GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Jeunes

Retour sur le mouvement étudiant du premier semestre

Les annonces de la nouvelle ministre de l'enseignement supérieur -Valérie Pécresse- et de son premier ministre avaient déjà suscitées l'inquiétude dès le mois de mai 2007. Dès le mois de juillet, ces craintes étaient devenues des certitudes.

Sans revenir trop longuement sur la loi elle-même, rappelons qu'elle visait principalement à instaurer l'autonomie des universités vis-à-vis de l'État, permettant l'entrée sans contrôle de fonds privés dans les universités, la précarisation des personnels et dotant le président de pouvoirs discrétionnaires très étendus. Bien que techniquement incorrect, le terme de privatisation des universités à souvent été employé pour qualifier cette ingérence des intérêts privés dans l'enseignement supérieur, au détriment de l'intérêt général.

Face à cette menace, les réactions du milieu étudiant ont été assez hétérogènes dans un premier temps. Passons ici sur l'attitude des organisations de droite ultra-minoritaires telles l'UNI qui, en vassaux serviles de l'UMP, ont bien évidemment fait l'éloge de la dernière œuvre de leurs maitres. Deux grandes tendances se dégageaient : d'un côté ceux qui pensaient que le principe même de cette loi était néfaste et qu'il fallait donc dès à présent se préparer à la contrer, de l'autre côté ceux qui pensaient qu'elle était insuffisante en l'état mais que quelques améliorations parlementaires suffiraient à la rendre acceptable voir bénéfique. Vous vous en doutez sans doute chers lecteurs, les militants d'Offensive Socialiste étaient plus proche de la première position.

Sachant que les organisations étudiantes représentatives comme l'UNEF qui restait sur la réserve, ou encore la FAGE et la Cé (Confédération étudiante) qui soutenaient projet de loi, car comptant sur ces fameux amendements parlementaires, de nombreux militants, dont la plupart étaient de l'Unef, décidèrent de s'organiser. C'est ainsi que, dès juillet, sur les chaines d'inscription de plusieurs universités, un travail d'information fut mené par des collectifs locaux regroupant pêle-mêle les militants de la FSE, de SUD étudiants, de différents organisations politiques ainsi qu'un certain nombre de militants de l'UNEF, qui furent aussi fidèles à leurs principes qu'à ceux de leur organisation.

Souhaitant donner une envergure nationale à ce mouvement débutant, des syndicalistes étudiants dont certains sont par ailleurs membres de l'Offensive Socialiste appelèrent les premiers à une réunion unitaire de toutes les organisations de jeunesse dans le but de préparer la rentrée. Réunion unitaire qui se déroula début septembre à Paris, alors que la plupart des universités étaient encore en vacances. Une autre réunion, quelques semaines plus tard, acta la création du Collectif Étudiant Contre l'Autonomie des Universités (CECAU), qui joua un grand rôle, notamment dans la mise en lumière d'un mouvement jusqu'ici assez souterrain.

Le mouvement se développa d'abord selon un rythme lent, le manque de moyens matériels -dû à l'absence de soutien de la part des grandes organisations- se faisant cruellement sentir. Au delà de ces difficultés matérielles, le mouvement ne parvint pas à s'organiser de manière efficace. En effet, le CECAU qui aurait du jouer le rôle de coordination du mouvement au niveau national tant qu'une structure plus large et plus performante n'était pas mise en place n'a pas pu assurer sa mission. Pour ne pas « faire de l'ombre » à une coordination nationale à peine naissante et représentant bien peu d'étudiants, certains comme SUD étudiants bloquèrent toute décision importante comme la mise en place d'un porte-parole du CECAU. SUD étudiant décidant finalement de quitter le collectif après en avoir proposé la dissolution.

Cette intention, louable, de laisser les délégués élus de chaque Assemblée Générale décider de la suite du mouvement s'avéra désastreuse pour la suite. La cordination nationale refusant en effet (suite de la p 5) l'élection d'une direction nationale capable de la représenter auprès des médias et des autres organisations, sombra dans l'indifférence générale et ne fut d'aucune aide au mouvement. L'espace médiatique que le CECAU avait conquit péniblement fut rapidement perdu et l'absence de représentation alternative de la jeunesse laissa la plus grande part de l'apparition publique à ceux qui ne réclamaient que l'amendement de la loi Pécresse.

Malgré ces faiblesses, on constate que le mouvement étudiant a pu prendre une grande ampleur, plus de 45 universités sur 85 ayant été occupées par leurs étudiants. L'ampleur de cette mobilisation peut surprendre lorsque l'on sait qu'aucune des grandes organisations étudiantes traditionnelle n'a cherché à le lancer. Cette ampleur s'explique par plusieurs éléments. Premièrement, l'unité réalisée en amont entre les organisations opposées à la loi Pécresse a permis une bien meilleure visibilité du mouvement que si chaque voix s'était exprimée séparément. Deuxièmement, l'expérience militante des étudiants forgée lors de la mobilisation contre le CPE a significativement facilité le travail d'information et de conviction, les étudiants sachant bien mieux s'organiser aujourd'hui qu'en 2005. Troisièmement enfin, le ralliement de l'UNEF à certains des mots d'ordre étudiants a été d'une aide importante pour la visibilité du mouvement.

Parce qu'elle les concernait au premier chef, la loi Pécresse a fait fortement réagir les étudiants dès lors qu'un travail d'information suffisant a été fait. Malheureusement, il ne suffit pas d'avoir un grand nombre d'étudiants conscients qu'une loi leur est nuisible pour que celle-ci soit abrogée. Pour que cela soit possible, il faut d'une part, que les étudiants soient capables de faire le lien avec les autres composantes du mouvement social afin d'être doté des forces suffisantes et d'autre part, il faut au mouvement une direction compétente et efficace, représentative de leurs intérêts et de leurs revendications. Ce sont ces mêmes problèmes qui ont amené les travailleurs comme les étudiants à constituer des syndicats par le passé, poussés par les nécessités concrètes de la lutte des classes ils décidèrent de se grouper dans une même organisation. L'histoire leur a donné raison, les conquêtes sociales les plus importantes ont été obtenues lorsque les travailleurs se dotaient de syndicats forts, les régressions sociales que nos connaissons et dont la loi Pécresse est le dernier avatar ont lieu à cause de la grande faiblesse des syndicats. Il est donc plus que jamais nécessaire que les étudiants se rapproprient le syndicat majoritaire, l'UNEF, pour en faire un outil de lutte à leur service.

Le second semestre s'annonce aussi difficile que le premier : les cendres de la batailles de la loi Pécresse sont encore chaudes et la lutte contre le plan licence s'annonce. Ne commettons pas les mêmes erreurs, soyons déterminés et rappelons nous ce slogan de la Résistance : « Nous gagnerons parce que nous sommes les plus forts ! ».

Martin Crouzet

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