Pour une Alternative socialiste
Pouria AMIRSHAHI (CN, 93)- Vincent ASSANTE (CN, 21) - Daniel ASSOULINE (CN, 75) - Philippe BAYOL (PF, 23)- François-Noël BERNARDI (CNC, 13)- Gérard BERTHIOT (PF, 51) - Nadine BOBENRIETH (CN, 58)- Jean-Louis CARRERE (Sén., 40)- Françoise CASTEX (Dep. Eur. 32), - Christiane CAUSSE (CNC, 09) - Jean-Jacques CHAVIGNE (CN, 80) - Pascal CHERKI (CN, 75) - Yann CROMBECQUE (CN, 69) - Paul CUTURELLO (CN, 06) - Jean DELOBEL (Dép., 59) - Stéphane DELPEYRAT (CN, 40) -Emir DENIZ (BN MJS)- Jean-Pierre DUFAU (Dép., 40) - Anne FERREIRA (Dép. eur., 02) - Jacques FLEURY (CN, 80) - Marc GAUCHE (CNCF, 81) - Jacques GENEREUX (CN, 75) - Julien GUERIN (BN MJS) - Jean-Pierre GODEFROY (Sén., 50) - Jean GUERARD (PF, 47) - Ariane GUILLERM (CN, 59) - Lîem HOANG-NGOC (CN, 75) - Mathieu HANOTIN (BN MJS) - Sylvie HOUSSIN (CNCF, 60) - Janine JARNAC (CN, 40) - Georges LABAZEE (CN, 64) - Philippe LABEYRIE (Sén., 40) - Renaud LAGRAVE (PF, 40) - Pierre LASCOMBES (CN, 32) - André LEJEUNE (Sén. 23) - Caroline LOMBARDI (CNCF, 76) - Georges MARTEL (CNC, 19) - Isabelle MARTIN (BN, 75) - Florence MARTIN-CORDERY (CNC, 94) - Jaïm MYARA (PF, 10) - Michel PANTHOU (CN, 03) - Germinal PEIRO (Dép., 24) - Salvador RODRIGUEZ (CN, 66) - Nicole SABBIOLS ( CNCF, 66) - Henri SICRE (Dép., 66) - Isabelle THOMAS (BN, 35) - Catherine TOUCHEFEU (CN, 44) - Michel VERGNIER (Dép., BN, 23) - Thibaud VIGUIER (CN, 60) - Geneviève WORTHAM (CN, 77) , premiers signataires.
Sommaire
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LE REJET DU NEO-LIBERALISME
1. LES IMPASSES LIBERALES
La mondialisation néo-libérale, un système au service des nouveaux rentiers
Impasse économique
Impasse sociale
Impasse écologique
2. LES IMPOSTURES DE LA DROITE
La régression sociale théorisée
Le modèle anglo-saxon en exemple : la fin des solidarités
Le libéralisme contre la République
Le libéralisme contre la démocratie
3. LE 29 MAI : UNE INSURRECTION TRANQUILLE
Le non ne crée pas la crise, il en est la conséquence
Un vote pro-européen
Un vote cohérent avec les résultats des précédentes consultations
Une dynamique positive du vote
Prendre appui sur le peuple français
DEUXIEME PARTIE : UNE ALTERNATIVE POUR L'EUROPE
1. POUR UNE EUROPE POLITIQUE
Le projet européen
La nouvelle Constitution
L'Europe puissance, ou le noyau dur de l'Europe politique
La répartition des compétences
2. POUR UNE EUROPE SOLIDAIRE DE LA CROISSANCE ET DE L'EMPLOI
3. POUR UNE EUROPE SOCIALE
TROISIEME PARTIE : UNE ALTERNATIVE POUR LA France
1. POUR LE PLEIN-EMPLOI
Une nouvelle alternative industrielle
Une politique novatrice en direction des petites entreprises et de la sous-traitance
L'économie sociale et solidaire
Les salaires et la réduction du temps de travail au service de l'emploi
Etablir un contrôle réel sur les licenciements abusifs et les licenciements boursiers :
Le droit du travail pour protéger les salariés
Instaurer de nouveaux droits syndicaux pour une véritable démocratie sociale
2. POUR L'EGALITE
L'autre réforme fiscale
Protection sociale : abroger les réformes libérales !
Rendre effectif le droit au logement
Prendre en compte les évolutions de la société
3. POUR LES SERVICES PUBLICS
.
4. POUR L'EDUCATION
Les libéraux veulent adapter l'école à la mondialisation marchande
Les fronts de la bataille progressiste pour l'éducation du 21e siècle
Relancer l'ascenseur social
5. POUR LA DEMOCRATIE
Le renforcement de la démocratie participative et de la démocratie directe
Vers la VIe République
Pour une immigration et une intégration concrète
Engager une réflexion sur les médias et la démocratie
6. POUR L'ECOLOGIE ET L'ENVIRONNEMENT
QUATRIEME PARTIE : CONSTRUIRE UNE MAJORITE DE GAUCHE, EN FRANCE ET EN EUROPE
1. POUR L'EUROPE SOCIALE, UNE MAJORITE DE GAUCHE !
Faire du Parti des socialistes européens un parti transnational
Elaborer une stratégie pour une majorité de gauche en Europe
2. POUR BATTRE LA DROITE ET GAGNER EN 2007 :
UN PARTI RENOVE, UN PARTI UNIFIE, UNE GAUCHE EN PHASE AVEC SES ELECTEURS
Un nouveau pacte majoritaire au parti socialiste
Rassembler la gauche
Introduction
La France souffre, la France est en crise
S'appuyant avec cynisme sur la réélection biaisée de Jacques Chirac, à laquelle nous avons participé sans réflexion suffisante après le traumatisme du 21 Avril 2002, la droite mène une politique dure et revancharde. Ignorant la résistance démocratique de notre peuple et sous prétexte d'adaptation nécessaire aux contraintes et conditions de la mondialisation, elle s'efforce d'imposer à notre pays une libéralisation forcée qu'elle souhaiterait irréversible.
Trois ans après le début de cette tentative de conversion aux normes du modèle anglo-saxon, les résultats sont catastrophiques.
Une fois encore, mais avec beaucoup plus d'ampleur que les fois précédentes, la politique « de l'offre » au service exclusif de l'argent, anti-sociale par nature, débouche sur un échec multiforme. Chute de la croissance, crise des finances publiques, chômage en forte hausse, délocalisations, salaires en baisse, précarisation et exclusion, baisse du pouvoir d'achat, augmentation des prix, des loyers, pénurie de logement social, déficit record de la sécurité sociale malgré l'augmentation de la participation demandée et la réduction des prestations, remise en cause du système de retraite, services publics démantelés, privatisations bouche-trous de l'énergie, droits sociaux tirés vers les standards minimaux, sacrifice de la recherche : tout va au plus mal. L'échec économique et la régression sociale s'affichent sur tous les tableaux.
Le reste ne va pas mieux. La culture subit le joug de la marchandisation, l'éducation nationale est délaissée. La sécurité, sujet important méritant une approche diversifiée, est doublement instrumentalisée : par l'ensemble de la droite pour occulter son échec global et par un homme pour promouvoir ses ambitions personnelles. La justice cherche ses marques dans un contexte délétère. L'intégration républicaine est en échec. L'égalité recule partout. L'émergence d'un communautarisme encouragé bouscule une laïcité menacée par le retour en force des intégrismes religieux. La république perd ses marques, la démocratie se délite.
L'inadaptation de nos institutions à bout de souffle n'est que la partie visible d'une régression profonde de notre démocratie qui se trouve en bute au retour d'un libéralisme politique intégral récusant, sans le dire, la souveraineté populaire au profit d'un régime oligarchique dans lequel le pouvoir se trouve confisqué au bénéfice exclusif de minorités privilégiées. Sur ce mouvement de fond, le mépris affiché par le président de la république face aux désaveux successifs du suffrage universel agit comme le révélateur d'un sentiment plus largement partagé. L'écart se creuse entre le peuple et ses dirigeants. Et de ce point de vue, force est de constater que le vote du 29 Mai résonne comme un ultime avertissement. Le refus de voir dans ce vote un rejet profond de l'orientation libérale de l'Europe, que l'électorat n'a pas dissocié, à juste titre, de l'orientation de notre politique nationale, est plus que préoccupant.
A l'échec économique, à la régression sociale se superpose donc une crise politique à laquelle la droite répond par la provocation. Le coupable ne serait ni la somme de ses incompétences, ni celle de ses erreurs mais tout simplement « le modèle social français » ! Perdue pour perdue, cette majorité conservatrice persiste, signe, et fonce, expliquant, par la voie de la présidente du MEDEF, que « la liberté s'arrête là où commence le code du travail », pendant que le premier ministre réinvente le contrat journalier en lieu et place du C.D.I.
Face au démantèlement du compromis social auquel ils restent attachés, confrontés au mépris des principes élémentaires du pacte citoyen, nos compatriotes ont perdu confiance. Conscient de ses échecs et de ses travers, ils rejettent majoritairement un libéralisme que la droite elle-même a cru devoir stigmatiser pendant la campagne référendaire pour essayer de sauver les meubles. Les valeurs de ce système inégalitaire et cynique ne sont pas les leurs. Mais ne percevant pas pour autant ce que serait une véritable alternative, ils en viennent à douter de tout. Des millions de femmes et d'hommes craignent pour leur présent et leur avenir. Et la jeunesse de notre pays bascule dans le pessimisme. Ce pessimisme qui constitue le terreau d'excellence sur lequel se développent les tentations de l'extrémisme et de l'aventurisme.
Là est le danger. Ne pas laisser perdurer cette situation est un devoir impératif.
C'est la raison pour laquelle, par delà toute autre considération, les socialistes doivent consacrer tous leurs efforts à une double tâche : mener dans l'immédiat une opposition franche et résolue et proposer une alternative pour l'avenir.
Certes, le vote du 29 Mai a troublé nos rangs. La Constitution européenne nous a divisés et le choix du parti a été désavoué par une nette majorité de français, mais aussi, ce qui est plus préoccupant par plus des deux tiers de l'électorat de gauche. L'ignorer serait une lourde faute. Mais rien ne serait pire que de se complaire dans des règlements de comptes totalement déconnectés de la réalité. Car nous ne réglerons pas le problème de cette distorsion en nous refermant sur nous même ou en cherchant dans le parti une revanche sur notre base électorale. Ce n'est pas ce qu'attendent de nous ceux qui ont voté Non comme beaucoup de celles et ceux qui ont voté Oui.
Ils attendent de nous, au contraire, que nous nous mobilisions et que nous mobilisions un maximum de forces politiques et sociales contre les provocations liquidatrices d'un gouvernement de fin de règne. Pour garder un espoir, des millions de salariés victimes de chantage au salaire ou menacés dans leur emploi et leurs conditions de travail aspirent à l'apparition d'une dynamique de résistance. Et ce, dès la rentrée de septembre où le PS, par une initiative forte et visible doit montrer que, pendant le congrès, les socialistes restent d'abord à l'écoute et au service des autres.
Ils attendent aussi et surtout que nous trouvions en nous même la capacité de leur proposer une alternative conforme à nos valeurs et à leurs espérances.
Et sur ce sujet, soyons francs avec nous même. Ce ne sont ni les idées ni les propositions qui font défaut : c'est la clarté et la sélection des choix. C'est la conformité de ces choix avec les valeurs qui sont les nôtres et qui correspondent, parce qu'elles en sont issues pour l'essentiel, aux attentes de notre base sociale. Dans cette perspective, le vote du 29 mai constitue une indication majeure, un socle sur lequel nous devons prendre appui et auquel nous devons fournir un débouché politique. Il n'a été ni le vote de la peur, ni celui de l'amertume. Encore moins celui de la résignation ou du renoncement. Il a été au contraire l'occasion d'une mobilisation citoyenne exceptionnelle, d'une réappropriation de la politique par le peuple qui porte en elle l'exigence forte d'une véritable alternative pour l'Europe comme pour la France. L'ignorer serait prendre le risque d'une fracture difficile à réduire. A la différence du 21 avril, le 29 mai ne doit pas être sans conséquences.
Nous connaissons tous les contraintes de la gestion. Mais il ne faut pas renoncer à suivre son chemin sous prétexte qu'il est semé d'embûches : il n'existe pas d'avancées sans obstacle, de progrès sans peine. Les français n'attendent de nous ni grand soir ni miracle, mais ils veulent connaître et ont le droit de savoir le cap que nous allons choisir et vers lequel nous prétendons les embarquer. Ce cap ne peut être ni celui du libéralisme, avec la logique duquel il ne faut pas craindre d'opérer certaines ruptures. Pas d'avantage celui de son faux jumeau, le social libéralisme, fusse-t-il empaqueté de trois couches de pseudo modernité. Les français attendent de nous, qu'en Europe comme en France, nous nous inscrivions dans l'héritage des valeurs humanistes qui sont la marque de notre histoire et de notre civilisation. Face aux dégâts sociaux du libéralisme et de la mondialisation anglo-saxonne dominée par le néo-conservatisme Nord-Américain, qui pousse à la guerre et à l'affrontement « civilisationnel », ils aspirent à la paix, à la justice, à la solidarité d'une société ou chacun ait sa place, au progrès partagé, à la démocratie. Ils n'acceptent ni les inégalités incompatibles avec la dignité, ni la violence d'une société gouvernée par la compétition sans limites de tous contre tous. L'argent n'est pas leur valeur cardinale et le bonheur pour le plus grand nombre reste leur horizon.
Nos compatriotes attendent enfin de nous, car nous avons sur le sujet une responsabilité majeure, que nous soyons capable de créer les conditions de l'union de toute la gauche sans laquelle toute perspective de victoire restera interdite. Union sans exclusive préalable qui doit permettre d'engager sur un programme de législature, toutes les organisations qui le souhaitent, sur la base d'un accord élaboré en commun à partir de leurs propositions respectives. Là encore, évitons les faux semblants : le choix n'est pas entre le « patriotisme de parti » et le « suivisme », ceux qui cultivent leur moi et ceux qui sont à la remorque des autres. Il n'y a que ceux qui veulent aller à la victoire et ceux qui nourrissent de vieilles rancunes ou cultiveraient volontiers d'autres proximités. S'interroger sur la pertinence des alliances, c'est douter, quelque part, de la clarté de l'objectif. Pour notre part, nous n'avons pas d'adversaires à gauche. Nous savons ou nous voulons allons aller : plus loin et plus haut, sachant qu'il n'y a rien au dessus de l'être humain, seul habilité à façonner son destin.
Au lendemain du congrès du Mans, que nous aurions préféré voir s'engager dans des conditions moins précipitées et plus sereines, mais auquel nous ne nous déroberons pas, le changement doit être au rendez-vous et le Parti en ordre de bataille. Déjà abandonné par ses propres concepteurs, le « réformisme de gauche » doit laisser place à une orientation clairement de gauche et à une direction qui la porte sans arrières pensées.
Pendant des années, nous avons vainement alerté le parti sur les risques de certaines dérives et de renoncements non assumés qui sont à l'origine du 21 Avril et du 29 Mai. C'est pourquoi nous appelons de nos vœux une majorité nouvelle dont nous serons la garantie d'un véritable changement d'orientation dans la suite de la démarche unitaire que nous avons engagé le 18 juin. Plus forte sera cette garantie, plus assuré sera le chemin.
Les français ne comprendraient pas que notre parti reste sourd et indifférent, comme la droite, aux événements qui secouent notre vie politique et que tout continue, comme si rien ne s'était passé. A nous toutes et tous de le comprendre et de ne pas les décevoir.
PREMIERE PARTIE : LE REJET DU NEO-LIBERALISME
Il n'y a pas de mondialisation heureuse, en effet la mondialisation libérale n'est pas un phénomène naturel contre lequel on ne peut rien. Elle est issue de choix politiques et sociaux qui ne prennent pas en considération le progrès économique et social.
Heureusement, le rejet du néo-libéralisme lors du vote du 29 mai permet de stopper une spirale de renoncements qui doit nous encourager à résoudre la seule question qui permette de lui donner un débouché politique : comment chasser la droite ?
1. LES IMPASSES LIBERALES
La mondialisation néo-libérale, un système au service des nouveaux rentiers
La mondialisation libérale est la résultante de la victoire politique du néolibéralisme qui, depuis les années 80, tend à soumettre toute activité humaine à la seule exigence de profitabilité du capital. Prenant appui sur le déficit organisé de la crédibilité de l'État et l'affaiblissement du mouvement social engendrés par la crise et la montée du chômage, galvanisée par l'effondrement du communisme, la droite libérale dominant les gouvernements occidentaux a procédé à une dévalorisation continue de l'action publique, à une dérégulation systématique des marchés.
En vingt ans ce sont les actionnaires qui ont pris le pouvoir dans les entreprises et imposent leur point de vue. La financiarisation de l'économie croissant ils mettent à profit des marchés dérégulés pour augmenter leur taux de profit au détriment de la rémunération du travail.
En moins d'une décennie, nous sommes passés d'un monde encadré par des institutions, ordonnées par des lois, à la jungle marchande et au désordre libéral. La culture de compétition généralisée détruit peu à peu tous les liens et tous les droits qui assuraient la dignité des personnes et la cohésion sociale. La compétitivité exige la baisse des prélèvements fiscaux et sociaux et donc le démantèlement progressif de la protection sociale, le recul des investissements publics dans l'éducation, le logement, les équipements collectifs. L'inégalité progresse alors et la violence monte.
Dans le même mouvement, les compromis politiques et sociaux nécessaires entre « individu » et « collectivité », entre « intérêt particulier » et « intérêt général » ont été largement rompu au bénéfice de la sphère privée, privant de sens l'avenir commun et d'autorité la règle commune.
Enfin dans l'aveuglement de la maximisation des profits, le pillage croissant des ressources de la planète est un élément totalement incontrôlé qui nous mène à une situation où l'avenir même de l'espèce humaine est remis en question.
Le développement de ce système nous a inexorablement menés à des impasses économiques, sociales et écologiques.
Impasse économique
En France la restauration des profits et des taux d'épargne ne coïncide pas avec la courbe des taux d'investissement, qui épouse une tendance baissière au cours de ces quinze dernières années. La France est en train de « rater le train » des innovations technologiques, et donc celui de la compétitivité. Les investissements technologiques représentent 15 % des investissements totaux contre 45 % aux Etats-Unis. A devenir plus royaliste que le roi, plus dogmatiques que les libéraux, les élites françaises ont fini par brader en bourse les joyaux de la couronne. Les politiques libérales ont déjà dessaisi peu à peu les politiques publiques des instruments d'action sur la production et le partage du gâteau économique tout en faisant du développement de l'emploi « non qualifié » (encouragés à coup de contrats aidés et de « baisses de charges ») le seul véritable objectif des choix publics de politique industrielle !
