GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Gauche Démocratique & Sociale

Document d’orientation GDS pour 2023

Si la Convention de la GDS, qui s’est tenue à Nantes, le 18 mars dernier, a été riche en débats, elle a confirmé l’attachement unanime des membres de notre réseau à la centralité de la question sociale et de la bataille unitaire. L’articulation nécessaire entre ces deux questions – celle de l’unité et celle du programme – au sein de la NUPES constitue le fil à plomb du texte d’orientation adopté à l’issue de cette journée de réflexion, texte que nous le reproduisons ci-dessous.

I.Un monde en crise

1. Crise sanitaire, énergétique et écologique

La France, comme le reste du monde, fait face à une succession de crises de forte intensité. Trois ans après le début de la plus grande crise sanitaire mondiale, « le monde d’après » ressemble furieusement au « monde d’avant ». L’importance de la crise avait mis en lumière les terribles impasses dans lesquelles le système du libéralisme mondialisé entraîne l’humanité.

Pendant quelques semaines on aurait pu croire que la prise de conscience des aberrations et profondes injustices du système allait faire bouger les lignes.

« Il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies », n’allait pas jusqu’à affirmer Macron, le 12 mars 2020 ? Et d’ajouter « les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture » ?

Mais trois ans après, rien n’a changé. Au contraire, les ultra-riches se sont considérablement enrichis et les bénéfices des grandes entreprises ont atteint des records sans précédent. Les milliardaires à travers le monde ont gagné plus de 2,7 milliards de dollars par jour depuis le début de la crise, et les entreprises des secteurs de l’alimentation et de l’énergie ont vu leurs bénéfices faire plus que doubler en 2022.

Partout, l’explosion des prix de l’énergie et des biens de première nécessité frappe en particulier les plus précaires. Plus de 820 millions de personnes souffrent aujourd’hui de la faim. 60 % d’entre elles sont des filles et des femmes. Sur les neuf limites planétaires identifiées comme nécessaires à ne pas franchir pour ne pas basculer dans un changement d’état irréversible de l’écosystème, deux nouvelles limites ont été franchies en 2022 : celle de la pollution chimique et celle du cycle de l’eau.

Dans le même temps, les grosses industries les plus polluantes, notamment celles produisant de l’énergie à partir de sources fossiles, ont augmenté leurs bénéfices.

De surcroît, une course aux armements est engagée, avec des centaines de milliards de dollars de mobilisés. Cette politique de réarmement massif, l’opposition Chine-USA, les politiques d’influence en Asie, en Afrique, en Amérique latine, au Proche et Moyen-Orient conduisent à de nouveaux affrontements entre puissances impérialistes et à de nouvelles guerres directes ou indirectes. Pour y mettre fin, il faut y opposer un autre modèle de développement, de nouvelles coopérations, un nouvel internationalisme.

  1. Une crise mondiale du capitalisme

Dévalorisation du travail, dégradation de la condition salariale, montée des inégalités, réchauffement du climat, épuisement des ressources, perte de biodiversité et pollutions multiples : le capitalisme se heurte aujourd’hui à des limites sociales et écologiques infranchissables.

Un tiers de l’économie mondiale pourrait être en récession cette année, tout comme la moitié des pays de l’Union européenne. La hausse générale et simultanée des taux directeurs des banques centrales en réponse à l’inflation accentue le spectre d’une récession mondiale en 2023.

La hausse des prix a démarré après la crise sanitaire dans la foulée de la désorganisation de la chaîne logistique. Elle a été ensuite amplifiée par la volonté des entreprises de préserver ou d’augmenter leurs marges. La hausse des prix est une réponse du capitalisme pour préserver les profits.

