Paris 2024 : payez les 45 000 (faux) « bénévoles » des JO !
Le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP) a ouvert, depuis le 22 mars, une « campagne de recrutement » de 45 000 « bénévoles » pour les JO de Paris. Selon leurs fiches de poste, ils sont présumés salariés, avec un lien de subordination : ils doivent avoir un contrat de travail et un salaire décent !
Les candidatures seront examinées pendant l’été 2023 et les réponses seront données en automne. Ce qui signifie une longue et méticuleuse sélection. Les « volontaires » triés sur le volet auront des formations, puis travailleront entre huit et dix heures par jour, six jours sur sept, non payés, et sans prise en charge de leurs frais de transport ou d’hébergement pour celles et ceux qui viennent de loin. Pour certains postes, des compétences spécifiques sont même demandées (médicales, linguistiques…).
Travail dissimulé
Les bénévoles ou « volontaires » seront subordonnés : ils auront des entraînements préalables, des fiches de postes, des missions, des supérieurs hiérarchiques, et leur présence sera essentielle au bon fonctionnement des Jeux. Les « volontaires » seront à la disposition du COJOP : ils exécuteront leur prestation et se conformeront à des directives sans pouvoir vaquer librement à leurs occupations personnelles. Tous ces éléments signifient une totale présomption de salariat. Un contrat de travail n’a pas besoin d’être écrit pour exister en droit. Les missions des prétendus « bénévoles » pendant l’événement sont bel et bien requalifiables en travail.
Parallèlement, de nombreux « services civiques » aux statuts ambigus sont mis à disposition du COJOP pour prôner les valeurs olympiques dans tout le territoire, à travers le programme « Génération 2024 ». Des entreprises privées comme Sanofi prévoient d’affecter 2 024 salariés comme « bénévoles » en complément (à condition qu’ils portent des maillots ventant les mérites des produits de la marque). Il s’agit de travail publicitaire, pas de militantisme. L’inspection du travail a à y voir.
L’expérience des précédents JO, dans des villes comme Athènes ou Londres, montre que ces « bénévoles » ne tirent pas d’avantages plaisants, ni de prestige particulier au cours des épreuves à exercer leurs fonctions. Pas de dérogation, pas de privilège : même s’il est avéré que certains bénévoles brûlent d’envie de participer de près à cet événement et – qui sait ? – de côtoyer leurs idoles, il n’en reste pas moins qu’elles et ils se feront exploiter durement, sans compensation tangible.
Du fric et des Jeux
Tout cela n’a rien à voir avec le sympathique bénévolat de proximité, bien connu, ordinaire et massif dans les clubs sportifs ou des dizaines de milliers d’associations à but non lucratif.
Il s’agit d’un méga-évènement sportif et financier, aussi lucratif pour ses organisateurs que pour ses sponsors. Il est abusif qu’il repose sur des « bénévoles » et des « services civiques » ! Rémunérer a minima au SMIC horaire brut toutes ces personnes coûterait pourtant moins d’1 % du budget total des JOP, qui s’élève actuellement à 8,3 milliards d’euros. Le responsable des JOP, Tony Estanguet se paie 273 000 euros, et n’est pas « bénévole », lui. Derrière, il y a le tout-puissant Comité international olympique (l’organisation qui détient la marque JOP), les sponsors (Airbnb, Carrefour, Coca-Cola…) et les entreprises du BTP, de l’immobilier et des technologies sécuritaires, lesquelles vont en tirer d’énormes profits.
Peut-on laisser cette puissante et riche organisation des JOP, arguant tout à la fois la « passion » sportive et de « l’expérience unique » partagée ensemble, outrepasser le droit du travail et duper 45 000 personnes, mauvais exemple pour tous les employeurs de millions d’autres salariés ?
Il y a déjà trop de chômage, trop de travail dissimulé, trop de bas salaires, trop d’inflation pour qu’il soit permis de ne pas payer 45 000 travailleuses et travailleurs. Il faut exiger que le droit du travail soit respecté, là comme ailleurs, et dans l’intérêt de toutes et tous. Tout travail mérite salaire.
Cet article de notre camarde Gérard Filoche a ét épublié dans le numéro 304 (avril 23) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).