Outre l'investissement, les deux autres moteurs de la croissance sont en panne. La consommation est en passe de se retourner, en raison de la poursuite de la baisse du pouvoir d'achat de l'immense majorité des ménages à bas revenus. Cette perte de pouvoir d'achat est certes due à la poursuite de la modération salariale et à l'ajustement à la baisse de la masse salariale, observable dans les plans sociaux qui se multiplient. Elle est peu visible dans les chiffres qui ne tiennent pas compte de l'alternance des situations d'emploi et de chômage liée à la montée de la précarité, des « réformes » de financement de la protection sociale ponctionnant les ménages via la CSG et allégeant les « charges des entreprises ». Si l'on ajoute à cela la crise du logement qui réduit la part du revenu qui reste pour vivre, on comprend mieux que la perte de pouvoir d'achat ressentie n'apparaisse pas toujours dans les chiffres officiels.
La surévaluation encore importante de l'euro face au dollar déprime les exportations, second moteur de la reprise des années 1997-2001. Elle aggrave le caractère dépressif de la conjoncture, frisant la récession en 2003. Elle pousse de surcroît les entreprises à entretenir la modération salariale pour préserver leur compétitivité-prix à l'exportation, mais aussi sur le marché intérieur où elles sont concurrencées par des biens étrangers rendus moins onéreux par l'euro fort.
Nombreux sont les gouvernements qui souhaiteraient une révision de la parité de l'euro à la baisse. Outre le maniement des réserves de change, celle-ci dépend, dans un univers de parfaite mobilité du capital, des différentiels de taux d'intérêt à court terme européen et américain. Ceci est un argument supplémentaire qui justifie la mise sous contrôle politique des décisions de la BCE. Le maintien d'un assouplissement monétaire est d'autant plus nécessaire qu'une baisse des taux est la condition nécessaire d'un allègement des charges de la dette publique, qui s'accroît substantiellement et profite aux rentiers lorsque les déficits sont financés par émission de titres.
Enfin, les réformes libérales, faisant la promotion des fonds de pension et de l'allègement de la fiscalité des classes aisées, ne sont pas étrangères à la constitution d'une épargne excessive qui devient inutile si elle se substitue à la consommation et ne finance aucun investissement. Le gouvernement en a tellement conscience qu'il a élaboré au début de l'été 2004 un projet de loi « de relance de la consommation » visant notamment à encourager la démobilisation de l'épargne, au moment même où il promouvait les plans épargne retraite ... Alors que les baisses d'impôts visent traditionnellement à stimuler « l'offre », il était piquant d'entendre le gouvernement Raffarin justifier la baisse des impôts par la nécessité de soutenir... la demande (en l'occurrence, la consommation des classes riches, celles qui paient l'impôt sur le revenu).
Malheureusement, les classes riches ne sont pas celles dont la propension à consommer est la plus forte (en raison de la saturation relative de leurs besoins). Elles ont au contraire la « propension à épargner » la plus forte... Les baisses d'impôts de 2001, 2002, 2003 et 2004 ont donc continué à alimenter l'épargne et n'avaient évidemment aucune chance de soutenir la consommation populaire, plombée par la modération salariale, les plans sociaux et l'augmentation des prélèvements indirects. La promesse faite en février 2005 par Hervé Gaymard, le remplaçant éphémère de Nicolas Sarkozy à Bercy, de conditionner de nouvelles baisses d'impôt sur le revenu à une croissance de 3 % (en procédant par réduction du nombre de tranches d'imposition) résonnait comme un aveu : les baisses d'impôt ne servent pas à soutenir la croissance, mais sont des cadeaux fiscaux autorisés, si par miracle la croissance est au rendez-vous ! Las, lors de son investiture Dominique de Villepin ne pouvait qu'annoncer une pause dans les baisses d'impôts prévues ainsi que de nouvelles privatisations pour renflouer les caisses vidées.
En trois ans, depuis le retour de la droite, la dette publique se sera accrue de 10 %, aucunement parce que l'Etat a trop dépensé, mais au contraire parce que la baisse des dépenses publiques réalisée pour baisser les impôts des classes aisées n'a pas soutenu la croissance. Incapable de respecter le critère de 3 % de déficit budgétaire malgré son attachement déclaré à l'orthodoxe budgétaire, le couple franco-allemand a dû provoquer en novembre 2003 la crise du pacte de stabilité. La droite a immédiatement gaspillé les marges de manœuvre ainsi libérées en persévérant dans la « baisse des impôts et des charges ». Sa politique a donc vidé les caisses parce qu'une croissance en berne réduit mécaniquement les rentrées fiscales et parce qu'elle a privé le budget de recettes auparavant prélevées par l'impôt progressif sur des catégories sociales fortement contributrices.
Impasse sociale
Les politiques économiques libérales sont incapables d'assurer un taux d'investissement engendrant le plein-emploi. Au théorème Schmidt « Les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après demain », vantant en 1983 la vertu des politiques « d'offre », il est possible, à l'issue de cette période, d'opposer le paradoxe Schmidt : « Les profits d'avant-hier furent l'épargne d'hier et le chômage d'aujourd'hui ».
Les politiques libérales pratiquées en Europe en application du théorème Schmidt ont restauré le pouvoir de la rente au détriment de la production. La désindustrialisation, liée à la crise de l'investissement, est la véritable cause du chômage. Contrairement à la thèse libérale, le chômage n'est aucunement dû aux rigidités du « modèle social français », largement détricoté aujourd'hui. Les inégalités et la précarisation explosent, amplifiées par les « réformes » fossoyeuses de l'Etat Social. La part remboursable par le régime obligatoire de la sécurité sociale ne cesse de reculer au bénéfice des couvertures complémentaires privées. Son financement pèse de plus en plus sur les ménages. La réforme du régime de retraite par répartition a entamé le principe de la solidarité intergénérationnelle et introduit de la capitalisation individualiste aux effets particulièrement incertains. L'ascenseur social est en panne. Un signal tient dans ce que les générations antérieures étaient certaines de voir leurs progénitures bénéficier du progrès social et d'une situation qui devienne meilleure que la leur. Les nouvelles générations n'en sont plus assurées. Elles subissent l'angoisse de ne pouvoir se loger et conserver leur emploi, si ce n'est de ne pouvoir accéder à un emploi stable, source d'intégration sociale et de revenus.
Impasse écologique
Tsunami, insécurité alimentaire, réchauffement de la planète, crise de la vache folle,... difficile de nier la crise écologique qui frappe notre planète. La prise de conscience du problème a certes progressé ces dernières années : apparition du concept de développement durable en 1987, sommet de la Terre à Rio en 1992. Mais il faut se rendre à l'évidence : les résultats ne sont pas au rendez-vous. De véritables poubelles flottantes continuent de polluer les côtes tandis que les émissions de gaz à effet de serre continuent de croître. Et cette crise menace de s'amplifier : si les pays en développement atteignent notre niveau de développement avec le même mode de production, il nous faudra demain plusieurs planètes Terre pour satisfaire nos besoins.
Dès lors, on ne peut répondre à la crise écologique sans remettre en cause la logique du mode de développement actuel qui en est la racine. Ici comme ailleurs, les libéraux tentent de nous imposer leurs solutions. Par exemple, la création d'un marché des droits à polluer, proposée par les Etats-Unis et reprise par la Commission Européenne, nous est vendue comme la panacée pour combattre l'effet de serre. Et pourtant. Une telle « solution » conduirait inévitablement à la concentration des droits à polluer aux mains des pays riches et des grandes entreprises polluantes, monopole empêchant pour l'avenir tout développement des autres pays et de solutions techniques moins polluantes par d'autres entreprises. Le marché ainsi créé serait en outre quasiment impossible à remettre en cause !
La préservation de l'environnement n'est pas compatible avec le marché dérégulé, la primauté du profit, le dessaisissement des citoyens. Au contraire, seule une action déterminée de régulation de la sphère marchande et de renforcement de la sphère publique sera à même de faire reculer la crise écologique. Pour nous, socialisme et écologie sont donc les deux facettes d'un même combat : celui du développement durable et humain.
Malgré son échec avéré, la droite prétexte que la relance de la croissance passe par l'allongement de la durée du travail et que la lutte contre le chômage nécessite de nouvelles déréglementations du marché du travail qui finiront par s'avérer mortelles pour le code du travail. Ses réponses aux questions écologiques se réduisent à des incantations fondées sur les responsabilités individuelles déchargeant de fait l'action publique de son rôle régulateur.
Aux impasses du libéralisme la droite oppose davantage de libéralisme.
2. LES IMPOSTURES DE LA DROITE
Consciente qu'elle ne peut assumer publiquement ses véritables objectifs, la droite est contrainte d'habiller ses réformes néo-libérales en faisant référence à des valeurs acceptables par la majorité de la population.
Il convient d'abord de lever ces ambiguïtés : nous n'avons pas les mêmes valeurs, la gauche et la droite ce n'est pas la même chose. Contrairement à ce qu'affirme Tony Blair, une politique économique n'est pas seulement bonne ou mauvaise, elle est au service du travail ou du capital.
Ce préalable permet d'identifier clairement ceux qui sont porteurs de la politique massivement rejetée par la population française et qui s'emploient, à travers des querelles de personnes, à donner l'illusion qu'une alternance est possible au sein même de la droite.
La régression sociale théorisée
La droite souhaite poursuivre l'œuvre de précarisation du salariat qu'elle a entreprise depuis 2002 au nom d'une prétendue volonté « d'allègement des procédures inutiles et des charges excessives » (suppression des emplois jeunes, réduction des contrats aidés, remise en cause des 35 heures, suppression des articles de la loi de modernisation sociale concernant les licenciements économiques, réforme de l'allocation spécifique de solidarité)... Le « contrat nouvelle embauche » est le dernier épisode de cette politique présentée cyniquement comme devant permettre aux chefs d'entreprises de ne pas « aller devant les prud'hommes en cas d'évolution du marché ou si le salarié n'a pas le profil ».
Ce démantèlement du Code du travail est devenu une obsession nouvelle dans les politiques de la droite et du patronat. Finies les anciennes périodes de négociation, de « contrat de progrès », et même d'attachement au contrat : ils ne veulent plus que des négociations gré à gré, individuelles, plus de conventions collectives. Cette politique a déjà été largement engagée, par exemple avec la loi Fillon qui organise un début de renversement de la hiérarchie des normes en donnant la priorité aux accords d'entreprises sur les accords de branches et interprofessionnels.
Au nom d'une adaptation de notre économie - comme de celles de tous nos partenaires de l'Union européenne - aux exigences de la mondialisation libérale qui ne supporte plus les entraves à la croissance du profit imposées par des législations sociales, la droite se fixe pour objectif de transformer les rapports sociaux en rapports individuels permettant aux entreprises d'imposer leurs conditions aux salariés. Le travailleur isolé, mis en situation d'extrême faiblesse par des taux de chômage records, est un travailleur fragilisé auquel on peut essayer de tout imposer, y compris l'inacceptable, comme l'a montré la récente multiplication des délocalisations d'entreprises et d'emplois. Il suffit de rappeler ce qui se cache derrière les appels au dialogue entre les partenaires sociaux : seulement 20% des entreprises disposent d'un délégué syndical (10% dans les entreprises entre 10 et 49 salariés) et 28% de celles qui comptent entre 11 et 49 salariés possèdent des Délégués du Personnel.
La droite veut aller encore plus loin, en ouvrant la voie au moins disant social afin de défendre encore mieux les intérêts du patronat désireux de disposer d'une main d'œuvre formée, flexible et adaptable.
Parallèlement aux rapports Virville, du MEDEF, de l'OCDE, une cellule de réflexion dirigée par Michel Camdessus a été mise en place par le gouvernement, dont le but est de proposer une politique visant à surmonter « les freins à la croissance économique ». En octobre dernier, le rapport Camdessus a exposé les termes de la reprise économique. L'idée essentielle de ce texte est que les salariés français doivent travailler plus et plus longtemps («Depuis vingt ans, la totalité de notre écart de croissance par rapport au Royaume-Uni et aux Etats-Unis correspond à la différence d'évolution des heures travaillées »). Le président de l'UMP - pour qui ce rapport « réhabilite le travail » - s'est fait l'écho de cette préoccupation : « La France qui travaille doit être encouragée, récompensée, remerciée, montrée en exemple. Le nivellement, l'assistanat, l'égalitarisme, ne font pas partie de notre corpus de valeurs. »
Suivant la même logique, la droite oppose la valeur « travail » à la revalorisation des salaires. La politique salariale préconisée par la droite est celle de la baisse du pouvoir d'achat des salariés au seul bénéfice de la recherche du profit maximum. Alors que la revalorisation des bas salaires, mais aussi des salaires « moyens » du public et du privé, permettrait de relancer l'économie, la droite privilégie la dégradation salariale et le recours à la flexibilité.
Ils nous dressent un tableau d'une France « sur le déclin » alors qu'elle n'a jamais été aussi riche : les entreprises du CAC 40 ont battu tous les records de profit en 2003 et 2004, plus de 57 milliards d'euros dans la seule année 2004. Jamais la « cagnotte privée » n'a été aussi considérable. Jamais les fortunes privées n'ont été si nombreuses et n'ont atteint de tels seuils. 5% de la population possède près de 50 % du patrimoine alors qu'à l'autre extrémité de l'échelle, 10 % possèdent moins de 1 %.
Le modèle anglo-saxon en exemple : la fin des solidarités
La droite entend poursuivre son œuvre de démantèlement de la solidarité nationale au nom d'une prétendue « réforme de l'Etat ». Cela signifie la disparition des services publics, une régression de la protection sociale et de nombreux transferts de cotisations sociales s'accompagnant d'une décentralisation fiscale inégalitaire et d'une baisse inique de l'impôt républicain sur les fortunes et sur la valeur ajoutée des entreprises.
Le gouvernement, l'UMP (et ses alliés centristes) participent sans relâche au démantèlement de la puissance publique par les politiques de privatisation. Après France Télécom, le dernier exemple en date est celui d'EDF-GDF dont le changement de statut ne se réduit pas, comme on a pu le prétendre, à une simple « mesure technique justifiée par la nécessité de doter cette entreprise de ressources financières nouvelles nécessaires à son développement. » En fait, il faut replacer cette privatisation dans le contexte de la libéralisation du secteur de l'énergie mis en œuvre par les libéraux au niveau continental sur le modèle de ce qui a été initié en Grande-Bretagne. Loin de favoriser l'émergence de nouveaux acteurs industriels ou commerciaux, et donc la création d'emplois et de richesses nouvelles, ce mouvement a au contraire conduit à une concentration d'oligopoles privés, à la suppression de plusieurs centaines de milliers d'emplois et à la faillite d'entreprises attirées par la « bulle énergétique ».
L'accès à l'énergie est un droit fondamental qui, comme tout droit, ne peut être transformé en marchandise pour satisfaire des besoins privés au détriment de l'intérêt général, de la solidarité et de la sécurité dont il faut mesurer les enjeux, notamment dans un pays qui a fait le choix du nucléaire. L'électricité et le gaz sont des biens publics. La contribution économique de chacun des utilisateurs (usager domestique, TPE, PME, grande industrie) de ce bien public ne peut être laissée à l'appréciation du marché. De surcroît, seule la maîtrise des entreprises industrielles de l'énergie permet de répondre aux défis environnementaux et technologiques auxquels nous devons faire face. Deux milliards d'individus n'ont pas aujourd'hui accès à l'électricité : l'augmentation des besoins humains en matière de consommation mondiale d'électricité est donc incontournable. L'épuisement des ressources en combustibles fossiles, la gestion des déchets nucléaires, la sécurité industrielle, les impacts climatiques et environnementaux de l'activité de ce secteur industriel vont nécessiter des investissements importants dans les moyens de recherche en maîtrise de l'énergie et en énergies renouvelables, dans la qualification des salariés, dans le niveau de leurs garanties collectives. La question posée n'est donc pas d'organiser des marchés financiers autour de permis d'émission ou de certificats d'économie d'énergie mais bien d'être en capacité de définir les choix technologiques à opérer pour rationaliser l'emploi des ressources naturelles et augmenter l'efficacité énergétique de l'ensemble de la chaîne : de la production à l'utilisation domestique ou industrielle. Face à ces enjeux planétaires et de long terme le secteur public est le seul à pouvoir garantir l'intérêt général et une efficacité de long terme.
Après avoir privatisé la politique industrielle la droite s'est attelée à la privatisation de la protection sociale et des mutuelles. Elle a réduit la part remboursable du régime obligatoire d'assurance maladie dont le financement pèse toujours plus sur les ménages et sur les mutuelles. Elle s'est attaquée au système de retraites par répartition et a introduit les fonds de pension.
Elle s'est attaquée à l'impôt, instrument essentiel de la solidarité nationale, en réduisant encore la redistributivité de l'impôt sur le revenu en allégeant l'ISF et les droits de succession. Elle a offert de nombreux cadeaux fiscaux aux classes à haut revenu. Ces mesures n'ont pas eu l'efficacité économique annoncée. Elles ont creusé le déficit public.
En réduisant la fiscalité des impatriés (cadres résidants étrangers) la droite a introduit une sorte de principe de « pays d'origine » en matière fiscale.
Enfin, la « décentralisation libérale de l'Etat », qui se manifeste par une réduction des dépenses et des impôts dans le budget national, aboutit à de nombreux transferts de charges aux régions, aux départements et autres collectivités locales sans les accompagner des financements appropriés. C'est cette logique mise en œuvre par Margaret Thatcher qui avait abouti à la création de la « poll-tax », sorte de nouvel impôt local détruisant la solidarité nationale parce qu'il en accroît la fiscalité pesant sur les localités les plus déshéritées en allégeant celle des localités appartenant aux régions les plus riches.
La réponse de la droite à l'ensemble des problèmes de la société française se réduit à une volonté de faire accepter aux Français le modèle libéral anglo-saxon où l'individualisation des rapports sociaux va de pair avec la fragilisation des salariés favorisant soit les délocalisations massives des emplois, soit une pression constante à la baisse sur les salaires - l'apparition des « travailleurs pauvres » - afin d'augmenter les profits des entreprises.
Le libéralisme contre la République
Toujours dans le même souci d'importer en France le modèle anglo-saxon, l'actuel président de l'UMP favorise le communautarisme de la société contraire à la laïcité qui est le cadre philosophique et juridique qui permet de vivre ensemble, dans le respect de la liberté de conscience, dans une même communauté de valeurs. L'UMP ne cache plus sa volonté de redéfinir, à la mode libérale, la laïcité, c'est-à-dire à favoriser la juxtaposition des « communautés » en insistant sur ce qui sépare, plutôt que sur ce qui peut rassembler les citoyens. La ficelle est un peu grosse : « il faudrait une laïcité plus tolérante », en réalité envers le communautarisme !