Si la guerre déclenchée par l’impérialisme russe en Ukraine pèse sur les prix de l’énergie, il ne faut pas oublier les conséquences du changement climatique et l’impact des hausses de température sur les rendements agricoles et même sur la production industrielle dans les régions du monde les plus sensibles aux conditions météorologiques. La crise écologique commence à frapper et perturbe les récoltes, tout comme le caractère profondément oligopolistique de la distribution de ces biens, sans oublier la spéculation scandaleuse sur les matières premières agricoles. En outre, le traité sur la charte de l’énergie, en instaurant un marché international de l’électricité, a provoqué des variations de cours qui pèsent sur tous les secteurs de l’économie et mettent bon nombre d’entreprises en difficulté.

Tout cela se déroule sur fond d’une crise latente du capitalisme qui ne parvient plus, depuis au moins deux décennies, à faire engendrer des gains de productivité importants par la force de travail. En moyenne, la productivité du travail ne progresse guère plus, dans les pays développés, que de 1 % par an. Or, au bout du compte, c’est toujours la productivité du travail qui commande la rentabilité du capital dans un contexte donné du rapport de forces. L’essor de nouvelles techniques, de l’informatique, de la robotique, ne réussit pas – et, in fine, ne peut réussir – à la faire croître significativement. En revanche, certaines d’entre elles mettent en danger le lien social et le vivre ensemble, compliquant l’accessibilité aux services publics.

  1. La France, championne du creusement des inégalités

Les milliardaires français font eux aussi partie des grands gagnants : depuis 2020, leur fortune a augmenté de plus de 200 milliards d’euros, soit une hausse de 58 %. Bernard Arnault, est désormais l’homme le plus riche au monde, avec une fortune équivalente à celle cumulée de près de 20 millions de Françaises et de Français.

Dans le même temps, les plus précaires sont devenus encore plus pauvres et les inégalités ont explosé avec, en première ligne, les femmes. Si le gouvernement a dépensé des dizaines de milliards d’euros pour combattre la crise de la vie chère, ce sont les riches qui ont le plus bénéficié de ces mesures. Selon l’Insee, entre janvier 2022 et juillet 2022, les Français ont perdu en moyenne 760 euros, malgré l’intervention du gouvernement.

La réforme des retraites visant à repousser l’âge de départ à la retraite à 64 ans, risque d’aggraver encore davantage les inégalités. Une nouvelle fois, les plus précaires porteront le poids de cette réforme. Oxfam France a calculé que seulement 2 % de la fortune des milliardaires français suffiraient à financer le déficit attendu des retraites. Les richesses créées permettent d’augmenter la part du PIB consacrée à la protection sociale via une hausse des cotisations sociales. Et les richesses créées peuvent par ailleurs, avec une fiscalité progressive, dégager les milliards qui manquent à l’éducation, la santé, la justice…

  1. La force montante de la jeunesse et du salariat

Sociologiquement, la majorité des habitants de notre pays – comme dans tous les pays industrialisés – ce sont les salariés. Jamais dans l’histoire de l’humanité le salariat n’a eu un tel poids numérique. Il y a des différences entre l’auxiliaire de vie, l’ouvrier et l’ingénieur, mais tous n’ont que leur travail pour vivre. Nous avons longuement analysé cette nouvelle réalité et les rapports de force objectifs qui en découlent. Le salariat est la force du changement possible à venir.

La jeunesse scolarisée constitue les gros bataillons du salariat de demain. Avec les jeunes en apprentissage, mais aussi celles et ceux qui sont déjà insérée dans le monde du travail, ainsi que celles et ceux vivant de petits boulots et connaissant la précarité, cette jeunesse s’est mobilisée contre le changement climatique, pour la transition écologique et la justice sociale.

Les millions de jeunes, de salariés, de chômeurs qui manifestent contre le projet de loi sur les retraites témoignent de cette force du changement quand elle se met en mouvement. C’est sur cette force, sur son surgissement sur le terrain social et sur la scène politique que toute politique de transformation sociale et écologique peut compter pour l’avenir.

Au-delà des retraites, c’est bien pour une autre société qu’une majorité de la population salariée, une large part de la jeunesse et de nombreux retraités ont commencé à se mobiliser.

