les syndicats, sans exclusive, d'y participer afin de définir, le contenu d'un programme revendicatif et les moyens d'action pour le faire aboutir ?

Une unification syndicale sans exclusive

Les débats et processus décrits ci-dessus vont avoir des répercussions dans tout le mouvement syndical. Pour la première fois depuis 1947, la question de l'unification devient une question d'actualité sociale, une préoccupation de centaines de milliers de membres de syndicats.

Les sectaires, gauchistes ou sociaux-libéraux, qui s'accordent à vouloir, sur le terrain politique ou le terrain syndical, diviser les salariés dans un camp réformiste et un camp révolutionnaire vont vouloir empêcher cette dynamique de regroupement.

Les militant(e)s syndicaux qui partagent l'orientation de la revue D&S, défendent depuis toujours une orientation syndicale revendicative, unitaire, démocratique et indépendante et donc la perspective d'une centrale unitaire et démocratique.

Ils vous invitent à débattre de ces questions dans cette revue ou sur le site du journal.

Gilles Navarro

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