Il s'agit là d'une question majeure car la laïcité n'est pas un principe neutre. Elle implique une conception de la société, de l'espace public mais aussi du citoyen comme individu autonome, c'est-à-dire capable de s'abstraire de tous les déterminismes qui l'ont « constitué », capable de s'émanciper, ce qui est en radicale opposition avec la vision libérale et compartimentée de l'être humain. La laïcité reste en France mais aussi en Europe, contrairement à ce qu'on nous raconte, une idée neuve porteuse d'émancipation et une valeur forte des socialistes. C'est bien l'Europe des Lumières et de la liberté qui se construit contre les schémas obscurantistes véhiculés par les intégrismes plus ou moins assumés. Nous devons veiller au maintien de la neutralité et de la tolérance en matière de liberté de conscience, de la part de l'Etat comme de l'Union européenne. La constitutionnalisation de la laïcité en France est un point d'appui des exigences que nous devons porter au niveau européen.
Dans le même temps la droite développe un discours sécuritaire - c'est-à-dire exclusivement répressif - en oubliant bien évidemment que la principale insécurité aujourd'hui est d'abord sociale. Elle préfère ostensiblement un état pénal à un état social.La désespérance, le sentiment de ne pas avoir d'avenir, sont la cause de ruptures, de refus des règles, que nous ne pouvons bien évidemment pas accepter, mais que nous ne résoudrons pas non plus par une agitation sécuritaire médiatique, démagogique. La sécurité est une question globale dont les composantes sociales ne peuvent être ignorées. De la même façon qu'elle nous explique que les droits sociaux sont contraires à l'efficacité économique, à la croissance et à l'emploi, la droite veut nous convaincre que les libertés fondamentales, l'état de droit, sont incompatibles avec la sécurité. Et ce d'autant plus qu'aux gesticulations sur ce thème s'ajoutent des amalgames avec la question de l'immigration.
Le libéralisme contre la démocratie
Pour mettre en place sa politique de casse sociale et de remise en cause des fondements républicains de notre société, la droite néo-libérale a dû s'en prendre au fondement même de notre société démocratique : le suffrage universel.
Le libéralisme se caractérise en effet par une méfiance absolue dans la capacité d'une société à s'en remettre au vote populaire pour définir un certain nombre choix politiques. Considérant que le monde est trop « complexe » pour un électorat jugé pas assez « informé », mû par des « peurs irrationnelles » et trop « corporatiste », les néo-libéraux, renouant en cela avec leurs positions originelles, souhaitent transférer toute une partie de la souveraineté vers des organismes jugés plus « compétents », c'est-à-dire constitués « d'experts » dévoués aux intérêts de la mondialisation capitaliste. Les motivations d'une telle attitude sont évidentes : pour remettre en cause le compromis social mis en place dans les sociétés occidentales au lendemain de la seconde guerre mondiale il faut contourner les résistances populaires, imposer une « gouvernance » des élites censée être la seule capable de prendre la juste mesure des enjeux de la période dans laquelle nous vivons.
Pour justifier ces choix éminemment politiques une vaste campagne idéologique a été entreprise. Elle passe notamment par une volonté de décrédibiliser l'aspiration du plus grand nombre à plus de justice et d'égalité en la caractérisant systématiquement de « populiste ». Le populisme, pour les néo-libéraux, ce n'est plus le renoncement par le peuple de l'exercice de sa souveraineté pour en assurer le transfert vers un dictateur se présentant comme un « homme providentiel », mais l'expression même de la volonté majoritaire fondant le pacte social légitimant la loi. Une telle attitude dénote, en outre, d'une grande irresponsabilité. En effet, en assimilant toute revendication populaire au populisme on prend le risque d'alimenter un véritable populisme que nous connaissons bien.
En fait ce dont il s'agit c'est bien de dessaisir les peuples de leur droit à choisir entre différentes politiques économiques et sociales, pour imposer celles qu'exige la mise en place d'un monde globalisé au service des seuls intérêts particuliers des actionnaires.
Cette politique est aujourd'hui largement engagée et s'exprime à toutes les échelles :
A l'échelle mondiale par la véritable dictature imposée par les grands organismes internationaux (OMC, FMI, Banque mondiale, etc.) - dont aucun membre n'a jamais été élu - sur les politiques économiques et sociales des gouvernements démocratiquement désignés. A l'inverse, ils contrecarrent l'action d'organismes existants comme l'OIT ou l'OMS.
A l'échelle européenne, où jusqu'à aujourd'hui la « supranationalité » a essentiellement consisté à transférer le pouvoir de décision d'institutions élues vers des organismes qui ne le sont pas. Cela est particulièrement évident dans le domaine essentiel de la monnaie, aujourd'hui placé sous la seule responsabilité d'une Banque centrale européenne indépendante qui impose ses choix aux membres de l'Union. C'est exactement dans cette logique que se situait le TCE, et notamment son célèbre titre III, rejeté le 29 mai dernier.
A l'échelle nationale où nous voyons se multiplier les « commissions indépendantes » et « groupes d'experts » dont le pouvoir n'a cessé de grandir au détriment des institutions de la démocratie et en premier lieu du Parlement.
Le devoir des socialistes est de prendre la juste mesure de cette situation et d'être porteurs d'une véritable renaissance démocratique indispensable au combat contre la mondialisation libérale et ses conséquences.
A l'inverse, nous devons comprendre que la France, quatrième puissance économique du Monde, pays où la richesse ne cesse de croître, doit pouvoir initier une politique qui ne soit pas définie par les seuls intérêts de la Bourse et qui mette les questions sociales au cœur de ses préoccupations.
C'est cette prise de conscience qui est inscrite dans l'insurrection tranquille du 29 mai.
3. LE 29 MAI : UNE INSURRECTION TRANQUILLE
Chacun le reconnaît aujourd'hui, le 29 mai est un vote de classe. Le oui n'a été majoritaire que parmi les cadres et les professions intellectuelles, les diplômés de l'enseignement supérieur, et les retraités. Le non a, lui, rallié 81 % des ouvriers, 79 % des chômeurs, 56 % des professions intermédiaires, 60 % des employés. Le vote non n'est donc pas simplement un vote populaire, c'est aussi celui des classes moyennes.
Le vote du 29 mai est aussi très clairement un vote de gauche. 60 % des électeurs du PS mais aussi 60 % des électeurs des Verts et la quasi-totalité de l'électorat communiste ont rejeté le texte qui leur était proposé. Le fait que le vote de notre électorat soit l'exact inverse de celui du parti lors de la consultation interne ne peut que nous interroger. Les quelques mois qui nous séparent de 2007 doivent permettre au parti de comprendre les raisons d'une telle distorsion.
Ce qui a été rejeté par les Françaises et les Français, c'est la nature de la construction européenne telle qu'elle nous est imposée aujourd'hui : des traités plus libéraux les uns que les autres et un élargissement sans approfondissement qui transforme l'Union en un simple espace de libre échange.
Le non ne crée pas la crise, il en est la conséquence
Face aux offensives répétées de la mondialisation libérale, l'Europe s'impose comme le niveau pertinent de l'action politique. Malheureusement elle est devenue une zone de faible croissance où le chômage explose et de régression des droits sociaux. Le refus des Etats membres d'accroître le budget européen, un élargissement effectué préalablement à tout débat institutionnel et dans des conditions précipitées et irresponsables, les dégâts occasionnés par l'application des directives et stratégies libérales défendues par les commissaires européens, ont accentué les difficultés d'une construction européenne entrée en crise bien avant que ne se manifeste l'insurrection tranquille du 29 mai.
Un vote pro-européen
Ce vote de gauche contre le TCE est un vote pro-européen qui s'est nourri, notamment, des arguments développés par les socialistes engagés dans cette campagne. En témoigne le vote des jeunes pour qui l'Europe est une évidence et une nécessité.
Le vote du 29 mai, suivi du vote néerlandais, n'a cédé à aucun « nationalisme ambiant ». Il était clairement anti-libéral et pro-européen. Ce n'était pas un vote de « peur » ou une « balle perdue de la colère » mais un signal d'alarme, tiré par notre peuple pour attirer l'attention sur l'urgence sociale qui culmine en Europe.
Un vote cohérent avec les résultats des précédentes consultations
L'électorat de gauche a trouvé dans le vote du 29 mai un débouché à la contestation du libéralisme qui s'organise depuis le mouvement social de 1995. Il montre clairement que les déterminants sociaux ont la toute première place lors des choix électoraux. Le « peuple de gauche » se détermine en fonction de nos propositions et exige que nous nous engagions, face aux conséquences de la mondialisation libérale, pour une véritable politique sociale. Lorsque c'est face à la droite, il se sert de nous pour s'opposer à elle. Lorsque nous sommes au pouvoir, et que nous ne satisfaisons pas ses demandes, il nous sanctionne par l'abstention et aussi par un vote plus à gauche. Dans les deux cas, il manifeste son antilibéralisme.
En 1997, la gauche se rassemble autour d'idées novatrices, comme la réduction du temps de travail et le contrôle sur les licenciements alors synonymes de progrès social : elle remporte largement l'élection.
En 2002, le parti socialiste n'est pas allé assez loin dans le changement, il modère ses propositions et semble renoncer à cette orientation : il est éliminé dès le premier tour.
En 2003, le mouvement social pourtant puissant ne parvient pas à faire céder la droite arc-boutée sur le pouvoir.
En 2004, les électeurs font payer cher à la droite ses attaques contre les retraites, contre les 35 h, contre la Sécu, et se servent pour cela du bulletin de vote pour une gauche qui avait affirmé - malgré quelques voix discordantes qui ne nous ont certainement pas aidés - son opposition à ces projets : de nouveau l'élection est un magnifique succès.
Le 29 mai 2005 est donc la continuité d'une trajectoire politique cohérente exprimée par la majorité des français. C'est dans ces conditions, qu'il doit être compris comme un vote d'espoir, point d'appui solide apte à changer les rapports de forces dans le pays.
Une dynamique positive du vote
Partout en Europe, la Gauche se réveille, et des clivages sérieux apparaissent entre ceux qui veulent accompagner socialement le système et ceux qui veulent le transformer en profondeur. De plus en plus de voix s'élèvent pour affirmer la nécessité de rebâtir un projet européen centré sur l'humain et non sur le marché pour donner corps à l'Europe des peuples. Plusieurs dirigeants politiques, qui avaient appelé à voter oui, reconnaissent publiquement les graves insuffisances du projet de traité constitutionnel et appellent à un processus constituant plus démocratique.
Le fait même que le non se soit exprimé démontre que le peuple peut reprendre en main la politique. Ce qui s'est déroulé en France et au Pays-Bas est, en soi, une leçon de démocratie qu'il faut saluer.
Prendre appui sur le peuple français
Notre meilleur allié pour battre durablement la droite, c'est le changement à l'œuvre dans la société française et l'interprétation qu'on en fait.
Non seulement et indiscutablement, le chômage, la pauvreté augmentent, mais la précarité aussi, et cela fragilise les familles ; les salaires sont trop bas ; les ségrégations territoriales s'accroissent, et les plus pauvres sont inexorablement transférés dans le périurbain ou confinés dans des quartiers en difficulté d'habitat social ou d'habitat ancien dégradé. Non seulement l'ascenseur social est en panne, mais certains ressentent même le risque de la descente à l'étage du dessous, le risque d'un déclassement social.
Cette situation se nourrit à la fois des conséquences des mécanismes économiques et financiers en cours, mais également de nos renoncements.
Face à cela, la tentation du repli sur soi ou sur du repli communautaire est largement attisée par les discours libéraux. On assiste à une multiplicité de réactions assimilables à une révolte diffuse : dans le pire des cas, ce sont des expressions violentes, mais parfois aussi des actions de solidarité exemplaires, des initiatives économiques courageuses, une énorme aspiration à une meilleure citoyenneté et à une meilleure reconnaissance sociale. Contrairement à ce qu'on voudrait nous faire croire, la crainte indéniable et justifiée de l'avenir ne se traduit pas par un sentiment d'abandon, ni par la passivité mais par une richesse nouvelle d'expressions dont le débouché politique reste à construire. Le vote du 28 mars 2004 a enregistré 7 % de participation supplémentaire des électeurs. Le vote du 29 mai, lui, a été le fruit d'une gigantesque mobilisation intellectuelle, citoyenne, politique, alors que tout était fait pour démobiliser, ostraciser, culpabiliser l'électeur, le lecteur, le débat.
Une analyse récente de l'observatoire socioculturel de Sociovision Cofremca met en lumière que face à la situation sociale, 50% des Français prévoient, dans un horizon de 5 ans, un changement radical de société et qu'ils y aspirent. Les principaux thèmes centraux évoqués sont la préservation de la qualité de vie et la solidarité. Apporter des réponses à ces attentes exprimées, c'est le défi qu'il nous faut relever.
Le Socialisme est né de l'aspiration à l'égalité, dans une société toute entière fondée sur le privilège. Depuis l'origine, les Socialistes refusent d'accepter les inégalités et l'injustice. Ils ont pour ambition de transformer la société et de construire un monde meilleur dans lequel chacun puisse s'épanouir.
Etre Socialiste, c'est ne jamais céder à la résignation, ne jamais renoncer à changer l'ordre des choses et remettre encore en cause la logique et la finalité du système capitaliste. Cela reste le fondement de notre combat collectif et de nos engagements individuels.
Nous ne pouvons pas nous satisfaire du constat répandu, y compris hélas dans nos rangs, de la prétendue impuissance face aux forces économiques libérales.
Nous devons, au contraire, réhabiliter le volontarisme exprimant la primauté du citoyen sans renoncer à nos objectifs de transformation sociale.
Telle est la vocation du socialisme.
DEUXIEME PARTIE : UNE ALTERNATIVE POUR L'EUROPE
1. POUR UNE EUROPE POLITIQUE
Si l'Europe est devenue le niveau pertinent de l'action politique face à la mondialisation libérale et à la constitution de blocs régionaux intégrés, elle ne s'est malheureusement pas dotée des instruments nécessaires pour soutenir la croissance et l'emploi, pour protéger son industrie, son modèle social et financer un élargissement solidaire avec les dix nouveaux entrants. L'ornière dans laquelle elle se trouve aujourd'hui appelle d'abord un sursaut dans sa construction politique en démocratisant son mode de fonctionnement.
Le projet européen
Nul ne doute que les citoyens en Europe ont besoin d'y voir plus clair sur le projet européen : Où va l'Europe ? Où devrait-elle aller ? Quel est son modèle de développement ? Qu'apporte l'Union européenne ? Que lui doit-on en échange ? Quel est son message au monde ?
Nul ne doute non plus qu'à l'heure actuelle, il ne saurait y avoir de consensus aisé à obtenir sur les réponses à donner à ces questions parmi les 25 membres de l'Union. Mais si on veut que des compromis acceptables se dégagent peu à peu, il faut d'une part que ces questions soient débattues et, d'autre part, que les citoyens soient partie prenante du débat et concernés sur les réponses à y apporter. Cela prendra du temps, mais ce processus est indispensable à engager.
La refondation démocratique de l'Europe doit en tout cas démarrer avec le débat pour une nouvelle Constitution.
La nouvelle Constitution
La proposition d'un nouveau texte constitutionnel doit conjuguer la méthode et le contenu.
La méthode d'abord : celle d'un processus politique et démocratique. Des consultations parlementaires dans chaque pays pour définir les souhaits de chaque Etat. Ensuite donner un pouvoir constituant au prochain parlement européen qui sera élu en 2009, avant de soumettre le nouveau projet de Constitution européenne à la ratification de chacun des Etats membres.
Le contenu ensuite : il s'agit d'une constitution, il faut donc un texte court et compréhensible par tous les citoyens de l'Union européenne. Comme il s'agit de la faire valider par l'ensemble des citoyens et qu'il faut un accord entre au moins 25 pays, il doit être limité à un cadre neutre rendant possible le bon fonctionnement de l'Union. En dehors des questions relatives aux valeurs et aux droits fondamentaux, il faut se centrer sur trois aspects dont les nuances des contours devront être déterminées par les débats au sein de l'Assemblée constituante :
1 Qui décide ?
2 Comment ceux qui décident rendent des comptes à leurs mandants ?
3 Quelle répartition des compétences ?
Sur cette base simple il semble possible de trouver un accord rapidement.
La Constitution serait prolongée par la mise au point d'un traité fiscal et social européen. Bien évidemment, sur tous ces points, nous défendrons les propositions que nous avons défendues lors de la campagne référendaire.
L'Europe puissance, ou le noyau dur de l'Europe politique
Elle passe par des coopérations renforcées non bridées par l'exigence d'un consensus préalable sur au moins deux points : la défense et la politique étrangère.
Il doit y avoir une défense européenne qui rationalise les dépenses militaires des pays membres et, ainsi, permet une optimisation pour chacun ; cette défense européenne doit s'appuyer sur une agence européenne de l'armement qui ne se contente pas, comme dans le défunt TCE, de coordonner les politiques, mais qui a une prise directe sur les industries de l'armement et sur leurs financements.
Elle passe également par une politique européenne commune s'inscrivant dans celle de l'ensemble de l'Union et dans le cadre de ses institutions, mais susceptible d'aller plus loin sur un certain nombre de thèmes et de propositions. Ce qui signifie une délégation partielle de compétences et surtout des marges possibles en matière d'expression publique. Derrière l'Union européenne élargie, ce groupe restreint devra se comporter comme un aiguillon et une force de proposition. Il est évident qu'une cohérence entre la défense et la politique étrangère ne peut donner que davantage de force à ce noyau dur.
La répartition des compétences
Il semble entendu qu'au moins pour un temps, l'Europe est une fédération d'Etats Nations qui consentent à des abandons de souveraineté au profit de l'Europe. Nous réaffirmons ce qui avait été tranché au Congrès de Dijon : nous sommes pour une Europe fédérale.
Si on veut que l'Europe progresse dans ce sens, il faut faire en sorte que l'on puisse évoluer vers un transfert de compétences plus important.
Cela signifie que la future Constitution facilite les coopérations renforcées, les expérimentations et ne fige pas la répartition des compétences, au-delà de quelques règles simples sur ce qui est du ressort des Nations et sur ce qui est du ressort de l'Union. Le champ intermédiaire doit être souple. C'est un bon moyen de renforcer l'Europe politique tout en respectant sa diversité.
2. POUR UNE EUROPE SOLIDAIRE DE LA CROISSANCE ET DE L'EMPLOI
[Remarque préalable : Le terme utilisé de croissance n'implique pas notre indifférence quant à la nature de la croissance, notamment vis-à-vis des exigences du développement durable. Si la question quantitative se pose, la question qualitative liée au mode de développement que nous souhaitons est également posée]
Le chômage de masse en Europe est avant tout dû à la panne de croissance que subit notre continent. Celle-ci est liée à la panne d'investissement des entreprises, un déficit de demande et une compétitivité pénalisée par un taux de change de l'euro encore surévalué.
Le soutien à la croissance passe tout d'abord par une réorientation de la politique macroéconomique européenne. Dans chaque pays, la politique économique est en effet doublement contrainte par la politique monétaire menée sans contrôle par la BCE et par le pacte de stabilité.