II.En France, une « majorité » gouvernementale minoritaire

La longue séquence électorale que nous venons de vivre lors de cette année 2022 a dessiné un paysage politique en France marqué par la consolidation d’un paysage électoral composé de trois pôles : un pôle libéral, un d’extrême droite et un de gauche, d’un poids électoral quasi-équivalent. Avec comme quatrième dimension, un taux d’abstention toujours plus important : 12,8 millions d’abstentionnistes au premier tour de la présidentielle. C’est ainsi que nous nous retrouvons dans une situation inédite où un président fort mal élu (37,9 % des inscrits, 20,1 % au premier tour) ne dispose pas d’une majorité à l’Assemblée nationale lui permettant de gouverner sans mobiliser les outils les plus autoritaires de la Ve République (49.3 à répétition, mais aussi 44.3, etc.).

Dans ce contexte, une course de vitesse est engagée entre l’extrême droite (incarnée par le RN à l’Assemblée) et la gauche (incarnée par la NUPES) pour s’imposer comme l’alternative à Macron.

Les macronistes disposent de 249 députés. Il leur manque 40 voix pour atteindre la majorité absolue. La possibilité d’une dissolution de l’Assemblée ne peut être exclue.

Seules l’unité de la gauche, la consolidation d’un programme de société alternatif suscitant l’espoir et la mobilisation sociale permettront de réaliser cette alternative majoritaire de la gauche. C’est bien au prisme de cet enjeu que nous devons lire la situation actuelle.

  1. Les leçons de l’abstention

Le taux d’abstention au premier tour de la présidentielle a atteint 26,3 % des inscrits, un taux nettement plus élevé qu’en 2017 (22,2 %) ou 2012 (20,5 %). Il n’a cependant pas atteint le record de 2002 (28,4 %) qui avait ouvert la voie à la qualification de Jean-Marie Le Pen et à l’élimination de la gauche.

Au second tour, l’abstention (28 %) a été également plus forte qu’en 2017 (25,4 %) et à l’évidence le vote « barrage » n’a pas été aussi suivi qu’en 2017.

Pour beaucoup, l’abstention marque une désaffection d’une partie de l’électorat de gauche (quartiers populaires, jeunes). C’est à la fois un grand échec, mais aussi une raison de ne pas désespérer.

On aurait tort de penser que l’abstention est synonyme d’un désintérêt pour la politique. La mobilisation des Gilets jaunes a démontré que le nombre croissant des abstentionnistes aux différentes élections tant locales que nationales ne devait pas être automatiquement interprété comme un désintérêt massif face à la « chose publique », mais marquait une défiance grandissante envers la capacité des élus à améliorer concrètement les conditions de vie, alors que les inégalités continuent à se creuser.

Nous sommes donc engagés dans une course de vitesse entre l’extrême droite et la gauche pour (re)conquérir cet électorat, donner une perspective à une jeunesse souvent socialement mobilisée, mais méfiante et désabusée quant aux débouchés politiques réels ; cela ne peut passer que par un programme clair à la mesure des ruptures nécessaires pour rétablir de la justice sociale dans le pays, mais aussi une forme de militantisme actif et ouvert.

  1. L’extrême droite en embuscade

Les résultats électoraux de l’extrême droite lors de la présidentielle, et du scrutin législatif qui a suivi, sont terriblement alarmants.

Ces résultats, au premier comme au second, sont historiquement les plus élevés pour une élection présidentielle. L’arrivée de la candidature de Zemmour n’a pas affaibli, mais renforcé cette tendance : avec 7 % des voix pour ce dernier et 23,15 % pour Marine Le Pen, l’extrême droite obtient 10,6 millions de voix au premier tour. Et depuis juin 2022, 89 députés RN siègent à l’Assemblée nationale.

Le travail de dédiabolisation, avec une communication plus policée, a permis au RN de disputer à la gauche une partie du vote des ouvriers et des employés, en colère face au libéralisme économique d’Emmanuel Macron et à son mépris manifeste pour le bas de l’échelle sociale.

