GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Questions de sécurité

Nous reproduisons ici la chronique Palestine de notre ami Philippe Lewandowski parue dans le numéro de janvier de la revue Démocratie&Socialisme.

Une fois de plus, nous allons nous mêler, maladroitement peut-être, mais qu’importe, de choses qui peuvent sembler lointaines, de nature et d’importance différentes, les unes méritant et bénéficiant de l’attention bienveillante des grandes officines de communication, les autres dévolues, dans le meilleur des cas, à quelque encart en petits caractères dans une page intérieure, voire, le plus souvent, ignorées ou passées sous silence. Nous allons parler de sécurité, non seulement de la sécurité des uns, mais aussi de la sécurité des autres. Nous ne connaissons pas d’autre moyen de parler de la sécurité de tous.

LA SÉCURITÉ D’ISRAËL

Ce thème omniprésent constitue le leitmotiv des déclarations du gouvernement israélien, que ce soit en solo ou de concert avec tel ou tel partenaire extérieur. C’est en son nom qu’il justifie à la fois agressions et expansion, le régime discriminatoire imposé aux territoires qu’il occupe, ainsi que l’étirement sans fin de pseudo-négociations qui ne servent que d’écran à la poursuite implacable d’une colonisation par la force.

Selon le journaliste britannique Alan Hart, la légende de la menace d’annihilation d’Israël, du « renvoi à la mer » de ses habitants juifs, constitue l’une des plus grandes réussites de la propagande sioniste : « La vérité historique, ainsi que le prouvent les références complètes des trois volumes de mon livre (1), est que l’existence d’Israël n’a jamais, au grand jamais, été mise en danger par quelque coalition de forces arabes que ce soit. Ni en 1948. Ni en 1967. Ni même en 1973. L’assertion sioniste du contraire était la couverture qui a permis à son enfant monstre de s’en sortir là où c’était le plus important – en Amérique et en Europe occidentale – en ayant son agression perçue comme auto-défense et lui-même en tant que victime alors qu’il était l’oppresseur. » (4)

La supériorité technologique de l’armée israélienne demeure incontestée – même si l’on s’en tient aux armements conventionnels. Les amitiés indéfectibles ferment complaisamment les yeux sur les autres (5). Ainsi que le précise Henry Siegman, qui fut un des principaux leaders du lobby israélien aux États-Unis, « tout le monde sait que les voisins et l'environnement ne font plus peser aucune menace existentielle sur Israël à notre époque. » (6)

LA SÉCURITÉ DES PALESTINIENS

Il est très curieux de constater que les grands chevaliers médiatiques des droits de l’homme n’abordent pratiquement jamais cette question. Or il faut bien reconnaître que la situation s’avère non seulement peu reluisante, mais encore alarmante. Ainsi, selon le Middle East Monitor, « les forces israéliennes d’occupation ont enlevé environ 4000 Palestiniens, dont des parlementaires, des femmes, des enfants et des personnes malades, en 2013 . La grande majorité des personnes arrêtées sont de la Cisjordanie occupée, avec seulement un petit nombre venant de la bande de Gaza. Les informations publiées par le département des statistiques au ministère des prisonniers en Cisjordanie montre que pas un seul jour ne s’est écoulé sans kidnappings. Le nombre moyen d’arrestations chaque mois a été de 323, ce qui équivaut à environ 11 arrestations par jour. Le taux d’enlèvements en 2013 est seulement de 1% supérieur à celui de 2012, mais il est de 17% supérieur à celui de 2011. […] Selon les statistiques, les personnes enlevées de force étaient de toutes les classes sociales, sans exception. Les forces israéliennes d’occupation n’ont pas fait de dérogations spéciales pour les personnes âgées, les handicapés, les enfants, les femmes, les parlementaires, les dirigeants politiques, des universitaires et des journalistes. » (7)

La première cause d’insécurité est en effet l’occupation israélienne. Le tapage fait autour de la libération de quelques dizaines de prisonniers masque le fait que chaque foyer palestinien, pris au hasard (ainsi que le relatent les soldats israéliens de l’association « Breaking the silence » (8)), peut faire l’objet de perquisitions et d’arrestations arbitraires.

Il risque également soit la destruction de son logement, soit l’expulsion pure et simple au profit de prédateurs qui l’occupent sous la protection de l’armée. Ce cas est particulièrement fréquent à Jérusalem.

À Hébron, les écoliers palestiniens sont régulièrement attaqués à coups de pierres par de jeunes colons sous le regard bienveillant des militaires.