Les socialistes avaient unanimement réclamé à Dijon la révision des missions de la BCE. Il est inconcevable que la monnaie, attribut essentiel de la souveraineté populaire, échappe à tout contrôle démocratique. L'action de la banque centrale influence notamment le taux de change et doit être démocratiquement contrôlée. Son indépendance sera donc abrogée. Une taxe Tobin à la frontière européenne doit permettre de prémunir l'euro d'une éventuelle spéculation.
La dépréciation actuelle de l'euro ne doit rien à l'action de la BCE, mais à la remontée des taux d'intérêt américains. Le taux de change de la monnaie n'est pas neutre. Le taux de change de l'euro par rapport au dollar s'était excessivement apprécié depuis la création de l'euro. Il pénalise l'industrie européenne face à la concurrence des pays dont la monnaie est arrimée au dollar et entretient une pression à la baisse sur les salaires et les systèmes de protection sociale.
Plus généralement, en l'absence de coopération mondiale dans la compétition internationale qui s'aiguise entre les trois principales zones monétaires (dollar, euro, yen), la question des taux de change relève d'un choix de répartition des revenus. Préfère-t-on une monnaie forte et des salaires modérés, ou un pouvoir d'achat en progression et un taux de change plus faible ? La norme de répartition des revenus et les effets macroéconomiques qui résultent de ces choix diffèrent alors radicalement. Dans le premier cas, l'euro fort et les profits élevés profitent aux détenteurs de titres. Dans l'autre cas, c'est la consommation européenne, les exportations et l'emploi qui s'en trouvent stimulés !
Les socialistes doivent également demander la fin du pacte de stabilité, qui rend pratiquement impossible l'utilisation de l'arme budgétaire pour appliquer notre politique économique et lutter contre le chômage et les inégalités lorsque la croissance ralentit. Les ressources financières dégagées ne doivent, bien entendu, pas à nouveau être gaspillées dans la poursuite d'inutiles politiques de « baisses d'impôts et de charges », comme ce fut le cas en France et en Allemagne lorsque Messieurs Chirac et Schröder s'arrogèrent l'autorisation de déroger aux critères du pacte de stabilité.
En matière de « politiques structurelles », l'ambiguïté de la « stratégie pour l'emploi », proposée par le sommet européen de Lisbonne en mars 2000, doit être dénoncée par les socialistes. Elle produit déjà de nombreux dégâts sur les législations sociales européennes. Se satisfaisant de la politique macroéconomique européenne, la stratégie de Lisbonne érige, au nom de l'adaptation à une « économie de la connaissance hautement compétitive », la réduction de la durée d'indemnisation du chômage, la flexibilité de l'emploi et du coût du travail comme l'alpha et l'oméga des politiques de lutte contre le chômage. Ces politiques ont révélé leur incapacité à vaincre le chômage de masse, avant tout dû à l'instabilité macroéconomique du capitalisme actionnarial.
L'élargissement en Europe s'est opéré dans un climat de mise en concurrence des peuples et des salariés subissant le chantage au chômage et l'insécurité sociale.
Seul un audacieux plan d'intégration européenne est de nature à redonner espoir aux peuples et à relancer une construction européenne en crise. Contrairement à la stratégie libérale en vigueur et manifestement rejetée par les peuples, ce plan financerait l'intégration des nouveaux pays de l'Union et pourrait être alimenté par les budgets communautaires et nationaux en donnant la possibilité à la banque centrale européenne de les alimenter également.
Ce plan est la condition de la solidarité entre les peuples européens, il ouvre la possibilité de l'harmonisation sociale et fiscale permettant ainsi aux nouveaux entrants d'affronter le marché unique sans recourir au dumping fiscal et social pour attirer les délocalisations. Il est la condition d'un véritable traité social permettant l'émergence d'un salaire minimum européen et d'une amélioration des systèmes de protection sociale. La perspective planifiée d'un tel Smic européen est une réponse aux délocalisations, et aux déréglementations de type directive « Bolkestein ». La mise en place d'un tel SMIC peut être faite sur le modèle de convergence qui a présidé à l'instauration de la monnaie unique. Aujourd'hui 18 pays sur 25 ont un Smic. Les différences paraissent certes considérables, de 470 euros pour le Portugal à 1370 euros pour le Luxembourg, (et 182 euros pour la Pologne) mais en « parité de pouvoir d'achat » elles sont moins importantes qu'en pure valeur monétaire. Il convient de planifier les discussions par branche (il existe déjà un Smic marin, il pourrait en exister un Smic routier, etc...) et par « zones régionales » entre pays de même niveau économique, puis de planifier la progressivité des Smic sur une période négociée entre les Etats membres. Si le Smic doit être le même dans la zone euro d'ici autre à cinq ans à quoi bon emmener les machines d'ici en Tchéquie ou exiler les travailleurs tchèques de là-bas à ici ?
Il permettrait aussi à l'Europe de pratiquer un tarif extérieur commun pour lutter contre l'entrée sur le marché des marchandises produites par les entreprises délocalisées dans les pays pratiquant le moins disant social. Elle ne s'interdirait aucunement une politique industrielle reposant sur des consortiums publics européens, dont l'émergence reste malheureusement contrainte par le principe de la « concurrence non faussée ».
La première vague d'adhésion à l'euro fut réussie grâce au jeu des fonds structurels. Ainsi, le Portugal et la Grèce reçurent-ils l'équivalent de 230 euros par habitants au titre du fond de cohésion sociale. La Pologne ne perçoit aujourd'hui que l'équivalent de 130 euros par habitants. Le montant nécessaire à un Plan d'Intégration Européenne des dix entrants, à hauteur de ce qui fut réalisé pour la première vague d'adhésion à l'euro, représenterait 50 milliards d'euros par an sur cinq ans. Il est la condition nécessaire d'un élargissement compatible avec une certaine harmonisation sociale. Faute de quoi, l'intégration se réaliserait à moyens constants, si ce n'est décroissants. Les Etats-membres, n'entendent malheureusement pas accroître leurs contributions. Etranglés par le « pacte de stabilité », ils ont réduit cette année la part du budget communautaire dans le PIB européen de 1, 3 % à 1 %.
Le montant nécessaire au plan d'intégration européenne n'est pourtant pas exorbitant, comparé au rôle moteur que joue le budget fédéral américain dans le soutien à l'économie, s'appuyant sur un déficit budgétaire supérieur à 400 milliards de dollars ! Pour accroître les dépenses communautaires, l'arme du déficit budgétaire communautaire serait ici d'un grand secours. Elle reste malheureusement taboue et était même interdite par le traité constitutionnel. Ce déficit pourrait être financé par l'emprunt. Les fonds structurels pourraient également bénéficier du financement monétaire direct de la banque centrale, ce qui nécessite une réforme du statut de la BCE.
Ces ressources budgétaires permettraient de préserver la Politique Agricole Commune qui, malgré des défauts qu'il est toujours possible de surmonter par une réorientation des dépenses, est un préalable nécessaire à une politique visant à assurer l'autonomie alimentaire dans le cadre d'une agriculture de qualité et respectueuse de l'environnement. Les principes d'une telle réorientation doivent être l'élévation des standards de qualité, le renforcement des contrôles et la création d'une organisation indépendante de sécurité alimentaire avec de larges droits de contrôle afin d'assurer une alimentation saine pour tous. Les critères des aides européennes devront être revus pour rompre avec le productivisme (aide à l'exploitation et non au volume de production, conditionnalité écologique).
Le développement durable doit entrer concrètement dans les attributions de la politique européenne. Il faut constituer un fond européen pour des grands travaux écologiques (remise en état des fleuves, protection des littoraux, grands réseaux de fret ferroviaire, soutien aux technologies et énergies renouvelables). Ce fonds pourrait être financé par une écotaxe européenne, payée par les pollueurs.
3. POUR UNE EUROPE SOCIALE
Pour répondre aux attentes sociales qui se sont manifestées, il faut obtenir le retrait de la directive Bolkestein. En effet la mise en place de la libre circulation des services en Europe exige, au préalable, que soient clairement définis les Services d'intérêt général et que soit engagée une politique d'harmonisation sociale. Ces préalables indispensables ne sont pas encore acquis. De même il faut une nouvelle directive temps de travail interdisant la pratique de l'opt-out concernant la durée du travail, c'est à dire interdisant aux employeurs de déroger au droit du travail si le salarié « l'accepte » et engageant une réduction des maxima de temps de travail.
Il faut ensuite mettre en chantier la négociation d'un traité social, dont la viabilité est conditionnée par l'adoption de mesure budgétaires communautaires favorisant la convergence sociale vers le haut.
La définition d'un Traité social européen est devenue une priorité. Il devrait pouvoir s'organiser autour de trois axes :
Une véritable intégration sociale européenne requiert également la remise en cause de l'ensemble des textes néo-libéraux, toujours en vigueur, rassemblés dans le la partie III du TCE et interdisant, notamment au nom de la « concurrence libre et non faussée », toute politique industrielle nécessitant le financement public des entreprises stratégiques et de celles assurant une mission de service public.
TROISIEME PARTIE : UNE ALTERNATIVE POUR LA FRANCE
La question sociale est désormais au cœur du débat. Une nouvelle alternance politique ne doit pas, une fois de plus, se contenter d'un accompagnement social de la mondialisation libérale. Une alternative socialiste suppose de discuter, en des termes propositionnels, d'une politique économique crédible s'opposant symétriquement au projet de refondation sociale du MEDEF et de la droite néo-libérale. Le plein-emploi et la réduction des inégalités doivent être les objectifs centraux de cette politique. L'alternative sociale signifie également de préparer les nouvelles générations par une alternative scolaire et universitaire, de faire face à la montée des communautarismes qui menacent la République, de marcher vers une VI° République en rénovant la démocratie profondément en crise dans notre pays, de répondre concrètement aux questions de l'immigration.
S'il faut définir clairement ce que nous voulons prioritairement changer, il faut également répondre à l'urgence sociale par des mesures immédiates, fortes et concrètes.
L'état de la société est dramatique : des millions de citoyens y vivent dans des conditions de pauvreté et de précarité, et peinent pour accéder aux droits les plus fondamentaux : logement, emploi, santé, services publics.
Pour changer réellement la société, il faut prendre la question à bras le corps et changer la vie de ceux que le libéralisme ne respecte plus, en rétablissant rapidement un accès aux droits fondamentaux sans lesquels aucun changement collectif durable n'est possible.
1. POUR LE PLEIN-EMPLOI
Les politiques de « baisse des impôts et des charges » se sont avérées inefficaces face au chômage et socialement dévastatrices. Elles ont creusé les déficits et les inégalités. Elles ont excessivement accru l'épargne au détriment de la consommation, sans relancer l'investissement.
Notre objectif doit être le plein emploi. L'emploi dépend avant tout des perspectives de croissance de l'économie et aucunement des « rigidités du marché du travail », au demeurant largement réduites par les « réformes structurelles » néo-libérales. Il faut donc changer de politique macroéconomique. On le sait, une réorientation de la politique monétaire et l'abandon du pacte de stabilité sont pour cela nécessaires. Pour autant, relancer l'investissement et la consommation passe par une réorientation de la politique budgétaire au sein de chaque pays. Celles-ci ont sans succès massivement distribué les deniers publics en faveurs des catégories à hauts revenus, poursuivi les privatisations et réduit les « charges » des entreprises. Il faut au contraire relancer l'investissement par nouvelle politique industrielle et stimuler la consommation par une nouvelle politique salariale, accompagnée d'une politique de réduction du temps de travail et de celle d'une redistribution visant la réduction des inégalités et à même de relancer le pouvoir d'achat des ménages à bas revenus.
Une nouvelle alternative industrielle
Une lecture réductrice du débat tente d'opposer un « Réformisme de gauche » moderne recentré autour d'un « socialisme de production » à un archaïque « socialisme de la redistribution ». On en trouve quelques échos dans le manifeste Blair-Schröder qui invite les sociaux-démocrates européens à se tourner « du côté de l'offre », ce qui signifie, dans le jargon des économistes libéraux, qu'il faille réduire les dépenses publiques (et donc privatiser) pour baisser les impôts, stimuler l'épargne et réduire le coût du travail !
Pour leur part, les socialistes se sont toujours préoccupés de redistribution et de production. En l'occurrence, ils ont toujours promu la politique industrielle lorsque le marché s'avérait incapable d'assurer le développement des investissements stratégiques et les missions de service public. Or la remise en cause systématique des aides publiques a été une des règles de la construction européenne telle qu'elle a été organisée selon les principes du libéralisme économique. Les promesses d'une amélioration de la qualité, d'une baisse des prix devant accompagner les privatisations se sont avérées un leurre, une fable confirmée régulièrement par une réalité qui s'exprime parfois tragiquement (pensons aux transports ferroviaires britanniques ou aux pannes d'électricité dans plusieurs pays). Quant à la promotion de l'épargne salariale elle sème l'illusion que les nouveaux petits porteurs - capitalisme populaire revisité- parviendraient à imposer aux entreprises actionnariales de pratiquer le développement durable !
Le périmètre de la politique industrielle, réduit à portion congrue par les privatisations, doit aujourd'hui être redéfini. Il faut organiser le contrôle public de certains secteurs essentiels. Non seulement ceux assurant une mission de service public, mais aussi les secteurs stratégiques où l'investissement privé fait défaut. Cela concerne notamment les activités traditionnelles de réseau, où la France excellait (transports, communication, eau, énergie, éducation, santé).
Mais la France a également pris un retard important en matière d'investissement dans le secteur des nouvelles technologies. La désindustrialisation de la France et de l'Europe rend plus que jamais nécessaire le financement d'une nouvelle politique industrielle qui ne saurait se passer du concours de la politique monétaire et de la politique budgétaire. Après avoir fait le procès de la politique industrielle, la droite prétend en redécouvrir les vertus en créant une agence pour l'innovation industrielle. Elle ne met pas pour autant en question le processus de privatisation de l'énergie, en prévision de quoi elle a modifié les statuts d'EDF et organisé les cessions d'actifs de GDF. Face à l'incapacité de sa politique à soutenir la croissance elle organise une nouvelle vague de privatisation dont les recettes serviront à combler les déficits publics qui se sont creusés faute de rentrées fiscales.
Une véritable politique industrielle ne saurait confier à la courte vue de la bourse le contrôle de l'investissement stratégique et des services publics. Il faut protéger les services publics et les industries stratégiques des règles de la concurrence, en autorisant les Etats à leur verser des aides directes et indirectes et en permettant des ententes pour faire émerger des « champions » à l'échelle européenne. Le budget de capital de l'Etat, réduit à portion congrue, doit être substantiellement accru pour financer et orienter les nouvelles priorités industrielles. Il faut mettre un terme au processus de privatisation de Caisse des Dépôts et Consignation, acteur essentiel du financement de la politique industrielle. Tout ceci nécessite de réclamer une mise à plat de la stratégie européenne « d'ouverture à la concurrence ».
Une politique novatrice en direction des petites entreprises et de la sous-traitance
Il y a 97 % d'entreprises de moins de cinquante salariés qui font travailler prés de 8 millions de salariés. Il existe un million d'entreprises de moins de dix salariés qui font travailler 3,4 millions de salariés. Ce sont dans ces entreprises que les salariés subissent les situations les plus difficiles. Le plus souvent leurs droits ne sont pas défendus étant dépourvues des moyens pour cela. Ces entreprises subissent les contraintes imposées par les donneuses d'ordre, obsédées par la maximisation de la rentabilité financière et imposent des prix aux PME et aux sous-traitants les conduisant à reporter le risque sur leurs salariés. Ceci est particulièrement vrai dans le secteur de la distribution. Outre une plus grande protection des salariés dans les PME, il est possible de desserrer l'étau qui étrangle ces dernières en modulant la fiscalité sur les sociétés et en réformant l'assiette des cotisations patronales.
Comme on le voit, il n'y a pas qu'une seule catégorie d'entreprise, ni une seule politique à mener à l'égard du patronat.Les socialistes et la gauche doivent être novateurs sur ce terrain.
Plus généralement les socialistes doivent innover en ne distribuant plus des aides indistinctes qui permettent aux grandes entreprise de bénéficier d'effets d'aubaine. Par contre aides publiques et crédits d'impôts peuvent être envisagés auprès des PME et TPE dans le cadre de la réduction du temps de travail et sous condition de respect des droits des salariés.
Une politique collective de conventionnement, d'aides à la comptabilité, au respect des droits et règles administratives doit être mis en oeuvre pour les TPE, (pépinières d'entreprise, pool de comptabilité, services publics associés) et elles doivent bénéficier de réels crédits d'impôt pour la mise en oeuvre des 35 h, pour le respect des droits des salariés.
C'est ainsi qu'on stoppera la dégradation du haut vers le bas délibérément mise en œuvre par le capital financier qui rêve tout haut « d'entreprises sans entreprises », c'est-à-dire de zone de non droits pour eux et pour les salariés.
Il faut combiner différentes mesures de façon à assurer la sécurité de ces entreprises dites "TPE".
Cinq mesures sont indispensables :
Cette extension des droits des salariés ainsi que les mesures fiscales citées permettront de mettre un terme au recours abusif à la sous-traitance.
L'économie sociale et solidaire
Le secteur de l'économie sociale et solidaire révèle et traite de nombreux besoins économiques et sociaux que l'Etat ne peut percevoir ou que les entreprises privées maltraitent parce qu'elles ont l'œil rivé sur le profit. Dans un univers actionnarial généralisé, certaines entités mutualistes et coopératives mais aussi des fonds de placement solidaires ont pu être séduits par les sirènes perverses de la financiarisation. Les familles de l'économie sociale recèlent cependant l'originalité de tenter d'incarner le principe démocratique « une personne une voix » dans leurs délibérations et de proposer une alternative à l'entreprise actionnariale en conservant impartageables leurs réserves. A l'heure où le MEDEF réclame la fin de la concurrence faussée que subiraient les entreprises privées face aux entreprises de l'économie sociale, les politiques publiques doivent continuer à promouvoir le partenariat avec les mutuelles, les coopératives et les associations.
Les salaires et la réduction du temps de travail au service de l'emploi
La relance du pouvoir d'achat, nécessaire pour réduire les inégalités et relancer la consommation, passe par une augmentation des salaires. Cette augmentation est fondée sur un rééquilibrage de la part des salaires -qui s'est dégradée de 10 points en 15 ans- sur la richesse produite.
La question salariale est au cœur du conflit de répartition sur les parts de richesse à affecter directement aux salariés et aux rentiers. La part des profits dans la valeur ajoutée s'est accrue de dix points en l'espace de vingt ans sans que le résultat ait été probant en termes d'efficacité économique. Les profits d'avant-hier n'ont pas été l'investissement d'hier et l'emploi d'aujourd'hui ! L'amputation de la masse salariale a réduit d'autant les ressources de la protection sociale. Le financement de la sécurité sociale a pesé sur le pouvoir d'achat des ménages, subissant d'autre part les conséquences de la crise du logement.