Mais la progression de l’extrême droite se mesure également par la reprise décomplexée par la droite de ses thèmes préférés, en particulier les questions du contrôle de l’immigration et du durcissement d’une prétendue « laïcité » cachant fort mal un vrai racisme anti-musulman.

La démonstration a été ainsi faite que Macron ne constitue en rien un barrage à l’extrême droite, mais au contraire en fait le lit en flirtant avec son idéologie, tout en permettant au RN de capter une partie de la colère provoquée par la politique néo-libérale qu’il mène avec détermination. En outre, Macron a banalisé le RN en mettant à équidistance la NUPES et l’extrême droite lors des élections législatives.

  1. La droite divisée, mais toujours à l’offensive

Avec un score de 4,8 %, la candidature de Valérie Pécresse a marqué un décrochage électoral historique pour LR, qui recueillait 27,8 % des voix en 2012 avec un Sarkozy arrivant à quelques encablures de François Hollande, et encore 20 % en 2017 avec un François Fillon largement derrière Macron qui prônait alors le fameux « ni droite, ni gauche », mais qui est devenu le premier représentant de la droite. La chute de LR a indéniablement profité à Macron et à l’extrême droite (RN et Zemmour).

La droite est divisée électoralement, mais partage certains fondamentaux idéologiques, en premier lieu la défense de l’économie libérale. Les frontières entre les différentes droites et l’extrême droite sont devenues nettement plus floues qu’avant.

Avec 61 députés, LR constitue la force d’appoint nécessaire à Macron pour être majoritaire à l’Assemblée nationale. D’ailleurs, depuis le début de la mandature, les Républicains ont voté dans 60 % des cas avec la majorité présidentielle. Un résultat qui manifeste la proximité idéologique entre les deux familles politiques, mais qui est aussi la conséquence de négociations préliminaires à certains votes.

Bien sûr, LR, sauf à disparaître totalement, ne peut accompagner Macron dans tous ses faits et gestes, mais ils soutiendront toutes les réformes libérales importantes comme on le voit actuellement pour la réforme des retraites. Car Macron se veut à l’offensive, malgré la haine de plus en plus forte qu’il suscite dans de larges couches de la population.

Macron, c’est le président de la droite, du patronat et du CAC 40. C’est le promoteur de la startup nation, d’une société sans statut, post salariale, ubérisée, sans Sécurité sociale basée sur les salaires, de la baisse des impôts pour les plus riches et de la casse des services publics. Nous le voyons dans l’épreuve de force qui est en cours sur les retraites : Macron est l’artisan du combat que droites et patronat mènent depuis des décennies pour mettre fin à tout ce qui subsiste du système social mis en place par le Conseil national de la Résistance.

Macron, c’est aussi le président du greenwashing, qui cherche toujours à masquer la responsabilité des plus grands responsables du changement climatique, qui sont aussi ceux qui tirent les plus gros profits de la période.

Macron est fragilisé par son résultat électoral, mais il a choisi le déni de son manque de légitimité. Le mouvement social peut certainement le lui rappeler et remporter des victoires.

  1. À gauche, la lente émergence de la NUPES

Jusqu’au premier tour de la présidentielle, chacun des « grands partis » de la gauche a continué à « courir dans son couloir ». Chacun des pôles – communiste, écolo, social-démocrate, insoumis – prétendait au leadership de la gauche ou à la nécessité d’affirmer son identité. Chacun convoquant les scrutins précédents (présidentielle, européennes, municipales, régionales ...) pour arguer de sa propre légitimité. Malgré une volonté unitaire de leur électorat, les partis ont été collectivement incapables de définir une stratégie commune permettant la victoire.

« Seule une candidature commune de toutes les gauches sociales et écologiques permettait d’être au second tour de la présidentielle » : la GDS, avec d’autres « unitaires », a défendu cette orientation en participant activement aux appels « 2022 vraiment en commun » et UNALT, et en essayant d’utiliser toutes les opportunités, telles que la Primaire populaire, malgré ses défauts et insuffisances. Ces appels ont enregistré un réel écho, mais quelques dizaines de milliers de signataires n’ont pas suffi à infléchir la division ravageuse. L’appel de Romainville, signé par des élus, fut certes limité, mais porteur d’une tendance nouvelle.

