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PLFSS 2024 : plus c’est gros, plus ça passe ?

Par la grâce du fort commode article 49.3, le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour l’année 2024 a été adopté sans vote en lecture définitive, début décembre, à l’Assemblée. Le budget social n’a décidément pas eu droit au débat large qu’il mérite pourtant.

Pas un mot sur la branche Famille dans ce PLFSS. Quant à l’Assurance vieillesse, elle n’est mentionnée que pour confirmer l’arrêt du transfert du recouvrement des cotisations sociales de l’AGIRC-ARRCO vers la Sécu (art. 8), et pour acter la fin des prétendus « régimes spéciaux » (art. 9). Ce texte est donc avant tout un projet de financement de l’Assurance maladie.

Sur le dos de l’Assurance maladie

Le montant total de l’ONDAM (l’Objectif national des dépenses de l’Assurance maladie) s’établirait à hauteur de 255 milliards d’euros, soit une hausse de 8 milliards hors inflation. Cette hausse s’explique officiellement par le financement des « mesures salariales pour les professionnels des établissements de santé » et par celui de « la montée en charge de la convention médicale ». La revalorisation de la consultation de médecine générale imposée par la mobilisation de l’Ordre il y a bientôt un an est présentée comme la panacée, mais on peine à voir en quoi cette disposition, qui va surtout permettre aux praticiens de gagner plus et/ou de travailler moins, est à même de répondre aux enjeux de l’heure. Car aucune mesure sérieuse n’a été prise pour lutter efficacement contre les déserts médicaux et contre la pénurie de médecins qui devient absolument intolérable.

C’est toutefois du côté des économies que le PLFSS devient extrêmement significatif. On les budgétise en effet à hauteur de 3,5 milliards d’euros, en visant tout particulièrement les actes de biologie et les soins dentaires. Mais rien ne révèle mieux la dimension austéritaire du PLFSS 2024 que la chasse contre les arrêts maladie jugés trop nombreux, et donc largement abusifs. L’article 27 permet en effet au médecin contrôleur de remettre en cause l’avis du praticien les ayant accordés et de suspendre le versement des indemnités journalières. Comme le note fort justement la CGT, « c’est l’indépendance même de la Sécurité sociale qui se voit remise en cause, puisque ce ne seront plus les médecins conseils de la Sécu qui évalueront si les arrêts maladie sont justifiés ou non, mais les médecins diligentés par l’employeur ». Il en va de même pour la médecine à distance, pourtant généralement favorisée par le pouvoir actuel qui y voit une aubaine pour baisser les coûts, puisqu’il ne sera plus possible de prescrire un arrêt de travail de plus de trois jours lors d’une téléconsultation.

Vers le basculement ?

Selon le projet gouvernemental, l’ONDAM n’augmentera donc l’an prochain que de 3,2 %. Puisqu’à Bercy, on prévoit un taux d’inflation de 2,6 % et que ce dernier dépassera très certainement cette barre – des observateurs allant jusqu’à pronostiquer une hausse de 3,7 % –, le pouvoir annonce en réalité sans le dire un gel des dépenses de santé, alors que les besoins augmentent en moyenne de 4 % par an (hors inflation). Ce non-financement des nouveaux besoins par des recettes publiques imposera de facto de nouveaux déremboursements et l’accroissement des cotisations des complémentaires de santé. Dans les deux cas, ce seront les usagers qui paieront !

Vu le sous-financement qui caractérise ce PLFSS, il n’est pas étonnant que le projet gouvernemental fasse la part belle, côté hôpital, à la tarification à l’acte (T2A), qui renforce non seulement la tendance à privilégier les actes les plus rentables économiquement au détriment des autres et la gestion managériale de personnels, mais aussi le déficit des établissements de santé dont la dette a déjà doublé par rapport à la situation pré-pandémique. On assiste donc bien au basculement du financement du système de soins, qui n’est plus tant abondé par des recettes publiques (les cotisations sociales et, hélas, de plus en plus, l’impôt) que par les subsides des usagers et de leurs familles. C’est la notion même d’ayant-droits que le gouvernement s’échine à faire disparaître.

Les entreprises gagnantes

On se souvient qu’en ce qui concerne les arrêts maladie, le médecin diligenté par l’entreprise sera habilité à remettre en cause la durée d’indemnisation. Les indemnités journalières sont donc placées dans la main du patronat, tout comme l’ANI AT/MP de juin dernier avait transféré le contrôle des indemnités liées à cette branche aux conseils d’administration. Déjà dans son analyse du PLFSS de 2022, la Cour des comptes avait prescrit la gestion par une caisse unique des indemnités consécutives aux arrêts maladie, et celles de la branche AT/MP, laissant à la Caisse d’Assurance maladie la seule prise en charge des frais de santé.

Mais le pire est ailleurs. Dans l’article 11 en effet, le pouvoir a opéré une remise en cause de la clause de sauvegarde. Jusqu’ici, au-delà d’1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires, les laboratoires devaient reverser à l’Assurance maladie une somme proportionnelle à leurs résultats. Dans le PLFSS 2024, cette redevance sera corrélée au montant des remboursements de la branche Maladie. On parle d’une économie de 35 % pour les « labos », qui sont donc sans conteste les grands gagnants de ce PLFSS.

Cet article de notre camarade Jean-François Claudon est à retrouver dans le numéro 310 (décembre 23) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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