L'augmentation des salaires est un bien meilleur instrument de redistribution des richesses au bénéfice des salariés à faible revenu que les baisses d'impôt sur le revenu ou les revenus de l'épargne salariale qui profitent aux ménages à revenus plus élevés. Elle réduit les inégalités de revenus, soutient la consommation et permet d'autre part de financer le système de retraite par répartition auquel les socialistes doivent affirmer leur attachement. L'augmentation des salaires dans le secteur public donnerait l'exemple pour les négociations collectives de branches et d'entreprises où la puissance publique doit impulser de nouvelles négociations, par exemple en conditionnant l'octroi des aides à l'emploi à un relèvement des minima de branche ou encore imposer par la loi, des minima-planchers égaux au SMIC.
Dans près de 80% des branches, les minima sont en effet inférieurs au SMIC (qui s'applique cependant comme salaire-plancher). Il s'agit d'une remise en cause directe du SMIC puisque ce dernier n'est atteint qu'avec des compléments (primes et autres...). L'enjeu ne concerne ici pas seulement les bas salaires, mais l'ensemble des salariés de la branche, toutes qualifications confondues et à hiérarchie inchangée. Dans une grille de branche, une augmentation du minimum correspondant à l'indice 100 induit en effet mécaniquement une revalorisation générale de tous les salaires de la hiérarchie.
La hausse du SMIC est à ces égards d'une double portée. Elle permet tout d'abord d'augmenter les plus bas salaires et de resserrer l'éventail des salaires. L'impact macroéconomique et social d'un relèvement du SMIC n'est pas négligeable car 28 % des salariés sont rémunérés au niveau du salaire minimum. Elle permet de plus aux syndicats de revendiquer une revalorisation des minima dans la mesure où ces derniers sont négociés en référence aux évolutions du SMIC.
Il nous faut remettre en chantier la réduction du temps de travail pour tous sans perte de salaire : Nous sommes pour les 35 h, de vraies 35 h appliquées effectivement, pour tous, sans baisse de salaire et avec embauches correspondantes. C'est toujours avec les socialistes, avec la gauche, qu'il y a eu les 40 h, puis les 39 h, et les 35 h. En 70 ans, nous avons prouvé sans conteste possible que l'on pouvait réduire la durée du travail, augmenter la productivité et augmenter les salaires. Avec les 35 heures, il n'y a jamais eu de meilleure année pour l'emploi que l'an 2000, 643 000 d'emplois en plus sur douze mois, soit + 4,3 %. Ce n'est pas seulement la croissance économique qui permet de l'expliquer. Lorsqu'on sait que de 1981 à 1997, c'est moins d'un million d'emplois supplémentaires qui ont été créés au total. Plus de 2 millions l'ont été entre 1997 et 2001. Sans le passage aux 35 heures, jamais notre pays n'aurait pu connaître une baisse du nombre des chômeurs de 900.000.
La droite a fait le contraire : ils facilitent la multiplication des heures supplémentaires, et les rendent moins coûteuses. Ils ont augmenté le contingent annuel d'heures supplémentaire de 130 à 230 heures et ils ont réduit de 25 % à 10 % le taux de majoration de la rémunération des heures supplémentaires dans les petites entreprises Ils ont porté le seuil de ces dernières de dix à vingt salariés pour le repos compensateur, facilité la reprise à taux zéro des compte épargne temps, élargi le nombre de ceux soumis aux « forfaits-jours »... Tous ces salariés font plus d'heures supplémentaires, travaillent plus pour gagner moins... ce qui a pour effet de limiter les embauches, et de développer le chômage.
Cela frappe surtout les 8 millions de travailleurs des 97 % d'entreprises de moins de 50 salariés où les durées du travail sont plus longues et les salaires les plus bas. La durée du travail doit redevenir une donnée d'ordre public social pour éviter que la flexibilité, l'annualisation et l'abus du recours aux heures supplémentaires n'aggravent les conditions de travail et ne diminuent la création d'emplois.
Le « temps de travail effectif » doit être défini comme le « temps où le salarié est subordonné à l'employeur». Il doit intégrer les pauses nécessaires, le temps de trajet imposé, d'habillage et de casse-croûte. La durée hebdomadaire maximale doit être diminuée en proportion de la durée légale : au lieu de 48 heures, 44 h pour la semaine de 35 h et tendre vers 40 h maxi réelles. La durée quotidienne maximale doit être ramenée de 10 h à 9 h. L'extension de la fourchette horaire journalière, en cas d'interruption de la plage de travail en cours de journée, ne doit pas dépasser 10 h. Chaque salarié doit disposer de deux jours de repos consécutif dans la semaine. Les heures supplémentaires doivent être définies par la loi comme « ponctuelles et imprévisibles », conformément à l'accord signé par le patronat le 31 octobre 1995. Elles doivent être majorées de 50 % pour les 4 premières heures et de 100 % pour les suivantes. Il s'agit de les rendre plus chères que l'embauche. Le contingent annuel d'heures supplémentaires doit, dans un premier temps, revenir à 130 heures et, par la suite, être réduit à 100 heures (il était de91 h par accord dans la métallurgie en 1996).
A elle seule, la diminution de moitié du nombre total d'heures supplémentaires pourrait créer plus de 300 000 emplois. Les grandes entreprises n'ont pas besoin de recevoir des aides pour aller dans ce sens en revanche les petites entreprises oui mais contrôlées à la proportion du nombre d'embauches réalisées suite à la réduction du temps de travail.
Etablir un contrôle réel sur les licenciements abusifs et les licenciements boursiers :
En 1986, la droite a supprimé l'autorisation administrative de licenciement (mis en place en 1975 et qui reprenait des éléments du contrôle de 1945...). L'établissement d'un nouveau mode de contrôle appartenait au programme socialiste de 1997, mais cette promesse, n'a pas été tenue. La gauche devrait enfin instaurer un nouveau contrôle pour empêcher les licenciements abusifs et boursiers.
Actuellement, le salarié licencié « sans cause réelle et sérieuse » est, malgré le jugement des Prud'hommes, exclu de l'entreprise en bénéficiant d'indemnités faibles et tardives.
Dans le cas de licenciement individuel, (80 % des cas chaque année) la gauche devra permettre à l'inspection du travail, saisie par le salarié, de suspendre la procédure dès lors qu'il y a «un doute manifeste » sur le bien fondé du licenciement. Ce sera alors à l'employeur d'apporter la preuve du bien fondé devant le juge concerné. Si cette preuve n'est pas apportée, le salarié conservera son emploi.
En cas de licenciement collectif, dans des entreprises qui font des profits, lorsque la valorisation boursière semblera en être la motivation réelle, et non de réelles difficultés économiques, l'inspection du travail devrait pouvoir en suspendre l'exécution jusqu'à la décision du juge.
Le droit du travail pour protéger les salariés
Après avoir flexibilisé le coût du travail, les politiques libérales de l'emploi se sont attaquées aux régimes d'indemnisation chômage, suspectés d'entretenir l'assistanat et la paresse des chômeurs ! Elles s'attèlent désormais au démantèlement du code du travail.
Il faut en finir avec la culpabilisation des chômeurs, prétexte des réformes libérales du système de revenus de remplacement ayant pour effet de réduire la durée et le montant de l'indemnisation du chômage. Rappelons que ce que reçoit un chômeur n'est pas une aumône mais un dû : il a cotisé pour cela.
De la même façon, un travailleur pauvre ne doit pas recevoir un subside de l'Etat, pour pallier son salaire trop bas : c'est le salaire qui doit lui permettre de vivre décemment. De ce point de vue, la philosophie de la prime pour l'emploi, créée pour « inciter » les chômeurs à accepter les emplois « peu qualifiés » tout en dédouanant les entreprises d'augmenter les salaires - c'est l'Etat qui paie les compléments de salaires- est hautement dangereuse. Elle est l'embryon d'un « impôt négatif » octroyé dans le cadre des politiques de discrimination positive en direction des travailleurs pauvres, sommés d'accepter les conditions du marché. La PPE, applaudie par la droite, n'apporte aucun supplément de revenu aux exclus et laisse entendre que les chômeurs refusent des emplois que les entreprises, sous emprise de la finance, sont incapables de créer. Tout comme la sécurité sociale repose en principe sur la prise en charge maximale de la maladie dans le régime d'assurance obligatoire, la véritable « sécurité sociale professionnelle » doit avoir pour socle la garantie de percevoir des indemnités chômage sans contre partie en cas de perte d'emploi. Celles-ci doivent être revalorisées, la durée d'indemnisation du chômage, réduite par la droite, allongée. Il faut également revaloriser les minima sociaux.
Il y a en réalité cinq millions de chômeurs et de précaires en France victimes de l'incapacité du néo-libéralisme à assurer le plein-emploi. Parmi cette « armée de réserve » 300 000 chômeurs sont susceptibles d'être affectés sur les emplois vacants existants, grâce des mesures permettant le développement d'un véritable service public et national pour l'emploi. Il est possible d'améliorer le droit à la formation et de promouvoir mobilité choisie et transférabilité des droits sociaux. Ceci nécessite, à tout le moins, un fort niveau de dépenses publiques pour l'emploi. Pour autant, une bonne « sécurité sociale professionnelle » ne suffira pas au rétablissement du plein-emploi, qui suppose la création de plus de deux millions d'emplois ! La référence à la « flexi-sécurité » danoise ne doit pas être le cache-sexe du démantèlement du CDI en étant en réalité la mise en œuvre d'une flexibilité sans sécurité. En effet au Danemark la flexibilité à pour contre partie la garantie de 80% du salaire des licenciés pendant quatre ans sans dégressivité des indemnisés, en toute logique cela entraîne un niveau d'imposition très élevé. Les chômeurs sont les victimes de la panne d'investissement des entreprises actionnariales. Il faut mettre un terme au débat sur le soi-disant impératif d'adaptation du droit du travail, prélude du dé tricotage du code du travail, amorcé par la droite avec le contrat « nouvelle embauche ». Ce contrat - qui vise, dans un premier temps près de 5 millions de salariés potentiels - est une « zone de non droit » qui permet à un employeur de « mettre dehors » sans formalité, sans procédure, sans motif, et sans recours tout salarié pendant une période de deux ans... Le scandale est encore aggravé dans les entreprises de moins de cinq salariés avec les « chèques emploi service » qui échappent à tout droit du travail.
Il faut redonner à la législation du travail sa véritable finalité : la protection des travailleurs face à l'arbitraire patronal. Primauté absolue du contrat à durée indéterminée, protections nouvelles contre les licenciements, etc. Autant de droits à reconquérir sur les décombres des « réformes » opérées par la droite. Privilégier le CDI ne signifie pas réclamer une fusion du CDI et du CDD qui serait synonyme d'« assouplissement » du CDI. Mais il faut également revenir sur des mesures ayant incité au développement de l'emploi précaire, telles que les exonérations de cotisations sociales en faveur du temps partiel. Le temps partiel concerne désormais 16 % de la population active, et représente pour 60 % du temps partiel subi. La mesure la plus efficace pour réduire l'emploi précaire est de toute évidence la fixation d'un quota d'emplois précaire dans chaque entreprise, par exemple fixé à 5% de l'emploi total dans les entreprises de plus de vingt salariés, sauf dérogation préalable dans des circonstances exceptionnelles. Enfin, il faut renforcer le contrôle de l'inspection du travail, en particulier dans le cas de licenciements boursiers.
Pour assurer la protection du salariat, il faut redéfinir les champs respectifs de la loi et du contrat. La dispersion et la division syndicale, ainsi que les difficultés à assumer pleinement le rôle de représentant syndical expliquent l'absence de toute expression organisée dans la plupart des entreprises. Cela rend nécessaire de mieux protéger et de renforcer les droits syndicaux et des institutions représentativités du personnel.
Pour cela, il faut la primauté de l'action législative. Il n'y a de droit à un délégué syndical, à un comité d'entreprise, à un CHST, que dans les entreprises de plus de 50 salariés : ce seuil devrait être abaissé à 20 salariés. De même lorsque le patronat refuse de négocier il faut que ce soit le législateur qui défende l'ordre public social.
Il faut autant de loi que nécessaire et autant de contrat que possible. Néanmoins dans l'état actuel du rapport de forces social la loi offre une meilleure garantie que le contrat.
Instaurer de nouveaux droits syndicaux pour une véritable démocratie sociale
La démocratie ne peut s'arrêter au seuil de l'entreprise, nous devons avoir une véritable exigence en matière de démocratie sociale.
La réalité du terrain, dans les entreprises, pousse à reposer la question des règles de représentativité syndicales modifiées, qui était dans notre programme en 1996-97 et que l'on n'a pas concrétisée...
On voulait permettre à tous les syndicats réellement existants sur le terrain, au niveau de l'entreprise et de la branche, d'agir sur la base d'une règle majoritaire pour la signature d'accords de façon à ne laisser une minorité signer des accords s'imposant à une majorité de salariés pour cela un certain nombre de mesures doivent être prises :
Nous avions envisagé avec les organisations syndicales de développer les sujets sur lesquels l'avis conforme deviendrait nécessaire : par exemple sur la question des heures supplémentaires.
Ainsi peu à peu des droits nouveaux pour les comités d'entreprise, les délégués du personnel, des CHSCT... pourraient se développer thème par thème, ouvrant un champ considérable à la démocratie sociale dans les entreprises.
2. POUR L'EGALITE
Les tenants du social libéralisme nous proposent de faire de « l'égalité des chances » l'emblème de notre identité. Ce virage n'est pas sans ambiguïté. Dans les théories libérales de la justice, le principe « d'équité » conduit à remplacer très précisément l'égalité par « l'égalité des chances ». Il revient à appliquer la « discrimination positive » en direction des pauvres dans un monde où les inégalités, au nom de l'efficacité économique, sont considérées comme nécessaires. Dans cette société, une part grandissante des biens collectifs (santé, éduction, transports, énergie, communication...) doit être payante. La discrimination positive est alors érigée en béquille d'une compétition engendrant inévitablement des gagnants et des perdants. C'est ainsi que les promoteurs de « l'égalité des chances » déclarent vouloir rompre avec « l'égalitarisme » propre à notre modèle social.
Ce changement de philosophie, quant aux objectifs de la redistribution, revendiqué Outre Manche par le New Labour britannique, mérite pour le moins débat ! Il y a peu la réputation de notre modèle social dépassait largement les frontières européennes : nos élites expliquaient que nous avions le meilleur système de sécurité sociale et de santé du monde, le système éducatif le moins inégalitaire, le système de transport le plus sûr, le meilleur maillage postal et téléphonique possible du territoire, une production et une distribution de l'énergie performante et accessible à tous... Notre modèle social, l'Etat social, a malheureusement été peu à peu détricoté et implicitement mis en conformité avec quelques principes de libéralisme anglo-saxon. Pour les socialistes, l'objectif de la redistribution doit rester la correction des inégalités de revenus, pour assurer au mieux le principe « à chacun selon son travail ». Elle doit aussi permettre d'approcher le principe « à chacun selon ses besoins » en permettant l'accès de tous à une liste de biens publics essentiels selon le principe de la gratuité ou du moindre prix. Une telle égalité d'accès doit être assortie d'un financement par l'impôt progressif, mettant les individus à contribution selon leurs capacités contributives.
En matière fiscale des choix sérieux s'imposent, de même qu'une autre réforme des retraites et de l'assurance maladie.
L'autre réforme fiscale
Il faut revenir sur les réformes libérales de l'ISF et des droits de succession. Une mise à plat de toutes les niches fiscales est nécessaire et la lutte contre la fraude fiscale (de 15 à 20% du montant du budget de l'Etat) sera développée.
Il faut proposer l'accroissement de la part de l'impôt sur le revenu dans les recettes fiscales au détriment des impôts indirects. Ceci passe par une extension de l'assiette et une redéfinition du barème afin de rendre à l'impôt sur le revenu sa fonction centrale de redistribution. Seule la moitié des foyers payent aujourd'hui l'impôt sur le revenu qui ne rapporte que 17 % des recettes fiscales. Une extension de l'assiette avec des taux bas pour les bas revenus et un nombre de tranches plus important accroîtrait la redistributivité et le rendement de l'impôt. Il permettrait de réduire la part de la TVA, impôt injuste parce qu'il frappe au même taux riches et pauvres et représentant près de la moitié des recettes fiscales. On pourrait alors réduire la TVA sur un nombre accru de produits de première nécessité. Au total, le pouvoir d'achat des ménages à bas revenus serait amélioré, grâce à la baisse des impôts indirects et malgré leur contribution à l'impôt sur le revenu. L'élargissement de l'assiette de l'impôt sur le revenu est au demeurant primordial pour matérialiser la participation du citoyen à la chose publique et à la solidarité nationale. Après avoir été le bouc émissaire des réformes libérales, la réhabilitation et la réforme de l'impôt sur le revenu sont nécessaires pour doter la puissance publique des ressources nécessaires à ses missions, ces ressources étant prélevées selon le principe de la capacité contributive de chaque citoyen.
La réforme fiscale peut aussi moduler l'impôt sur les sociétés afin de stimuler l'emploi dans les PME.
La fiscalité locale, particulièrement injuste, doit être reconsidérée afin d'introduire de la justice fiscale par le biais de la redistributivité et dans le but de promouvoir la solidarité entre les régions. Il faut pour cela envisager d'intégrer la fiscalité locale dans l'impôt sur le revenu, puis en proposant une péréquation entre les collectivités locales et territoriales dans le cadre de la solidarité nationale.
Protection sociale : abroger les réformes libérales !
Un des premiers engagements des socialistes pour les prochaines échéances électorales doit être d'abroger les réformes des retraites et de l'assurance maladie entreprises depuis 2002.
Un haut niveau de protection sociale n'est pas un handicap pour l'économie, au contraire, il répond à la demande sociale d'une population dont l'espérance de vie s'accroît. Il représente ainsi un secteur porteur de croissance et d'emplois pour lequel nous devons accepter de consacrer une part plus importante de notre PIB. Aux Etats-Unis, où la part des dépenses de santé représente 14 % du PIB (contre 9 % en France), cette part est prise en majeure partie en charge de façon privative par les fonds de pension et les assurances privées, sans que l'efficacité en termes d'état de santé de la population américaine soit avérée. La réforme de la droite a encore réduit la part obligatoire de l'assurance sociale et accru le rôle des complémentaires privées.
Le choix des socialistes doit au contraire être, autant que possible, de privilégier la prise en charge collective des dépenses sociales. Cette voie est plus solidaire et plus efficace du point de vue de la santé publique. Elle nécessite une réforme de gauche du financement de la sécurité sociale. Celles qui ont été entreprises au cours de ces deux dernières décennies ont toutes accru - par l'abaissement des cotisations patronales et la montée en puissance de la CSG - la part des ménages dans le financement. Il est temps de mettre à contribution les entreprises, dans un contexte où les plus capitalistiques d'entre elles ont consolidé leur santé financière.
