GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Vers la fin des faux semblants

Nous publions ci-dessous la chronique Palestine de notre ami Philippe Lewandowski, parus dans Démocratie&Socialisme n°224/225 d’avril-mai 2015.

Il n’est peut-être pas inutile de revenir sur le résultat des dernières élections israéliennes, qui ont vu la victoire du Likoud de Netanyahou, la défaite de l’oxymore que d’aucuns s’obstinent à nommer la « gauche sioniste », et le bon résultat d’une liste palestino-israélienne unifiée devenue le troisième groupe en importance de la Knesset.

Deux commentateurs avisés, Ilan Pappe et Ali Abunimah (1), en offrent des analyses qui s’avèrent en fin de compte remarquablement proches (8). Rendre compte de leurs lignes de forces constitue l’objectif du présent article.

Une politique constante

La ligne politique du gouvernement israélien continuera à semer le malheur et les graines du désespoir parmi les Palestiniens, qu’ils soient citoyens de seconde classe, sous occupation, ou encore sous blocus : en dépit des accords signés et des proclamations, poursuite du blocus de Gaza ; poursuite de la colonisation, brimades et entraves multiples à toutes les formes de vie autonomes des Palestiniens dans les territoires occupés ; poursuite de la « judaïsation » des terres et des quartiers urbains y compris au sein des frontières de 1967. Des expulsions ou de nouveaux massacres sont donc non seulement possibles, mais prévisibles. Mais aucun État palestinien n’entre à l’ordre du jour.

La débâcle d’une pseudo-alternative

L’Union centriste dite du centre gauche, dirigée par Yitzhak Herzog et Tzipi Livni, et à laquelle les chancelleries occidentales semblaient faire les yeux doux, ne constituait pas une alternative : « Livni, suspectée de crimes de guerre et fuyant la justice, a été l’un des artisans, fiers et sans remords, du massacre par Israël à Gaza en 2008-2009, qui a indubitablement servi de modèle à Netanyahu. Herzog, le partenaire de Livni, a reproché à Netanyahu de ne pas attaquer Gaza assez méchamment » (2). Prétendre voir en elle un éventuel partenaire pour un soi-disant « processus de paix » ne peut être la preuve que d’un aveuglément naïf ou d’un machiavélisme sophistiqué.

Une tête de pont précaire

Ilan Pappe pense que le groupe parlementaire de la Liste commune palestinienne « n’aura aucun impact sur le régime politique israélien et en réalité, comme [ceux de] l’Autorité palestinienne, les jours de la représentation palestinienne à la Knesset, le parlement d’Israël, sont comptés » (3). Ali Abunimah renchérit : « L’incitation risquée de Netanyahu, le jour de l’élection, disant « les Arabes sont en train de s’avancer vers les urnes » a montré une fois de plus qu’il pense véritablement que les citoyens palestiniens d’Israël ne sont pas des citoyens légitimes méritant tous les droits » (4). Mais aucun n’incite toutefois à baisser les bras. Deux perspectives semblent en effet s’imposer.

La nécessité de l’unité

Pour Ilan Pappe, « l’importance de la Liste Commune se trouve ailleurs. Elle peut stimuler l’imagination d’autres communautés palestiniennes sur la possibilité d’une unité dans les objectifs. […] La Liste Commune représente un groupe de Palestiniens indigènes qui connaissent bien les Israéliens, qui sont profondément attachés aux valeurs démocratiques et ont gagné en importance parmi les autres Palestiniens après des années de marginalisation et de quasi-oubli » (5). C’est un exemple à suivre pour les Palestiniens de Gaza et des Territoires occupés : il prouve qu’une telle démarche est bel et bien possible.

L’importance de la campagne BDS

Étant donné le caractère jusqu’à présent intangible de la politique des gouvernements israéliens, « la conclusion pour la communauté internationale devrait à présent être claire. Seule la décolonisation de l’état colonial peut mener à la réconciliation. Et la seule manière de donner une impulsion décisive à cette décolonisation, c’est en utilisant les mêmes moyens que ceux exercés contre l’autre état colonial de longue date du 20ème siècle : le système d’apartheid en Afrique du Sud. Le choix de la campagne BDS - le boycott, le désinvestissement et les sanctions - n’a jamais paru plus valide qu’il ne l’est aujourd’hui. Il faut espérer que - en liaison avec la résistance populaire sur le terrain - cela poussera au moins certains dans la deuxième et la troisième génération de la société coloniale juive, à contribuer à stopper le projet sioniste. Les pressions conjointes de l’extérieur et du mouvement de résistance à l’intérieur sont la seule manière de forcer les Israéliens à repenser leurs relations avec tous les Palestiniens, y compris les réfugiés, sur la base des valeurs démocratiques et égalitaires » (6).

Quitter les faux semblants

Le résultat des élections israéliennes offre donc à ce que l’on appelle la communauté internationale l’occasion de quitter une approche ostensiblement humaniste qui dans les faits ne sert qu’à perpétuer des « négociations » stériles de style Oslo, servant de couverture pour la poursuite de l’assujettissement et de la colonisation. Ali Abunimah prend cependant soin de préciser : « Nous devons nous faire aucune illusion, avec la réélection de Netanyahu, les gouvernements européens, nord-américains et arabes ne vont pas soudainement mettre fin à leur complicité avec Israël. […] Mais le choix du public juif israélien de réélire Netanyahu doit bien faire comprendre aux peuples du monde entier qu’Israël ne recherche pas la paix et qu’il n’est pas en quête de justice. Il va poursuivre son oppression et son nettoyage ethnique des Palestiniens tant qu’il ne sera pas arrêté. Négocier avec un tel régime est inutile quand son pouvoir sur ses victimes reste étendu et hors contrôle. Le message que nous devons retirer est simple : le traitement qui convient pour un régime politique engagé dans une occupation, un apartheid et une suprématie ethno-raciale, c’est son isolement jusqu’à ce qu’il admette qu’il doit abandonner ces engagements » (7).

Il est effectivement temps de faire passer le BDS au niveau supérieur.

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L’article en PDF

(1): Ilan Pappe : historien israélien vivant en exil volontaire, auteur, notamment, de l’ouvrage « Le nettoyage ethnique de la Palestine » (Paris : Fayard, 2008). Ali Abunimah : journaliste américain d’origine palestinienne, co-fondateur du site The Electronic Intifada(retour)

(2): Ali Abunimah, op. cit. (retour)

(3): Ilan Pappe, idem. (retour)

(4): Ali Abunimah, idem. (retour)

(5): Ilan Pappe, idem. (retour)

(6): Ilan Pappe, idem. (retour)

(7): Ali Abunimah, idem. (retour)

(8): Ilan Pappe, « Ce que nous disent les élections israéliennes ». Ali Abunimah, « Pourquoi je suis soulagé que Netanyahou ait gagné », tous deux consultés le 11-04-2015. (retour)

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