GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Recul sévère du Parti populaire, recul du Parti socialiste, bond en avant de Podemos

Les élections régionales et municipales du 24 mai, en Espagne, sont un véritable séisme.

La fin du « bipartisme »

Le « bipartisme » qui, depuis la fin de la dictature franquiste et le déclin du Parti communiste espagnol, opposait le Parti socialiste espagnol (PSOE) et la droite espagnole (Alliance populaire puis Parti populaire) a pris un sérieux coup dans l’aile. Ce sont maintenant quatre partis qui dominent la vie politique espagnole.

Le Parti populaire (PP) est le parti de droite actuellement au pouvoir en Espagne, depuis novembre 2011. Son leader, Manuel Rajoy, préside le gouvernement.

Le Parti socialiste (PSOE) a dirigé l’Espagne de 2004 à 2011. La politique d’austérité menée, à partir de 2008, par le gouvernement dirigé par José Luis Zapatero, lui a fait perdre les élections législatives de 2011. Il connut, alors, une véritable déroute : un recul de 15 points et 60 députés de moins, sur un total de 350 au Congrès des députés.

Podemos a été créé en janvier 2014 afin de donner un débouché politique au mouvement des « Indignés » qui avait, notamment, mobilisé des centaines de milliers de personnes à la Puerta del Sol, au cœur de Madrid, en mai 2011. Cinq mois plus tard, Podemos obtenait 8 % des voix aux élections européennes. Le 22 mars 2015, ce parti obtenait 14,8 % des voix aux élections régionales en Andalousie.

Ciudadanos (Citoyens) est un parti de droite créé en novembre 2006. Il appartient au même groupe que l’UDI au parlement européen (l’Alliance des libéraux et démocrates). Il est aussi libéral que le PP mais se présente comme un parti « anti-corruption » pour essayer de combler le trou béant laissé par les nombreuses « affaires » impliquant le PP. Monté en épingle par les médias et les sondages pour essayer de contrer la montée de Podemos, il se situe, nettement plus bas qu’annoncé (6,55 % des voix aux municipales et 31 sièges sur 647 dans les régions autonomes).

Les élections « régionales »

Les élections « régionales » du 24 mai 2015 concernaient 13 régions autonomes sur les 17 que compte l’Espagne.

Le PP reste le premier parti espagnol avec 26,9 % des voix. Il perd, cependant, 40 % de ses voix par rapport à 2011. Il réalise son pire score depuis 24 ans. Alors qu’il dirigeait 10 de ces 13 régions, il pourrait n’en conserver que trois.

Le PSOE reste le 2e parti espagnol mais perd 12,5 % de ses voix depuis 2011.

Podemos arrive en 3e position. Il n’existait pas et n’avait donc obtenu aucun siège lors des élections de 2011. Il en conquiert 119 le 24 mai 2015.

Au total, le PP obtient 270 sièges, le PSOE 227, Podemos 119 et Ciudadanos 31.

Les municipales

Le PP atteint 27,03 % des voix mais perd 10 points par rapport aux municipales de 2011.

Le PSOE arrive, là encore, en 2e position, avec 25,03 % des voix, contre 28 % en 2011.

Ciudadanos atteint 6,55 % des voix.

IU (Izquierda Unida), un autre parti à la gauche du PSOE, obtient 4,73 % des voix.

Podemos n’avait pas présenté de liste aux municipales mais participaient à des listes citoyennes.

À Barcelone, il participait à la liste menée par Ada Colau, animatrice, depuis 2009, de la « plate-forme anti-expulsion » en Catalogne. Avec 25,2 % des voix, cette liste qui a réussi à mobiliser une partie des abstentionnistes (la participation augmente de 8 points) arrive en tête, avec 11 sièges, devant les nationalistes de droite de Convergence et Union (CyU) qui obtient 10 sièges.

À Madrid, Podemos participait à la plate-forme Ahora Madrid, emmenée par Manuela Carmena. La plate-forme est arrivée en 2e position (32,1 % des voix) derrière la liste du PP (34 %). Mais le PP est complètement isolé par plusieurs scandales de corruption dans cette ville et peut très difficilement être soutenu par l’autre parti de droite, Ciudadanos, qui a fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille.

Dans d’autres villes, des plates-formes citoyennes, soutenues par Podemos peuvent gagner les municipalités : Saragosse, la Corogne, Santiago (Galice)…

La question des alliances

Le PP, le PSOE ou Podemos ne pourront pas préserver ou gagner de nombreuses municipalités ou la présidence de plusieurs régions, sans alliance avec d’autres forces politiques.

En Cantabrie où Podemos arrive en 2e position, le total des voix de gauche (Podemos et PSOE) est de 17 sièges contre 16 à la droite (PP et Ciudadanos). Dans la région de Madrid, le PP obtient 48 sièges, Ciudadanos 17, le PSOE 37 et Podemos 27 : 65 pour la droite et 64 pour la gauche. En Estrémadure, le PSOE a besoin (au minimum) de l’abstention de Podemos pour l’emporter. Le PP est en tête en Castille-La Manche ou en Aragon mais il perdra ces régions si Podemos soutient le PSOE.

Il en va de même pour les municipales. À Barcelone, Anda Colau a besoin (au minimum) de la neutralité du PSOE pour l’emporter. À Madrid, Manuela Carmena ne pourra pas gagner la municipalité sans le soutien du PSOE.

Podemos mettaient dans le même sac, « la caste », le PP et le PSOE. Mais il a été obligé de faire un choix et de constituer dans de nombreuses régions une alliance de gauche avec la PSOE. Le PSOE qui taxait Podemos de « populisme » a été également obligé de lâcher du lest et son secrétaire général, Pedro Sanchez, a reconnu que les Espagnols voulaient un « coup de barre à gauche ».

Le « quadripartisme » a remplacé le « bipartisme » mais, au total, il reste toujours deux camps, la gauche et la droite !

La « reprise » !

Le thème de la « reprise » a été le fond de commerce de la campagne du PP et du président du gouvernement de droite, Mariano Rajoy.

La « reprise » est là, affirmait-il. Le PIB avait cru du 1,4 % en 2014 et de 0,8 % au 1ertrimestre 2015. Les Espagnols avaient souffert mais la croissance était revenue. Les électeurs ne pouvaient qu’être reconnaissants envers le gouvernement de droite qui avait réussi ce miracle.

Les Espagnols ne l’ont pas vraiment entendu de cette oreille. Ils n’ont pas accepté que leur soit imposée une politique d’austérité (déjà bien entamée avec le gouvernement du PSOE de José Luis Zapatero) pour réduire à marche forcée une dette et un déficit publics qui avait augmenté dans des proportions inouïes, mais avant tout pour empêcher les banques espagnoles de faire faillite. Ces banques avaient, pourtant, financé pendant des années la spéculation immobilière, sans le moindre frein.

La « reprise » qui ne profite qu’aux 1 % qui dirigent l’économie ne signifie rien pour la plupart des Espagnols. Quant à l’ « inversion » de la courbe du chômage, de 26 % à 23 % de la population active, elle laisse toujours dans la misère des millions de personnes.

Mariano Rajoy devra donc trouver autre chose pour les législatives de novembre qui s’annoncent particulièrement difficile pour le parti au pouvoir.

La vérité au-delà des Pyrénées n’est peut-être pas une erreur en-deçà…

François Hollande aurait tort de ne pas tirer de leçons des dernières élections espagnoles et de considérer que les électeurs de notre pays pourraient lui être reconnaissants d’une « reprise » aléatoire, fragile et qui ne profiterait qu’aux actionnaires des entreprises.

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