Compte tenu de la restauration de la santé des entreprises, il est sans doute possible d'augmenter les cotisations patronales, notamment pour financer le système de retraites par répartition. Néanmoins, si l'on tient compte de la diversité du tissu industriel, une modulation des cotisations patronales ou leur basculement vers une assiette valeur ajoutée (celle-ci incluant les profits) sont deux autres pistes en présence dans le débat social. Outre une amélioration de la justice fiscale et sociale, elles produiraient des effets bien plus bénéfiques sur l'emploi des PME riches en main d'œuvre que les traditionnelles « baisses de charges », peu efficaces et sources de nombreux effets pervers (effets d'aubaine et « trappes à bas salaires »). Ce type de mesure favoriserait donc la remise en chantier de la réduction du temps de travail sans que cela ne pèse sur l'emploi dans les PME.
Rendre effectif le droit au logement
Le droit au logement est reconnu comme un droit social depuis 1946, confirmé en 1948 dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, ce droit a été réaffirmé par la loi Besson du 31 mai 1990 dont l'article premier stipule que : "garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l'ensemble de la nation". La loi SRU entrée en vigueur en 2000 (article 55), en instaurant l'obligation aux communes de disposer au moins de 20% de logements sociaux, confirme le devoir de solidarité tout en recommandant de rechercher la mixité sociale.
Aujourd'hui la nouvelle crise de pénurie aiguë de logements entraînant des hausses de prix massives tant dans le secteur de l'accession que dans celui de la location, rend la recherche de la satisfaction de ce droit virtuelle. Les ménages modestes, mais aussi de plus en plus les ménages aux revenus moyens, ont de plus en plus de difficultés à trouver à se loger à des prix abordables.
Dans ce contexte les besoins en logements sociaux restent élevés, la demande sur l'ensemble du pays est estimée à plus de 1 million de logements (à comparer aux 4 217 000 logements sociaux répertoriés au 1er janvier 2003). Pourtant la production de logements sociaux est en baisse, alors que l'on a construit 89 000 logements sociaux en 1994, on n'en a construit que 43 000 par an en 1999 (à comparer aux 140 000 logements sociaux livrés pour la seule année 1971).
De plus, compte tenu de la montée des difficultés sociales et de la précarité, le « mal logement » a considérablement augmenté chez les plus pauvres qui sont astreints aux solutions provisoires qui les éloignent davantage d'un accès à l'emploi. Et les expulsions augmentent également, malgré les mesures de prévention mises en place à l'origine par la gauche.
Il est enfin admis que l'effort de la collectivité publique en faveur du logement a globalement baissé au regard des besoins (En 2003 et en 2004 l'Etat a davantage prélevé sur le logement qu'il n'a redistribué !) ; et la redistribution a été favorable aux ménages moyens et aisés grâce aux aides fiscales consenties.
Il est clair que le logement constitue un secteur stratégique pour l'égalité et qu'on ne saurait se contenter en la matière de faux semblants ou de mesures d'appels à la bonté, tout en faisant de l'immobilier et du foncier un champ d'action privilégié des fonds de pensions et des caisses de retraite. Il faut une politique alternative.
Celle-ci doit reposer sur 4 axes :
•Créer une obligation de résultat juridiquement opposable
•Décentraliser la mise en œuvre du droit au logement
•Augmenter significativement une offre sociale diversifiée, y compris en direction
des plus pauvres et des précaires
•Sécuriser les mécanismes juridiques, financiers et sociaux de l'accès au logement
Le droit effectif au logement opposable et la satisfaction des énormes besoins actuels, dans des contextes urbains favorables pour ne pas recommencer des erreurs passées, doivent être une priorité des socialistes
Bref, de la volonté pour contrer la logique inégalitaire du marché, avec un objectif : un logement décent pour tous !
Prendre en compte les évolutions de la société.
Les résultats de la recherche scientifique, les nouvelles technologies, l'aspiration à de nouveaux modes de vie font bouger le cadre socio culturel dans lequel nous évoluons. Il est de notre devoir de socialistes de prendre à bras le corps ces nouvelles réalités, favoriser le débat démocratique indispensable afin de donner le cadre juridique adapté à ces évolutions. Pour cela la représentation parlementaire doit aborder ces questions sans tabous. Des décisions sur la bioéthique, l'euthanasie, le mariage homosexuel et l'homo-parentalité par exemple ont été trop longtemps ajournées. Ils constituent des causes de souffrance et à ce titre ne peuvent être ignorées plus longtemps.
3. POUR LES SERVICES PUBLICS
Outre l'augmentation des salaires et la redistribution, l'accès gratuit ou au moindre prix à une liste de biens publics essentiels est une condition de l'égalité.
Ce qui fait la nécessité d'une action publique en la matière ne relève pas d'un quelconque attachement dogmatique au contrôle de l'Etat sur l'économie, mais renvoie à la définition de domaines spécifiques où le client doit s'effacer devant le citoyen : cohésion sociale, aménagement du territoire, transports, santé, éducation, eau, énergie, etc... L'arrêt du démantèlement des services publics est plus que jamais d'actualité si l'on songe aux défis auxquels sont confrontés les européens (exclusion sociale, dislocation des territoires, développement et démocratisation des avancées technologiques...). Outre l'arrêt du processus de privatisation et de filialisation en cours des services publics concernés (EDF-GDF, France Telecom, La Poste, la SNCF...) et leur recapitalisation par la puissance publique, la nationalisation du bien vital qu'est l'eau doit être envisagée.
Le modèle libéral revient à confier la gestion des missions « d'intérêt général » a des entreprises « ouvertes à la concurrence ». Il s'avère particulièrement inefficace pour développer ces activités qui sont pour la plupart des activités de réseau. Le marché est incapable spontanément de développer ces activités parce que l'installation et l'entretien du réseau est caractérisé par des coûts fixes importants. Une fois installées, ces activités occasionnent des « rendements croissants » : cela coûte de moins en moins cher, si ce n'est rien du tout, d'en faire bénéficier un usager supplémentaire, au point que l'accès gratuit ou au moindre prix soit rendu possible. Cependant, une telle tarification au moindre prix, compatible avec une mission « d'intérêt général », ne permet pas à l'entreprise de dégager du profit, compte tenu de l'importance des coûts fixes de gestion et d'entretien du réseau. Parce que les pertes encourues sont consubstantielles à toute activité de réseau assurant une mission de service public, il est donc indispensable que l'Etat puisse compenser celles-ci, voire en prendre lui-même en charge la production par le biais de la politique industrielle et de la constitution de vastes secteurs publics.
Malheureusement, le principe de la « concurrence libre et non faussée », sous-jacent aux directives sur l'ouverture à la concurrence, l'interdit. Le modèle libéral de Services d'intérêt économiques généraux promeut aujourd'hui des entreprises soumises à la concurrence et ne pouvant à ce titre bénéficier d'aucune aide publique. Des entreprises s'orientant vers ce schéma telles que France Télécom, EDF, GDF, la SNCF et la Poste sont par conséquent conduites à pratiquer une sur-tarification ou à renâcler sur la qualité des prestations, fermer les gares et les bureaux de poste. Interdites de subventions et de dotations publiques en capital, elles finissent « ouvrir leur capital » à des actionnaires privés. La rentabilité financière réclamée par ces derniers est alors difficilement compatible avec les prestations au moindre prix, synonyme de pertes...
La parade des libéraux à ce paradoxe des pertes en rendements croissants est parfois de concéder la gestion des infrastructures à l'Etat en réservant l'exploitation du réseau aux entreprises « ouvertes à la concurrence ». Cette stratégie, autorisée par les directives européennes, revient à socialiser les pertes et privatiser les profits tout en générant des défauts de coordination entre opérateurs et entreprises chargées de l'entretien du réseau. Les entités publiques chargées de l'entretien des infrastructures restent malgré tout tributaires des pénuries budgétaires, organisées par les politiques de réduction des dépenses publiques. En France, les entreprises publiques assurant l'entretien des réseaux, tels RFF, sont victimes de leur autonomie budgétaire, organisée dans le cadre même de la filialisation des entreprises publiques, c'est-à-dire de l'ouverture à la concurrence de chaque type d'activité que l'on aura « saucissonné » pour interdire que les bénéfices des unes ne financent les pertes des autres et ne viennent « fausser la concurrence ». Elles finiront par « ouvrir leur capital ».
Il faut lancer un débat en Europe pour faire émerger des consortiums publics européens dans ces secteurs ayant pour vocation d'assurer des missions de service public. Il faut pour cela rediscuter de la notion de SIEG.
Enfin, parce que l'exigence de lien social rend indispensable la réhabilitation des services publics, un terme doit être mis aux destructions d'emplois publics transitant par le non remplacement des départs en retraite et l'arrêt des créations de postes. Il faut maintenant préférer la relance de l'emploi public, offrant perspectives de carrières et de qualification aux emplois aidés, précaires et sources de nombreux effets pervers.
4. POUR L'EDUCATION
Les libéraux veulent adapter l'école à la mondialisation marchande
L'ambition pour l'école claironnée par Jacques Chirac, en particulier dans le domaine de la réduction des inégalités scolaires, s'est vite révélée n'être qu'une recherche frénétique d'économie de moyens, affaiblissant chaque fois un peu plus le service public d'éducation. Trois ministres de l'éducation nationale se sont succédés en trois ans, montrant le peu d'intérêt de la droite à chercher des solutions sérieuses et durables pour dégripper notre système éducatif et lui permettre d'améliorer ses performances en matière de réussite des élèves. Le « grand débat national sur l'école », qui a duré un an et mis à jour une série de pistes intéressantes de mesures, n'a pas trouvé d'autre débouché qu'une loi d'orientation creuse, réduite, elle aussi, à une recherche d'économie de moyens.
Il ne faut pourtant pas voir dans cette incapacité à promouvoir une école de la connaissance, des savoirs et de la réussite pour tous, une absence de projet ou une simple cécité gestionnaire ou comptable. À travers la baisse constante et sensible des moyens matériels et humains de l'Education Nationale, la droite poursuit un projet qu'on retrouve explicitement inscrit dans tous les programmes libéraux. Il consiste à organiser une éducation à plusieurs étages. Le premier, ouvert à tous, correspondant à la période de l'école obligatoire (jusqu'à 16 ans), poursuivrait l'objectif de transmettre un socle commun minimum de connaissances, de savoir faire et de savoir vivre à tous les jeunes. Les suivants organiseraient l'écrémage, à travers les différentes voies du lycée -générale, technologique et professionnelle- et de l'Université. La base de mérite en serait sans doute maintenue, mais toute la politique d'économies menée fragilise ou remet en cause les moyens accordés aux dispositifs et tentatives de réduire l'échec et les inégalités scolaires et universitaires. La droite veut laisser jouer librement les facteurs de prédétermination sociaux liés aux origines, aux moyens financiers des familles et à leur localisation territoriale. Elle entend, d'une part, renforcer tout ce qui aggrave les inégalités de départ (y compris à travers l'autonomie financière croissante des lycées et des universités), et, d'autre part, livrer autant que possible l'enseignement et la formation professionnels aux entreprises.
Cette volonté politique rencontre celle du MEDEF qui veut promouvoir la « gestion par les compétences », repérables et évaluables, selon l'organisation patronale, surtout dans les entreprises et sur les lieux de travail. Pour les grandes entreprises, il s'agit d'établir un système de valeurs permettant de monnayer la force de travail, concurrent des qualifications construites par l'Education Nationale et d'autres services de l'Etat, qui sont certifiés par des diplômes nationaux. Ceci va de pair évidemment avec la remise en cause des conventions collectives et des niveaux de salaires afférents à telle ou telle qualification, conquis par le mouvement ouvrier. Parallèlement, ce système permet de développer un grand marché des compétences, sur lequel des officines privées de toutes sortes et surtout des entreprises de formation, filiales de groupes de communication, d'édition ou de multinationales industrielles et financières, proposeront des formations à telle ou telle compétence professionnelle. La marchandisation de l'éducation passe essentiellement par ce biais, à l'extérieur du système éducatif, en concurrence avec lui, par l'offre croissante de formation à des compétences étroites, que le progrès des sciences et des techniques rend vite inadaptées, et qu'il faut donc renouveler, en achetant sur le marché de nouvelles formations aux nouvelles compétences exigibles par les entreprises.
Les fronts de la bataille progressiste pour l'éducation du 21e siècle.
Notre conception républicaine, universelle et de service public de l'école doit être fermement défendue face au rouleau compresseur du marché. Pour cela, il nous faut renforcer, développer ses missions fondamentales d'égalité, d'ascension et d'émancipation sociales, ainsi que les qualifications construites dans notre système éducatif. Pour les socialistes, l'école doit d'abord permettre aux jeunes de s'humaniser, c'est-à-dire d'accéder aux outils du travail de construction sociale : aux lettres, à l'histoire et à la géographie, aux mathématiques et aux sciences expérimentales, aux langues et à la technologie. Elle doit éduquer le citoyen du 21e siècle comme une personne consciente de ses droits et de ses devoirs en République, introduite au droit social et aux combats d'émancipation qui l'ont construit, ouverte aux nouvelles dimensions de l'écologie et du développement solidaire et durable. Elle doit enfin former le futur travailleur, le qualifier pour un métier ou un champ de métiers, le professionnaliser de façon durable. Ce qui signifie qu'il faut lui donner les savoirs fondamentaux et transversaux, et les qualifications professionnelles larges, qui lui permettront de se requalifier tout au long de la vie, parce que le rythme des innovations technologiques contraindra de plus en plus les nouvelles générations à embrasser différents métiers et de multiples emplois. Dans cette logique il est nécessaire de bien mieux former nos jeunes générations à la connaissance des langues étrangères, domaine dans lequel la France a pris un retard dommageable notamment vis-à-vis de nos partenaires européens. Un objectif réalisable est de former des générations de bilingues. Une telle ambition - qui ne peut signifier la seule dictature de l'anglais - est indispensable pour que l'école prépare convenablement les générations futures. Cela passe par repenser les méthodes et les moyens de l'enseignement des langues.
C'est au regard de ces enjeux et de cette bataille fondamentale entre les forces qui mènent à la marchandisation de l'éducation et celles qui veulent une école républicaine et de service public, que la gauche doit penser un nouveau projet pour l'école. C'est la condition pour replacer celle-ci au centre de la construction de l'égalité sociale.
Relancer l'ascenseur social
Le diagnostic sur l'état de notre système éducatif commence à être connu. Il est formé par de multiples études de sociologues, d'instituts de recherche, de rapports d'experts et d'études comparatives des systèmes éducatifs en Europe et dans le monde. Ces rapports convergent pour mettre en évidence un constat fondamental d'où il faut partir. L'accès à l'éducation, non seulement primaire et secondaire, mais y compris supérieure, s'est massifié. Toute une classe d'âge accède aux savoirs fondamentaux du collège. On la retrouve ensuite inégalement répartie dans les trois voies d'enseignement secondaire des lycées : les voies générale, technologique et professionnelle. 62% des jeunes d'une même classe d'âge deviennent bacheliers ; la moitié de ces bacheliers ont obtenu un baccalauréat technologique ou professionnel. La poursuite d'études universitaires courtes ou longues s'est également massifiée. Mais les enfants issus des couches sociales défavorisées ont le plus grand mal à tirer leur épingle du jeu. Ils sont mis en échec dès le collège (les études montrent que les inégalités de trajectoires ultérieures sont même très largement jouées avant l'entrée au collège !). Six ans après leur entrée au collège, un quart de ces enfants ont déjà quitté le système éducatif contre un dixième pour l'ensemble des jeunes. Au collège, leurs talents et leurs mérites sont peu reconnus, souvent brimés et dévalorisés. Ils sont orientés contre leur gré. On les retrouve massivement dans la voie professionnelle ; seulement un tiers accède à la voie générale et technologique, et, dans ce cas, ils sont surreprésentés parmi les redoublants et au sein des formations technologiques. Dans les filières professionnelles, ils sont seulement 1 sur 3 à accéder au baccalauréat professionnel, alors que 9 lycéens sur 10 accèdent au bac dans les filières générales et technologiques. Ils n'ont pas accès à l'information sur les parcours scolaires et les métiers auxquels ils pourraient se préparer. La plupart de ceux d'entre eux qui accèdent à l'enseignement supérieur sont rapidement éliminés. Ils forment les cohortes des sorties sans qualification du système éducatif, ou, munis d'un diplôme sans formation professionnelle qualifiante, ils deviennent les laissés pour compte de l'emploi. Enfin, face à une précarisation de leur condition, les jeunes doivent avoir recours aux petits boulots précaires, bien souvent incompatibles avec une poursuite d'étude sérieuse. Le système d'aide social est, de fait, inadapté et incohérent, il n'a pas pris en compte la massification de l'accès à l'éducation.
En d'autres termes, la massification de l'accès à l'éducation est loin d'avoir progressé de pair avec la démocratisation des parcours éducatifs et de l'accès aux qualifications. C'est à ce chantier de la démocratisation qu'un projet de gauche pour l'école doit répondre. Il s'agit de repérer les raisons, les facteurs, les moments de l'élimination ou de la ghettoïsation des jeunes issus des couches populaires, pour élaborer les solutions et les moyens, autant qualitatifs que quantitatifs, qui permettraient de corriger ces déficits de démocratie scolaire.
Assurer l'apprentissage de la langue et des savoirs de base à l'école primaire. Valoriser toutes les intelligences au collège. Leur permettre de s'épanouir, pour construire avec chaque collégien un choix d'orientation positif. Faire en sorte que tous les élèves trouvent du sens aux activités scolaires (les études montrent que la culture scolaire, très proche de celle des classes privilégiées, a peu de sens pour les jeunes des milieux défavorisés, ce qui les amènent à s'en détourner). Reconnaître dans les faits et dans les droits aux formations professionnelles et technologiques la même dignité et une importance équivalente à celles de la voie générale. Fluidifier les parcours dans la voie professionnelle pour atteindre le baccalauréat dans les mêmes proportions que dans les autres voies. Construire les passerelles les plus efficaces entre les différentes filières d'enseignement pour permettre aux jeunes de se réorienter, de reprendre ou de poursuivre les études correspondant à leurs capacités et à leurs choix. Assurer une fin d'étude professionnalisante et qualifiante à tous les niveaux de sorties du système éducatif. Donner à chacun, le droit de poursuivre les études de son choix. Offrir un service public de formation continue et de validation des acquis de l'expérience. Tels sont les chantiers de la transformation nécessaire de notre système éducatif pour avancer vers l'égalité et la réussite de tous.
