GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Pourquoi Corbyn ?

Cher Henri (Weber), tu viens de nous dire en substance que ce qui vient d’arriver au Labour party ne peut arriver ici en France, parce qu’à la différence de la politique suivie par Tony Blair, le gouvernement français actuel ne conduit pas une politique d’austérité.

Si Jérémy Corbyn a gagné, « en dépit de son absence de charisme et alors qu’il est mauvais orateur », tu dis que c’est parce que le retour de balancier est d’autant plus profond que la politique droitière de Blair l’a été. Et selon la comparaison du Dr Philippe Marlière qui, depuis Londres,  dans Le Monde de ce soir, souligne que la victoire de Corbyn c’est la même chose que si, soutenu par D&S, je devenais le premier secrétaire du PS français, tu ajoutes que ça n’arrivera pas parce qu’il n’y aurait pas d’austérité en France et que je perdrais à cause de cela (mais je dois te remercier de préciser que, moi, je suis bon orateur et que j’ai du charisme !).

Mais Henri, 1,3 million de chômeurs de plus depuis juin 2012, c’est la plus terrible des austérités ! C’est une souffrance pour 3 à 4 millions de membres de leurs familles. C’est rien dans les assiettes, rien dans leur vie. Depuis que nous sommes au pouvoir, les inégalités se sont terriblement creusées et des millions de nos électeurs le ressentent cruellement. La moitié des 14 millions de retraités a moins de 1 000 euros. Ils regardent à la fois les riches et Pujadas à la télé, et ils savent que c’est un monde fermé pour eux. On n’a fait aucune loi pour empêcher ce voleur de Michel Combes d'encaisser 14 millions d’euros de primes, et qui va en recevoir autant, 14 autres millions de yellow golden dans la nouvelle boite où il entre, Numéricable. 14 millions ! Tout le monde l’entend, et on laisse faire ! On n’a même pas essayé de faire le début de la loi sur le salaire et revenu maxima. Qui croit une seconde qu’ils vont se réguler eux-mêmes ? La misère s’est accrue dans tous les domaines avec ce chômage. 9 millions de pauvres, et 6,1 millions de chômeurs au total ! Y’a pas d’austérité ?

Et les restrictions budgétaires ferment les espoirs de changement, il en est question encore pour 2016 : quand Manuel Valls enlève 9 à 11 milliards aux collectivités territoriales, ça fait des ravages, moins d’investissement, moins de travail, moins de protection, tout se resserre. Il suffit d’aller dans le Jura, j’en reviens, pour entendre parler des conséquences lourdes et concrètes dans la bouche de tous les élus, les maires, les conseillers, les associations étranglées partout, toutes leurs activités diminuées… Même notre candidate, en Franche-Comté–Bourgogne, a du mal à faire campagne : comment convaincre et gagner avec moins de moyens, en justifiant la baisse des budgets sauf pour les aides inconditionnelles aux entreprises ? Quand le gouvernement enlève 9 milliards au budget de la Sécurité  sociale, les conséquences dans les hôpitaux, les soins sont énormes aussi, suppression de postes, fermetures, alors qu’il faudrait embaucher partout. Quand il est enlevé 8 à 9 milliards au fonctionnement et aux fonctionnaires, alors qu’il faudrait faire de l’emploi public, ça se ressent dans tous les services. Les salaires sont gelés. L’activité tourne à 70 % des capacités productives parce que l’argent va aux banques et à l’économie casino au lieu d’aller à l’investissement et à la production. Les carnets de commande sont vides tandis que la politique de l’offre nous met dans la main des patrons qui encaissent puis licencient. C’est ça l’austérité et elle est terrible. On fait comme ce qu’a fait Blair ! Il vaudrait mieux faire du Jérémy Corbyn que de le dénigrer.

Alors on défend l’accueil des réfugiés, parfait, bravo, on mène une campagne idéologique nécessaire et courageuse, et on explique pourquoi cet accueil doit être fait. Bravo encore ! j’ai vu de bonnes émissions de télé sur l’histoire, depuis les réfugiés espagnols jusqu’à nos jours. Mais pendant qu’on attire l’attention de nos concitoyens sur ceux qui sont plus pauvres qu’eux…  on casse leur code du travail. Parce que c’est bien de cela dont il s’agit avec les rapports Combrexelle et Mettling. On trouve 77 000 logements pour « accueillir », bien, mais ils étaient où, avant ces logements ?

Jean-Christophe (Cambadélis) appelle à l’unité et tactiquement affirme qu’on ne fera pas de front républicain aux régionales avec l’UMPIR « à cause des valeurs ».

J’entends, Henri, que tu dis que le combat central doit porter sur « les valeurs » parce que « sur les questions économiques et sociales il ne peut pas y avoir d’accord avec nos partenaires de gauche ».

Mais ça, c’est incroyable, car sans résoudre les questions sociales, il n’y a pas de victoire possible. Ni aux régionales, ni en 2017. On ne remplacera pas le pain par des idées. C’est le pain, c’est ce qu’il y a dans les assiettes qui compte ! Nos électeurs veulent du bien-être concret, du boulot, du salaire, pas seulement de beaux discours sur la République et la morale. Ils se méfient des phrases. Elles sonnent creux pour eux. Ça ne sert à rien d‘appeler à « l’unité » sans changer la politique du gouvernement parce que ça ne peut tout simplement pas se faire.