Fin janvier 2022, après consultation de ses membres, la GDS s’est prononcée pour appeler à voter pour le candidat le mieux placé : Jean-Luc Mélenchon. Une délégation de la GDS a rencontré LFI, ce qui a conduit à l’intégration de trois camarades au Parlement de l’Union populaire. Celui-ci ne s’est d’ailleurs réuni qu’une seule fois. La GDS a cependant mené campagne pour le vote Mélenchon et un Pacte de législature permettant un gouvernement commun.

Des camarades se sont exprimés pour participer plus activement à la campagne de JLM, en s’emparant du programme « L’Avenir en commun », le mieux à même de convaincre les abstentionnistes pour ouvrir une voie vers la « qualification » au second tour.

Pendant la campagne de premier tour, le Parti communiste a clairement choisi de faire l’impasse sur 2022, et s’est concentré sur l’objectif d’un bon score pour le PCF. Ainsi a été menée la campagne de Roussel, certes « offensive », mais « identitaire ». La candidature du Parti socialiste s’est très rapidement effondrée dans les sondages. Face à cette descente aux enfers, aucune réorientation unitaire n’a eu lieu, et la guerre pour le futur contrôle de l’appareil a pris le pas sur sa campagne. Les Verts, persuadés que l’heure de l’écologie était arrivée, n’ont pas réussi à sortir d’un schéma où l’unité devait se faire derrière eux. La France insoumise, elle, a tablé sur la capacité du mouvement de faire une campagne dynamique et sur le talent de Jean-Luc Mélenchon, pour « passer par un trou de souris » et appeler au « vote utile » quand les sondages l’ont placé en tête de la gauche.

Mais 2022 n’a pas été la répétition de 2017. Les élections législatives, que Macron considérait comme une simple formalité, se sont inscrites comme un véritable troisième tour avec la dynamique de la NUPES qui a confirmé le retour de la gauche. En quinze jours, ce qui était « impossible » jusque-là, à savoir l’unité de la gauche et de l’écologie, a enfin réussi à se réaliser.

Le résultat du premier tour a clairement indiqué les rapports de force à l’intérieur de la gauche et de l’écologie : l’électorat a voté utile comme en 2017, mais de façon plus large. De surcroît, une bonne partie du peuple de gauche s’est retrouvée dans les propositions, notamment sociales largement mises en avant, et sur la question écologique. Pour une large part, les nôtres se sont retrouvés sur le programme de rupture présenté.

Ce résultat a été acquis par une dynamique de campagne indéniable, un programme clair, une mobilisation certaine de la jeunesse, et ce en dépit de faiblesses indéniables dans les zones rurales, et dans ce que l’on appele la France des sous-préfectures.

Cette situation a donné à la France insoumise une responsabilité particulière : celle de dessiner un « avenir (politique) en commun ». La direction du mouvement, en opérant un tournant dès le 14 avril à la suite du premier tour de la présidentielle a su prendre ses responsabilités en proposant un cadre d’alliance aux autres forces de gauche. Celles-ci ont répondu à l’appel.

III. La NUPES : un accouchement périlleux

  1. Tous les partis ont été bousculés

Au sein de la France insoumise, si Jean-Luc Mélenchon s’était gardé, en fin de campagne, de porter trop haut la critique des autres candidatures de gauche, les militants LFI avaient été habitués à sa critique continue de « la soupe aux logos ». Ce tournant a été brusque au point que des dirigeants se contredisent dans les premiers jours (cf. l’interview de Mathilde Panot au JDD sur le refus d’alliance avec le PS). Toutefois, le slogan « Mélenchon Premier ministre » a immédiatement convaincu sa base que l’unité était le seul chemin pour y arriver.