Ils peuvent être organisés autour de 6 priorités éducatives :
Il faut inscrire comme une finalité prioritaire l'objectif de 100% de jeunes qualifiés à la sortie de notre système éducatif (et non seulement de 100% ayant obtenu un diplôme, c'est-à-dire au moins le brevet des collèges). Depuis 10 ans, 160 000 jeunes quittent le système éducatif sans ni un CAP, ni un BEP, ni un baccalauréat ; les deux tiers d'entre eux sont des enfants d'ouvriers, de personnels de service ou d'inactifs. Parmi eux 60 000 ont un brevet des collèges en poche, mais leurs difficultés d'insertion professionnelle restent très sensiblement identiques à celles des 100 000 autres. Ces jeunes sont ceux qui bénéficient le moins de l'effort de formation de la Nation pour sa jeunesse. Ils auront aussi le plus de mal à s'insérer dans le milieu du travail et à accéder ensuite à la formation continue des adultes. Mais cet objectif vaut aussi pour les 100 000 jeunes qui sortent avec seulement un bac général et pour les milliers d'autres qui échouent dans le premier cycle universitaire ou qui n'obtiennent guère plus qu'un diplôme universitaire sans qualification professionnelle. Les études du CEREQ (centre d'études et de recherche sur les qualifications), portant sur le devenir professionnel de plusieurs générations, ont montré que la facilité de leur insertion dans l'emploi dépendait directement du niveau d'étude et du diplôme atteints à la sortie, mais aussi de façon déterminante de la nature qualifiante ou pas du diplôme obtenu. La République doit s'engager à garantir à tous ces jeunes une période de formation professionnalisante, débouchant sur un diplôme donnant accès à un métier ou une famille de métiers, avant leur sortie du système éducatif.
Il existe aujourd'hui un trop grand nombre d'établissements ghettos (écoles, collèges et lycées) qui condamnent les jeunes qui s'y trouvent confinés et sont une véritable honte pour notre système républicain d'enseignement. Il faut en finir avec ces zones de non droits, dues autant à l'abandon de l'institution qu'au climat qu'y font régner des bandes ou certains élèves. Tous les moyens internes et externes à l'institution scolaire doivent être mobilisés dans ce but. Les cartes et les secteurs scolaires doivent être revus dans le but d'assurer une véritable mixité sociale. L'outil de la ZEP doit être actualisé pour concentrer les moyens là où se trouvent les urgences véritables, ce qui implique une simplification des dispositifs, une revivification des projets de zone, une redéfinition de la carte et un accompagnement des personnels. Sur cette base, les moyens donnés aux établissements classés en ZEP doivent être très significativement augmentés.
Les idées de « lycées parkings » ou de l'échec attachés aux lycées professionnels est un préjugé aussi généralement faux que tenace, d'autant qu'il est porté par le reste de la communauté scolaire. Faire connaître ces lycées auprès des enseignants des collèges et des parents, valoriser l'excellence de leurs formations et décloisonner celles-ci à travers la dynamique des « lycées de métiers », et permettre de véritables poursuites d'études, c'est ouvrir une voie de réussite de masse aux jeunes des milieux défavorisés plus efficace que les stériles compassions des chantres de la voie générale.
Une démocratisation en profondeur de l'enseignement supérieur passe par une véritable « révolution pédagogique ». Augmenter les taux d'encadrement en 1er cycle universitaire. Renforcer le tutorat d'accompagnement des étudiants. Constituer de véritables équipes pédagogiques. Développer des cursus pluridisciplinaire. Prendre en compte les activités pédagogiques dans la valorisation de la carrière des enseignants. Flécher les crédits de ces dispositifs pour éviter la tendance « naturelle » au tarissement de leurs financements dans le cadre de « l'autonomie » des universités. Réserver un quota significatif de places en IUT aux bacheliers technologiques. Ouvrir davantage les portes des STS et des IUT aux bacheliers professionnels tertiaires et permettre aux bacs pro industriels d'accéder aux BTS de leur champ professionnel. Augmenter les flux vers la licence professionnelle pour faciliter l'accès au grade de la licence des titulaires de BTS et de DUT. Adapter les cursus selon le principe de la professionnalisation durable : à chaque niveau de sortie, une qualification reconnue et une possibilité réelle de poursuite d'études. De telles mesures limiteraient sensiblement l'hémorragie des échecs et des abandons constatés dans le premier cycle. Elles permettraient à de nombreux jeunes d'accéder à une qualification diplômante, garante d'une insertion professionnelle réussie. Démocratiser l'université, c'est aussi encadrer l'autonomie des Universités par un « ordre public éducatif », en rétablissant des règles communes en matière de frais d'inscription et de contrôle des connaissances. C'est enfin renforcer le cadre national des formations et des diplômes.
Toutes les études montrent l'importance des activités extra scolaires dans la réussite des jeunes des milieux défavorisés. La mobilisation des collectivités locales et des élus, des associations péri éducatives et des parents autour de l'école est une condition de la réussite. Organiser l'espace éducatif, intégrer l'école dans le territoire et développer les contrats éducatifs partagés, c'est créer un climat général favorable à l'institution scolaire et aux jeunes. Les comparaisons internationales montrent que les pays où l'école tient une place centrale et reconnue sont ceux qui obtiennent les meilleurs résultats.
Alors que les jeunes sont touchés de plein fouet par les ravages du libéralisme économique et qu'ils sont les premières victimes de la précarisation croissante dans notre société, les socialistes doivent porter des propositions qui leur garantissent des conditions de vie et d'études décentes. Afin d'assurer leur autonomie financière, sociale et intellectuelle, les jeunes majeurs en formation ou à la recherche d'un emploi doivent pouvoir bénéficier d'une allocation individualisée qui leur permette de sortir de la dépendance familiale ou de celle des petits boulots précaires pour réaliser leur choix d'étude et de formation professionnelle.
Dans un espace européen qui affiche l'ambition de construire une société de la connaissance, il est ainsi possible à la fois de relancer le moteur de l'ascenseur social et d'augmenter l'alimentation et la réussite de l'enseignement supérieur. C'est la condition pour satisfaire à la fois aux exigences de la justice sociale et aux besoins du développement économique.
5. POUR LA DEMOCRATIE
La crise sociale que traverse notre pays se double d'une crise politique extrêmement profonde, avec des indicateurs lourds : alternance systématique depuis 20 ans, abstentionnisme massif et récurrent, ancrage électoral du Front National, crise de la représentation politique. Les symptômes sont inquiétants, et préparent le terrain à de graves troubles démocratiques.
L'urgence sociale associée à l'urgence démocratique rend impérative une réponse forte, durable, réellement capable d'inverser ces tendances. Il faut donc dès maintenant engager le chantier de l'alternative démocratique en commençant par le plus simple pour nous, socialistes : la réforme de notre Parti. Celle-ci sera évoquée comme un élément important de la stratégie que nous proposons.
Pour le citoyen, l'alternative démocratique passera par le renforcement de la démocratie participative et de la démocratie directe, la définition et la mise en place de nouvelles institutions pour la République, une réflexion féconde sur les médias et la démocratie.
Le renforcement de la démocratie participative et de la démocratie directe
Toutes les analyses sociologiques récentes ont montré que le citoyen, malgré d'individualisme dominant dont on le gratifie, souhaite s'engager pour la défense des défavorisés et pour l'aménagement du territoire dans lequel il vit. Il souhaite aussi être davantage impliqué dans la gestion locale des politiques publiques. Cela est aussi vrai pour les populations en difficultés sociales. Nous devons proposer de nouvelles avancées en la matière et réaliser au plus tôt notre promesse de droit de vote aux immigrés. Ces nouvelles avancées passent le plus souvent par des initiatives locales que les collectivités territoriales dirigées par la gauche se doivent de promouvoir et de pousser toujours plus loin. Disposer de centres de ressources régionaux sur la démocratie participative serait d'ailleurs utile.
On sait aussi le succès des universités ou des écoles de la citoyenneté, dont la multiplication devra être encouragée.
Enfin, notre démocratie est aujourd'hui en pleine mutation. Les niveaux de décision ont rapidement évolué. Le niveau intercommunal, souvent plus pertinent pour mener de véritables politiques de développement, a acquis des compétences capitales. Les lois successives de décentralisation, dont la loi Chevènement, ont institué de nouveaux territoires administrés par des élus au second degré.
Efficaces politiquement, les intercommunalités constituent pourtant des zones de non-droit démocratique qui déstabilisent l'exercice de la démocratie locale : isolement des oppositions municipales, collusions droite-gauche, absence de contrôle des citoyens...
L'élection au suffrage universel direct des conseillers intercommunaux selon des modalités spécifiques différentes entre les zones urbaines et les zones rurales permettra de remettre en place une vie démocratique et garantira la transparence du débat politique et donc la vitalité de l'action militante au niveau local.
Vers la VIe République
Entre une démocratie représentative en danger, une démocratie d'opinion contrôlée par les médias et les puissances de l'argent et une démocratie directe sujette à toutes les manipulations et émotions instantanées, nous souhaitons développer de véritables pratiques de démocratie délibérative et participative.
Les institutions de la Vème République revues et corrigées depuis 1958 ne sont plus adaptées : avec le quinquennat, elles nous plongent dans une présidentialisation qui pervertit la vie des partis politiques et le débat d'idées. La Constitution de 1958 ne répond pas aux exigences d'une démocratie moderne et participative.
Conscients que la question sociale ne peut se résoudre exclusivement par des changements institutionnels nous sommes néanmoins convaincus que le moment est venu de changer de République !
Soyons clair : cette 6ème république doit avant tout consacrer un régime parlementaire rénové. Si l'on n'y prend garde, notre Parti ne sera bientôt plus que l'équivalent d'un parti démocrate à l'américaine centré sur la désignation d'un candidat à l'élection présidentielle... Il nous appartient de replacer les enjeux politiques sur le terrain des débats d'idées et des modèles de société. C'est pourquoi l'élection législative, celle des représentants du peuple, doit redevenir le rendez-vous électoral primordial. Plus que jamais, nous sommes favorables à une démocratie parlementaire renforcée avec un Parlement ayant la maîtrise de son ordre du jour et un réel pouvoir de contrôle sur l'exécutif. Le principe même de l'élection du Président de la République au suffrage universel mérite d'être réexaminé.
Il est possible d'engager un certain nombre de réformes importantes qui favoriseraient une démocratie parlementaire renforcée, si l'on veut bien considérer que le pouvoir est mieux exercé collectivement que par un seul homme et que son partage oblige à la confrontation des points de vue. Dans cette perspective, nous proposons de renforcer le pouvoir exécutif du Premier Ministre (nomination des hauts fonctionnaires...) par rapport à celui du Président de la République qui ne doit garder que son rôle d'arbitre, de renforcer le pouvoir de contrôle du parlement sur le pouvoir exécutif, de donner au parlement la maîtrise de son ordre du jour, d'instaurer le mandat unique pour les parlementaires, de changer le mode de scrutin de l'Assemblée Nationale, en introduisant la proportionnelle, pour la rendre plus représentative, et celui du Sénat, pour y permettre l'alternance politique.
Nos propositions doivent évidemment être conformes aux changements internes que nous prônons : une limitation du cumul dans le temps à 3 mandats ou à 18 ans consécutifs.
La loi d'initiative citoyenne peut également être le symbole fort d'une nouvelle conception de la démocratie. Le principe en est simple : toute proposition de loi ayant recueilli la signature de 500 000 citoyens doit pouvoir être inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale dans les 6 mois qui suivent son dépôt. Si, au bout de deux ans, la loi n'est pas votée et promulguée ou si le texte voté ne leur convient pas, les initiateurs peuvent demander que soit organisé un référendum. Ils doivent pour cela recueillir 800 000 signatures dans 10 régions différentes. Pour pouvoir être soumis à référendum, le texte doit être conforme à la Déclaration européenne des Droits de l'homme.
Une réforme en profondeur de nos institutions doit être élaborée démocratiquement. C'est pourquoi nous proposons que la prochaine Assemblée Nationale fasse des propositions dans ce sens.
Pour une immigration et une intégration concrète
La question de l'immigration est au cœur des débats qui traversent notre société. Les politiques menées dans ce domaine par la droite, face auxquelles la gauche a rarement su trouver des réponses appropriées, a eu trois conséquences majeures.
Tout d'abord la remise en cause systématique des politiques sociales et l'importance prise par la spéculation immobilière, ont abouti à l'apparition de véritables ghettos - un « apartheid de fait » - visibles dès aujourd'hui dans les paysages de nos villes. Dans ce domaine comme dans les autres, c'est bien le modèle anglo-saxon que le libéralisme souhaite imposer.
Ensuite, le développement du « tout sécuritaire » - avec dans la plupart des cas la volonté cyniquement assumée de désigner l'immigré comme bouc émissaire censé concentrer sur lui les colères suscitées par la misère sociale qu'engendre le libéralisme économique - ont encouragé d'un côté une montée de sentiments racistes et xénophobes et de l'autre la tentation du repli communautaire.
Enfin le maintien d'une «immigration zéro », sans jamais tenir compte des réalités, a favorisé de très importants flux de clandestins dans l'ensemble des pays d'Europe occidentale et notamment en France.
Pour poser ce débat sur de nouvelles bases, préserver le modèle français laïque d'intégration tout en dégageant une issue positive à ces questions, les socialistes doivent avoir le courage de rouvrir, sans tabous, ce dossier.
En premier lieu en remettant en cause l'illusion d'une fermeture totale de nos frontières. Deux arguments majeurs plaident en ce sens. D'abord une telle politique pose des problèmes humains considérables dans un monde globalisé où les écarts de revenus entre pays pauvres et pays riches ne cessent de s'accroître encourageant une importante immigration clandestine effectuée dans des conditions innommables. A côté de cette première motivation, il serait utile de prendre enfin la juste mesure des évolutions démographiques de la société française et de leurs conséquences à moyen terme. L'augmentation continue de l'espérance de vie combinée au maintien de faibles indices de fécondité, entraînent un important vieillissement - qui va encore s'aggraver avec l'arrivée de la génération du « Baby boom » dans la classe d'âge des plus de 65 ans - dont nous connaissons tous les conséquences tant du point de l'activité que de celui des retraites ou de la protection sociale.
Dans une telle situation, la France doit admettre la nécessité d'engager une nouvelle politique d'immigration maîtrisée. Il n'y a pas d'autres moyens crédibles pour, à la fois développer une véritable lutte contre l'immigration clandestine et les réseaux mafieux qu'elle engendre, et en même temps anticiper sur les conséquences démographiques et sociales du vieillissement de la population française. Encore convient-il de préciser que cette nouvelle politique - contrairement à ce que semblent envisager certains courants de la droite et du MEDEF lorsqu'ils parlent de « quotas » - ne peut en aucun cas être un simple retour en arrière, à la situation que nous connaissions avant 1974 quand l'Etat sous-traitait dans les faits au patronat l'organisation des flux migratoires.
Organiser une immigration maîtrisée ne peut être envisagé qu'avec des mesures d'accompagnement social sans lesquelles on ne peut imaginer ni un accueil digne ni une intégration de ces populations. Ceci revient à aborder le problème de la situation, dans la société française, des immigrés et des personnes issues de l'immigration aujourd'hui en bute à la discrimination raciale et souvent confinés dans une situation d'extrême précarisation.
De ce point de vue il est certainement temps de passer de l'affirmation indispensable des principes généraux qui nous animent à leur application concrète :
Engager une réflexion sur les médias et la démocratie
La main mise de groupes industriels multinationaux et de groupes financiers puissants sur la plupart des médias pose indiscutablement problème ; on a pu s'en rendre compte à l'occasion de la dernière campagne référendaire. Aux critiques faites aux grands médias il n'a souvent été opposé qu'une analyse purement statistique des faits. Cette réponse est un peu courte. En effet l'équilibre d'expression de la pluralité ne peut se réduire à une statistique, fut-elle égalitaire, car la dimension qualitative des expositions médiatiques joue de manière décisive dans la perception que peut en avoir la population. Cette dernière ne s'y est d'ailleurs pas trompée critiquant assez sérieusement les médias publics, qui sont encore dans notre pays, vécus comme des médias sur lesquels l'exigence d'impartialité doit être une règle inflexible.
On ne peut se satisfaire de cet état de fait dans une société qui voudrait construire une alternative socialiste. Il est indispensable de faire émerger des propositions concrètes permettant de garantir la pluralité réelle et non pas seulement formelle dans les débats de notre société. Pendant cette campagne des rassemblements de professionnels du secteur ont vu le jour. Il nous appartiendra de les associer à ce travail de réflexion.
6. POUR L'ECOLOGIE ET L'ENVIRONNEMENT
Les réponses aux menaces écologiques amènent à des changements radicaux de société et à des luttes accrues contre le néo-libéralisme.
Nul ne peut nier aujourd'hui l'ampleur et le caractère grave des risques encourus par notre planète, risques globaux dont chaque pays hérite de sa part en fonction de ses caractéristiques propres :
Epuisement des ressources en eaux douces et des ressources halieutiques, détérioration du climat avec comme conséquences une multiplication des catastrophes naturelles, accroissement de la désertification entraînant une augmentation des famines, disparition de nombreuses espèces de la faune et de la flore, multiplication de l'usage de technologies dont les impacts ne sont pas clairement maîtrisés comme les O.G.M. et le nucléaire...
On en connaît aussi les causes : une allocation des ressources inadaptée et ne prenant pas en compte les conséquences sur l'environnement, le productivisme non maîtrisé tant dans l'industrie que dans l'agriculture, la quête du profit maximum, la pauvreté des pays du Sud, un commerce mondial débridé, l'égoïsme des pays riches, et plus particulièrement des Etats-Unis, les incapacités de la gouvernance mondiale en la matière.
Les remèdes préconisés jusqu'ici tournent autour du concept de « développement durable », qui nous interroge en permanence sur : Quelle terre laisserons nous à nos enfants et à nos petits enfants ? Hélas, opérationnellement, ce concept a du mal à produire ses effets, car il est peu compatible avec notre économie de marché, avec le libéralisme économique en vigueur dans le mode de production et les échanges internationaux ainsi qu'avec le refus des grandes entreprises multinationales de s'attaquer aux racines du mal dans leurs propres activités, tout en multipliant les discours généreux. De plus, les contradictions entre les perspectives des pays riches et celles des pays pauvres sur ce thème sont difficiles à réduire.
Chaque fois par exemple, qu'en manière d'énergie alternative, de lutte contre les émissions de CO², de révision des modes de production agricole, les mesures radicales qui s'imposeraient sont proposées, de multiples lobbies et les gouvernants des Etats s'accordent pour montrer que c'est difficilement jouable et qu'il faut tempérer les ardeurs de ceux qu'on a vite fait de qualifier d' «écologistes radicaux ».
Les deux types de réponses actuellement en vigueur sont également inappropriées : La marchandisation des droits à polluer ne fait que renforcer les concepts qui ont produit les atteintes à l'environnement. Quant aux thèses sur la nécessaire »décroissance », il se heurte aux réalités de la situation actuelle et de ses cortèges d'inégalités, tant entre pays qu'à l'intérieur des pays.