Henri, même si tu avais raison contre moi sur l’austérité, ne serait-ce que parce qu'elle est plus modérée qu’en Grèce ou en Espagne ou du temps de Blair, peu importe après tout car ce qui compte c’est le ressenti, la « preuve du pudding » c’est comment il est mangé, nos électeurs ne votent plus pour nous parce qu’ils ne reçoivent rien de nous, sauf des coups comme les reculs des services publics, sur l’emploi, les retraites, les pensions, les salaires et maintenant, encore, le code du travail. Si nos partenaires s’assemblent contre nous et hors de nous, c’est pour cela : le fossé se creuse, entre nous et la base sociale de la gauche et la nôtre aussi !

Parce que ce n’est pas vrai que la France se droitise ! La droite gagne en perdant des voix ! Elle gagne en pourcentage mais pas en voix ! Nos électeurs ne vont pas du tout vers elle, ils s’abstiennent.

Nous avions tout, présidence, Assemblée, Sénat, villes, départements, régions, c’était une formidable poussée et une forte demande à gauche, il y a 3 ans a peine. Il n’y a pas eu renversement d’opinion, ce qu’il y a eu c’est un renversement de notre politique. Tu dis Henri, « on ne va pas  faire l’unité en abandonnant notre programme pour nous rallier à celui du front de gauche, d’ailleurs les électeurs ne plébiscitent pas le front de gauche ». C’est sûr, jusque là, le FDG ne gagne pas de voix, mais ne fais pas comme si c’était rassurant, car NOS électeurs socialistes, qui votent pour nous depuis des décennies, en effet, ne vont pas ailleurs, ils nous sont fidèles, ils ne vont pas à droite, ils ne vont pas au FDG surtout quand Mélenchon polémique contre nous, il ne les attire pas, mais ils s’abstiennent massivement et c’est ce qui nous fait battre depuis quatre élections. Et la prochaine…

Et puis quel est notre programme ? Ce choix soudain urgent de casser le code du travail ? Le contrat qui l’emporte que la loi ? Le corporatisme contre la République ? Ce n’est pas du tout une bonne "valeur" ça ! Le rapport Combrexelle ? Bien sûr que non ! Notre programme, on l’a tous voté en 2011 : c’était de « reconstruire le code du travail », pas de l’affaiblir ! D’où ça vient cette lubie anti-code du travail ? Rien ne la justifie, rien !

Ça sert à permettre à la riche Daimler-Smart, de surfer sur la dernière idée du gouvernement pour s’aligner sur le Medef en cassant les 35 h, en terrorisant les salariés sur leur emploi, pour leur faire accepter de renoncer à l’ordre public social, en faisant 39 h payées 37. Et les salariés résistent, 61 % des ouvriers ont voté contre même si les cadres ont voté pour ! Et Valls fait une conférence de presse pour abonder sur le fait qu’il faut assouplir le code pour le compte de ce genre de patrons cyniques et rapaces. Il défend « l’entreprise étendue » « ubérisée » du DRH d’Orange, Mettling, le réseau informel de prétendus indépendants non salariés, sans horaire ni salaire ni droits du travail. L’usine à gaz Combrexelle, est anti 35 h, illisible, mille fois plus que le Code du travail ! Le rapport Mettling repris par Valls, c’est l’offensive pas seulement contre les salaires mais contre les salariés ! Et tout cela, pour nous, c’est du suicide !

L’idée d’adapter le code du travail aux entreprises, c’est le contraire de ce qu’on a fait depuis 1906 et 1910 : car le progrès depuis un siècle c’est de forcer les entreprises à s’adapter au code du travail, aux droits des humains qui produisent.

Il faudra analyser, expliquer comment et pourquoi un grand parti comme le nôtre se suicide.

Comment et pourquoi à deux mois des élections, il annonce le chantier de la casse du code du travail ? Ce n’est pas notre programme ça ! Jamais ça ne l’a été ! Il y a peu, on défendait le contrôle des licenciements pas leur facilitation ! Il y a peu, on combattait la précarité on n’autorisait pas 3 CDD de suite pour les jeunes !

Alors au nom de la morale républicaine, en appeler aux Verts au FDG, etc, pour l’unité, en les mettant au pied du mur, ça ne fera surement pas l’unité, l’unité tant nécessaire de la gauche ! Les militants de gauche ne veulent pas être traités ainsi, ils nous tapent dessus, j’ai été immergé deux jours à la Fête de l’Humanité, et je ne parle pas là des dirigeants, j’ai parlé à plus de mille personnes, désespoir division, haine, tout va mal.

Cette unité, il la faut pourtant, sinon on perd tout, mais c’est comme si on faisait tout pour qu’elle ne se fasse pas ! Pour la faire, il faut ouvrir, il faut accepter de discuter justement notre programme, ne pas s’enfermer dans la ligne anti sociale actuelle ! Disons le, qu’on « ouvre », qu’on se met autour d’une table et qu’on va trouver une plate forme, quatre ou cinq points communs, réforme fiscale,  réforme bancaire, salaires, durée du travail, redistribution des richesses et alors ca se présentera mieux. Mais doublement mettre au pied du mur, nos partenaires, ne pas discuter, leur faire la leçon, et aggraver un cours anti social, c’est du suicide !

C’est bel et bien l’austérité qui nous met mal, Henri, et qui empêche l’unité demandée par la lettre de Jean-Christophe, et cela  quelque soit ta perception du sens de la victoire de Jeremy Corbyn, victoire dont je me réjouis !

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