Les paysans gazaouis cultivent leurs champs en risquant (et perdant parfois) leur vie en raison du zèle de snipers israéliens on ne peut plus officiels.

L’insécurité est bel et bien la règle.

LA SÉCURITÉ DES VOISINS D’ISRAËL

Il peut paraître paradoxal de parler de sécurité pour des pays marqués par de tragiques conflits internes, mais l’actualité récente ne doit pas faire oublier les faits historiques. Et ces derniers ne prêtent pas à équivoque pour tout observateur honnête : ils ont tous, sans exception, à un moment ou à un autre, et certains à plusieurs reprises, été agressés par Israël.

En 1948, « il est vrai que des éléments de cinq armées arabes sont entrés en Palestine. Mais leur objectif n’était pas la destruction de l’État juif du plan de partition vicié. Leur dessein était seulement de secourir le territoire qui avait été assigné à l’État arabe, et ils ont même misérablement échoué à le faire. » (2)

Le 29 octobre 1956, Israël envahit la bande de Gaza et le Sinaï, rejoint deux jours plus tard par la France et la Grande-Bretagne. Mais ce qui s’appelle l’expédition de Suez s’achève en déconvenue en raison de la position de l’URSS et des États-Unis.

La guerre dite des six jours frappe l’Égypte et la Syrie. Au second jour de la guerre, le général Chaim Herzog confiait à Alan Hart : « Si Nasser n’avait pas été assez stupide pour nous offrir un prétexte de guerre, nous en aurions créé dans le délai d’un an à 18 mois. » (3)

Est-il nécessaire de rappeler les invasions du Liban et leurs cortèges d’horreurs ?

A contrario, qu’on nous permette de rappeler que le seul pays du Moyen Orient qui n’ait jamais attaqué ses voisins (mais qui a toujours su se défendre) n’est autre que… l’Iran.

Mais tous ces États vivent depuis plus d’un demi-siècle sous la menace permanente d’un Israël surarmé et viscéralement expansionniste, comme en témoigne son entreprise de colonisation ininterrompue quels que soient ses gouvernements en place.

LA SÉCURITÉ DES MERS

Confinés dans un espace maritime implacablement restreint par la marine israélienne (ainsi, hélas, que par la marine égyptienne), les pêcheurs de Gaza ont peine à travailler et survivre en raison du harcèlement brutal et quotidien des forces navales de l’armée dite « la plus morale du monde. » Les ressources halieutiques des zones autorisées sont polluées et épuisées. À chaque sortie en mer, ils risquent l’emprisonnement et la confiscation de leurs embarcations, voire leur vie. (9)

L’insécurité maritime ne se limite ni aux eaux territoriales palestiniennes ni aux seuls Palestiniens : n’est-ce pas en haute mer que les commandos israéliens ont meurtrièrement attaqué la « Flottille de la Liberté » en 2010 ?

Arrêtons-nous là. Nous en avons déjà assez pour constater que les discours sécuritaires dont on nous abreuve ad nauseam sont tronqués, et par conséquent faussés. Rappelons simplement ce qui devrait être une évidence pour tous : la sécurité des uns passe par la sécurité des autres. Toute autre voie n’est qu’illusion.

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L’article en PDF

(1): Alan Hart, Zionism the real enemy of the Jews. Atlanta : Clarity Press, 2009-2010. (retour)

(2): Alan Hart, Essence of the suppressed truth, idem. (retour)

(3): Idem. (retour)

(4): Alan Hart, Essence of the suppressed truth, http://www.alanhart.net/essence-of-the-suppressed-truth/#more-1585, consulté le 02-01-2014. (retour)

(5): Et les armes chimiques d’Israël, qu’est-ce qu’on en fait ?, http://actuwiki.fr/actu/33238/, consulté le 02-01-2014(retour)

(6): Henry Siegman défend la campagne Boycott Désinvestissement Sanctions, http://blogs.mediapart.fr/blog/di-leta/231213/henry-siegman-defend-la-campagne-boycott-desinvestissement-sanctions, consulté le 02-01-2014. (retour)

(7): Middle East Monitor, 28-12-2013, http://www.info-palestine.net/spip.php?article14294, consulté le 04-01-2014. (retour)

(8): Breaking the silence, http://www.breakingthesilence.org.il/ consulté le 04-01-2014. (retour)

(9): Joe Catron, Les pêcheurs de Gaza subissent une perte de 85 % de leurs revenus à cause du siège et des attaques d’Israël, 31-12-2013, http://www.info-palestine.net/spip.php?article14300, consulté le 04-01-2014. (retour)

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