Il est clair que c'est notre mode de développement qui est en jeu : Le néo-libéralisme a intérêt à faire croire que croissance et développement vont de pair. Nous, socialistes du 21ème siècle, devons objecter qu'il y a une distinction radicale entre les deux concepts : La croissance prise comme augmentation d'un nombre toujours plus grand de marchandises à consommer renvoie à la valeur d'échange. Elle repose sur la compétition entre les entreprises et entre les territoires. Le développement comme amélioration du bien être et source d'épanouissement des potentialités humaines renvoie à la valeur d'usage, et doit être notre perspective dans l'évolution de notre société. Il renvoie aussi à l'émulation, aux synergies et aux solidarités.
La promotion de cet autre type de développement est tout entière liée à la lutte contre le néo-libéralisme ; elle a un triple champ de mise en œuvre : Le Monde, l'Europe, la France. Ne nous cachons pas que cette lutte sera rude et qu'il faudra du temps et des rapports de forces favorables pour réussir.
Au niveau mondial, le champ principal d'intervention est celui de la gouvernance mondiale ; on ne peut se contenter de créer des institutions destinées à la protection de l'environnement, c'est l'ensemble des institutions consacrées au développement (l'OMC, le FMI, la Banque Mondiale, le BIT,...) qui doit prendre en compte la dimension environnementale et transformer ses aides au développement tout en les adaptant à chaque pays. Le fait de redonner corps au Conseil Economique et Social de l'ONU permettrait également de débattre des « modèles de développement ».
Le niveau européen est le niveau charnière. C'est l'Europe qui peut et qui doit faire entendre sa voix au niveau mondial. C'est en Europe et aux travers des politiques européennes que peut émerger un autre modèle de développement et d'autres formes d'aides au développement des pays pauvres. Ce devrait être l'ambition du projet européen plutôt que de mettre l'accent sur la concurrence libre et non faussée. Nous avons déjà proposé précédemment un programme de grands travaux et de grands projets à caractère écologique. Il faut encourager des expérimentations de « croissance douce » alternative (à l'instar de ce que des communautés ont fait aux Etats-Unis autour du mouvement « Smart Growth ». Il s'agit dans des territoires- et sans doute dans une deuxième étape dans des entreprises- d'encourager sous un mode de démocratie participative des développements d'équipements, d'aménagements et de services publics territoriaux qui répondent aux critères du développement durable, mais qui génèrent d'autres types de modes de vie et une évolution des modes de production. A noter que c'est dans la transformation des quartiers en difficulté qu'en Europe, les expériences les plus intéressantes ont jusqu'ici été faites.
Enfin, si la France se doit d'impulser cette politique en Europe, elle ne peut le faire qu'aux travers de ses politiques structurelles économiques, sociales et d'aménagement du territoire. Elle devra dans ces politiques introduire des critères d'éco-économie et commencer à « dépolluer les esprits », en particulier dans ce qui touche les choix énergétiques, les modes de déplacement des hommes et des marchandises, l'agriculture, l'eau, la distribution, et progressivement les aides publiques aux entreprises pour la production des biens et services.
Bien évidemment, ces évolutions ne peuvent se produire qu'avec un contrôle public des investissements dans des secteurs clés et qu'avec l'appui du mouvement syndical et des associations de consommateurs.
QUATRIEME PARTIE :
CONSTRUIRE UNE MAJORITE DE GAUCHE, EN FRANCE ET EN EUROPE.
Comme nous l'avons exposé, la composition sociologique du vote du 29 mai indique qu'un changement de majorité et de politique dans le pays est possible.
Nous savons également que nos partenaires réfléchissent à une alternative : en Belgique, en Italie, en Allemagne, en Suède, en Grande Bretagne ce débat idéologique et stratégique a lieu dans les partis de gauche.
Tous les pays sont traversés par le paradigme capitaliste néolibéral. La logique économique autant que ses conséquences sociales sont similaires d'un pays à l'autre. Il nous semble que le décalage, voire la coupure, entre les directions politiques et leurs bases traverse tout les pays d'Europe. C'est le mouvement socialiste européen, et en réalité toute la gauche, qui est éclatée. Le peuple, lui, souhaite l'unité. Et sur les bases que l'on sait.
Il s'agit donc de construire l'unité de la gauche sur une orientation de gauche. Cette dernière étant posée et en débat, il reste à savoir comment la faire aboutir. A toutes les échelles, nationale, européenne et internationale.
En France, c'est - dans des délais réalistes - d'un Epinay de toute la gauche dont nous avons besoin. La situation l'exige et, surtout, s'y prête.
1. POUR L'EUROPE SOCIALE, UNE MAJORITE DE GAUCHE !
Faire du Parti des socialistes européens un parti transnational
Nombreux sont les socialistes européens qui dressent un bilan sans concession des stratégies et des politiques inspirées du manifeste Blair Schröder, à la portée douteuse en matière économique et sociale, et conduisant les sociaux-démocrates aux pires difficultés lorsqu'il s'agit d'affronter le suffrage universel. Nous sommes de ceux-là.
C'est pourquoi nous appelons au rassemblement, dans le Parti des socialistes européens (PSE), de tous ceux qui partagent le projet d'une refondation de la social-démocratie européenne. Ainsi l'existence de courants au sein du PSE doit devenir une règle démocratique élémentaire. Cela permettra d'avoir enfin des débats politiques de fond permettant de dépasser les cadres de discussion intergouvernementaux. C'est la condition nécessaire pour faire exister un réel internationalisme inhérent à l'identité du socialisme.
En effet, il faut remettre en cause, dans les statuts du PSE, les regroupements nationaux et le fonctionnement intergouvernemental. Ce système a tous les inconvénients : il est un obstacle à la concrétisation de nos valeurs internationalistes tant il reproduit au sein du PSE la culture intergouvernementale qui régit encore l'Europe. Empêchant les contradictions politiques de s'exprimer - et donc d'êtres résolues- la ligne de clivage se réduit à celle existant entre les partis au pouvoir et ceux qui ne le sont pas.
Elaborer une stratégie pour une majorité de gauche en Europe :
L'expérience des 11 gouvernements sociaux démocrates durant la législature de Lionel Jospin a montré les limites d'une stratégie d'accompagnement plus ou moins sociale du libéralisme. Et la question d'une réorientation des politiques économiques est à l'ordre du jour dans toute la gauche (cf. « l'alternative européenne »). Deux objectifs doivent nous guider :
2. POUR BATTRE LA DROITE ET GAGNER EN 2007 :
UN PARTI RENOVE, UN PARTI UNIFIE, UNE GAUCHE EN PHASE AVEC SES ELECTEURS
Changer notre Parti !
L'urgence sociale associée à l'urgence démocratique rend impérative une réponse forte, durable, réellement capable d'inverser ces tendances. Il faut donc dès maintenant engager le chantier de la refondation de notre Parti.
L'ampleur des difficultés sociales et économiques pourrait faire apparaître cette tâche comme secondaire, annexe, mais détrompons-nous : ce sont des enjeux intimement liés. Il n'est pas de progrès social sans progrès démocratique, il n'y aura pas de refondation idéologique au Parti Socialiste sans refondation démocratique.
La justification constante de certitudes inébranlables ne peut plus perdurer. Nous sommes aujourd'hui à la fin d'un système qui meurt de ne plus savoir se remettre en cause.
L'autoreproduction des responsables, érigée en principe de fonctionnement, a fini par rendre sourd et aveugle notre Parti. Sourd à la colère des citoyens. Aveugle face aux stratégies personnelles qui tuent le débat, créent des unités de façade et le rende incapable d'aller à l'essentiel.
Le 21 avril 2002, la sanction avait pourtant été terrible. Nous pouvions espérer que cette défaite dramatique aurait au moins une vertu : celle d'inciter nos responsables à tirer les leçons de leurs erreurs. Or, contre toute attente : « En finir avec le 21 avril » est devenu leur priorité, jusqu'à en devenir un slogan fort du Congrès de Dijon, tout juste un an plus tard...
Le 29 mai 2005, alors même qu'une formidable mobilisation des citoyens et de toute la gauche politique, associative et syndicale pouvaient laisser espérer une prise de conscience, l'histoire bégaye : repliée sur elle-même, la direction du Parti Socialiste a retrouvé son autisme des années précédentes, en lançant comme premier message politique aux citoyens l'exclusion de son propre sein, de ceux que le peuple avait suivi...
Et pourtant, qui peut réellement s'étonner des soubresauts électoraux de ces dernières années ? Notre incapacité à animer le débat idéologique, la rupture avec le monde du travail sont autant d'indicateurs qui ont été maintes fois débattus au sein du P.S.
Sans changement ni remise en cause de nos pratiques, sans véritable projet politique, nous prenons le risque d'une rupture grave avec l'opinion qui finirait par situer l'alternative politique à l'extrême droite. La défiance des citoyens est telle qu'ils ont besoin de preuves, de faits et d'actes concrets. La remise en cause de nos pratiques était et reste donc l'une des clefs qui permettra de retrouver la crédibilité, l'écoute et la confiance des citoyens.
La refondation politique du P.S. est indispensable. Elle est nécessaire mais ne se sera jamais suffisante. Sans remise en cause de notre fonctionnement interne, cette refondation ne reposera sur aucune base solide. En effet, notre échec idéologique des 20 dernières années ne se résoudra pas avec un simple replâtrage de nos fondamentaux, sans remise en cause du fonctionnement général de notre Parti.
Dans un parti aux pratiques obsolètes, comment pourrions-nous décemment nous doter d'un véritable projet socialiste ? Si nous ne sommes plus aujourd'hui depuis longtemps un laboratoire d'idées mais seulement le réceptacle d'idées communes, c'est bien que notre parti ne remplit plus sa mission. A chaque fois que nous sommes au pouvoir, tout se passe comme si le Parti n'existait plus. Soutien inconditionnel du gouvernement, il n'est plus le lieu de débat et de réflexion indispensable à la vitalité politique de la Gauche.
La liste des reproches est longue : mainmise des élus sur l'animation du Parti; absence de lieux de débats permanents en dehors des échéances électorales ; rupture des liens avec les syndicats et les associations ; rupture avec les classes populaires ; vieillissement général des militants ; renouvellement des élus quasi-inexistant ; freins de tous ordres pour l'application de la parité ; désertion de la rue en période de pouvoir... et même désormais en période d'opposition...
Nos prises de position sur les sujets sensibles sont inexistantes. On ne débat pas ou peu dans notre Parti de ce qui fâche dans la population. Systématiquement à la traîne des débats de société, nous ne pouvons ni attirer les citoyens en attente de réflexions innovantes, ni devenir le parti de l'innovation et du progrès que nous aimerions être.
Notre ambition doit être de faire du Parti Socialiste, dans l'opposition comme dans la majorité, à tous les échelons, le lieu où s'élaborent, de manière constante, la réflexion et les propositions sur nos valeurs fondamentales : la justice sociale, l'émancipation de l'homme, la laïcité, la fraternité... Sans être une fin en soi la rénovation du Parti reste le parallèle indispensable de notre ancrage à Gauche.
Nous devons en fait appliquer en notre sein ce pour quoi nous militons à l'extérieur. En effet, comment militer et agir en faveur de la modernisation de la vie politique, tout en ayant des pratiques internes en contradiction complète avec nos valeurs, nos propositions ? Qui peut aujourd'hui encore se satisfaire de la place des femmes au sein du Parti Socialiste ? Etre élu peut-il encore donner le droit à une investiture automatique en fin de mandat ? Comment parvenir à ne plus envisager la conquête politique sur la base du cumul des mandats ?
Nous devons assurer le renouvellement et la représentativité de nos élus, afin d'ouvrir à tous et à toutes l'exercice des mandats électifs. Etre élu n'est ni réservé aux hommes, aux fonctionnaires, ni aux catégories supérieures de la société. Ce n'est pas un droit automatiquement renouvelable, encore moins un privilège réservé à quelques-uns. Les citoyens doivent vérifier, grâce à notre fonctionnement, que le pouvoir n'est pas un but en soi, mais seulement le moyen d'appliquer nos idées.
Pour permettre aux Fédérations et sections de mieux effectuer leur travail politique de terrain, le Parti sera fortement décentralisé grâce à :
Notre Parti doit adopter des règles internes drastiques : limiter statutairement le cumul des mandats dans le temps, entre les mandats locaux et les mandats nationaux et inscrire la parité comme principe de base pour toutes les candidatures à toutes les élections.
La fin du cumul des mandats reste l'une des clefs de la rénovation profonde de notre Parti et, plus largement, de la démocratie. Sans restriction du cumul des mandats, la parité restera difficile à appliquer, le vieillissement de notre Parti restera inéluctable, et le fossé entre élus et citoyens continuera de se creuser.
Comment faire enfin pour que le parti devienne le lieu du débat permanent au sein de la société française. Il est désormais indispensable d'ouvrir systématiquement nos débats aux associations et aux syndicats. Il faut engager des campagnes d'adhésions largement plus volontaristes, en n'hésitant pas, par exemple, à recruter directement parmi les militants associatifs. Par ailleurs, le Parti doit se saisir sans aucune timidité des sujets qui traversent aujourd'hui la société en engageant le débat dans un premier temps, en menant de véritables campagnes politiques dans un deuxième temps.
Le Parti Socialiste doit ainsi retrouver son rôle essentiel : non pas sélectionner des candidats qui iront promouvoir devant les électeurs des idées élaborées par quelques-uns, mais d'abord faire émerger collectivement, démocratiquement, des idées, des valeurs, des projets politiques élaborés et donc portés par tous.
Nous demandons que quelques règles simples soient rapidement instaurées, comme l'élaboration collective des projets politiques et l'obligation d'un compte-rendu régulier de mandat pour tous les élus. Elles permettront de redonner aux militants la maîtrise de leur engagement et d'inverser le lien de subordination trop souvent constaté entre les élus et les militants.
Bien entendu, ces réformes internes doivent s'accompagner d'une véritable réforme de nos institutions. Appliquées au sein de notre Parti, elles sont la vitrine de notre Projet, l'exemple et la preuve de notre volonté de mettre en cohérence nos idées et nos pratiques.
Mais cela n'aurait de sens sans un changement profond de nos Institutions allant dans le même sens.
Un nouveau pacte majoritaire au parti socialiste :
Le congrès a été convoqué dans la précipitation sans prendre la mesure de l'intensité du regard porté par les électeurs de gauche à notre endroit. Nous devions ouvrir les portes et les fenêtres de notre parti pour faire entrer le vent de la mobilisation citoyenne qui s'est à nouveau levé. Mais, puisque la direction du Parti socialiste a décidé le repli sur soi, il revient aux adhérents de trancher vite. La période des contributions doit donc être propice à la détermination des sujets fondamentaux du projet des socialistes.
Pour donner à ce congrès la possibilité de répondre à l'espérance du peuple de gauche, nous appelons à l'unité des socialistes. Certes, il serait faux de le nier, cette unité a été mise à mal par le référendum. A nos yeux, c'est une question d'orientation, pas de discipline. Il est d'ailleurs temps de mettre un terme définitif aux procès en « déviance » instruit par la direction à l'égard des camarades qui ont défendu le Non au TCE. Car la position du Parti Socialiste - le Oui au TCE, tranché par référendum interne du 1er décembre - n'a été contestée par personne en tant que telle. Le sigle, l'emblème et la trésorerie du parti socialiste n'ont été utilisés que pour défendre le Oui. Le reste n'est que liberté de conscience, qu'aucun socialiste ne saurait remettre en cause au risque de créer la confusion concernant notre Parti qui doit être, en toutes circonstances, un moyen et non une fin.
La division politique est néanmoins là. D'autant plus forte que la contradiction politique est à son comble : les dirigeants du parti socialiste sont très minoritaires dans le pays, dans la gauche et parmi les électeurs socialistes eux-mêmes.
Les contributions, socles de nos échanges jusqu'au dépôt des motions, doivent être l'occasion de vérifier qu'une autre majorité est possible et nous l'appelons de nos vœux, sur une autre orientation.
Nous avons souhaité en faire la démonstration, en nous rassemblant. Nous sommes issus des quatre courants constitués à Dijon : la motion A, Nouveau Monde, Force Militante, NPS. Nous faisons le choix de poser clairement les enjeux, et donc, les clivages qui existent au sein de notre parti tout en esquissant les issues possibles.
Alternative socialiste se dessine comme un premier rassemblement avant notre congrès, ouvert à tous les socialistes qui le souhaitent.
Mais pas pour une unité artificielle : celle-ci doit être fondée sur des choix politiques et des orientations de programmes. Deux engagements devront être pris pour que ce pacte majoritaire puisse voir le jour au Congrès du Mans : une orientation de gauche pour prendre le pouvoir ; une politique de gauche à la tête de l'Etat, ce qui impliquera de renforcer le poids du parti socialiste lorsque nous serons au gouvernement. Car si le parti ne redevient que le « parti du pouvoir », alors il n'y a plus de contrepoids possible, si ce n‘est l'opposition de droite...
Nous réaffirmons ici ce que nous proposions à Dijon : une consultation régulière des militants sur les grandes orientations d'un gouvernement de gauche au pouvoir est nécessaire
Rassembler la gauche
La nouvelle majorité du parti socialiste devra s'adresser à tous nos partenaires potentiels de gouvernement pour définir un véritable contrat de gouvernement qui ne se contente pas de cantonner chacune des parties prenantes à sa zone d'influence de prédilection. . Il faut élaborer un véritable programme de législature sur la base des propositions respectives des différentes formations candidates au pouvoir.
Une certitude issue du vote du référendum, c'est sur les bases de ce vote majoritaire que peut se dessiner ce rassemblement de la gauche. C'est-à-dire en affirmant une rupture avec la logique marchande responsable des reculs sociaux et des désastres environnementaux. Le statu quo, c'est la division durable de la gauche et la certitude de voir progresser toujours plus une extrême gauche ou un pôle de la radicalité cimentant, autour de lui, tous les ressentiments d'une partie de nos électeurs.
Un tel contrat ne saurait se passer du dialogue avec les forces syndicales dans la perspective d'un nouveau pacte social qui doit être préparé en amont pour éviter d'être imposée par l'éventuelle urgence d'une tension sociale. Il faut au contraire organiser au plus vite la confrontation la plus large avec nos partenaires syndicaux, mais aussi associatifs et altermondialistes.
Il faut renouer les fils qui lient la gauche politique, gauche syndicale et gauche sociale et intégrer dans notre projet les réflexions suggérées par ces acteurs du lien social et de l'éducation populaire.
C'est sur ces bases que la victoire du Non le 29 mai peut ouvrir de nouvelles perspectives pour refonder le Parti Socialiste et l'ensemble de la Gauche.
C'est sur ces bases aussi que nous appelons à l'organisation des Etats généraux de la Gauche pour le printemps 2006.
Unité est le maître mot : unité de la gauche, unité de tous les socialistes contre les libéraux, pour rénover le parti, le replacer au cœur du peuple de gauche.