Génération.s, qui était intégré dans le Pôle écologiste, a été la première formation politique à répondre positivement. Ce qui a marqué, pour cette organisation, un tournant confirmé à sa Convention de décembre dernier.

Au sein du Parti socialiste, Olivier Faure a eu l’intelligence de répondre à la main tendue, y voyant le double intérêt de faire progresser la gauche et de sauver la représentation nationale de son parti. Il a tenu bon malgré la contestation incarnée en particulier par Carole Delga, qui a organisé des candidatures concurrentes dans plus de 60 circonscriptions (qui furent dans la grande majorité des cas des échecs). La direction du PS en choisissant un accord unitaire a de fait poussé EELV et le PCF a accepté un accord fortement influencé par la France insoumise.

Le Parti communiste a également compris que cet accord était pour lui la meilleure manière de sauver sa place à l’Assemblée, continuant d’ailleurs encore aujourd’hui à parler de simple accord électoral.

  1. Un accord inédit

Les négociations ont abouti à cet accord inédit : la Nouvelle Union populaire écologiste et sociale, structurée à partir des partis qui avaient présenté des candidat.es à l’élection présidentielle, s’est constituée sur la base d’un programme de 650 mesures permettant la désignation d’un candidat commun par circonscription avec répartition des candidats entre les différentes forces de la NUPES, selon les résultats du premier tour des élections présidentielles.

Grâce à cet accord, non seulement la gauche n’a pas disparu de paysage, mais elle s’est affirmée comme première force d’opposition avec 151 députés, un nouvel espoir à gauche, ainsi que des campagnes menées en commun sur le terrain dans la plupart des circonscriptions. La NUPES est ainsi apparue comme le cadre politique de constitution d’une majorité alternative de gouvernement, alternative à Macron, mais également au RN.

Pour autant, quelques semaines d’unité n’ont pas effacé des années de division. On peut considérer que le nombre de 151 députés est dans la fourchette basse de ce que la gauche unie aurait dû obtenir. Le slogan « Jean-Luc Mélenchon Premier ministre » a certes permis de convaincre sa base et de donner une formulation populaire au débouché politique de « nouvelle majorité populaire écologique et sociale ». Il a finalement été accepté par les autres partis, mais a néanmoins suscité des réticences en leur sein.

Si l’attachement à l’unité de la NUPES a été réaffirmé, notamment lors des congrès du PS et de EELV, les partenaires n’ont pas renoncé à la bataille de leadership, comme ils n’ont pas renoncé à revenir sur certains points du programme. Si le rapport de force a été marqué dans cette séquence par le score de LFI au premier tour, les résultats des élections intermédiaires marquent des rapports de force différents.

C’est à partir de cette situation complexe, duale, que la vie politique doit être analysée pour qui veut y intervenir efficacement. Les rendez-vous électoraux à venir (européennes en 2024, municipales en 2026…) viendront éclairer l’évolution de cette situation. Ils doivent être appréhendées dès maintenant avec une volonté unitaire, s’appuyant sur la nouveauté de la situation marquée par l’émergence de la NUPES.

  1. Un acquis à défendre, à renforcer, à développer

La GDS a salué avec enthousiasme la construction de la NUPES. Elle y a vu le creuset possible d’un renouveau de la gauche unie de la base au sommet. Nous avons immédiatement milité et agi pour une déclinaison active de la NUPES dans les circonscriptions, dans les villes et les départements, pour mener les campagnes législatives et au-delà.

Nous avons pu mesurer ainsi concrètement les difficultés, les obstacles à cette construction et les grandes disparités géographiques qui existent.

La NUPES a cependant d’ores et déjà bâti des points d’appui essentiels.

  • Le programme partagé de 650 propositions et l’énoncé de 33 nuances de divergences non-résolues est un programme de rupture.
  • 151 députés et un intergroupe parlementaire qui fonctionne, et confère à la NUPES la place de première force politique d’opposition à l’Assemblée nationale.
  • Une coordination nationale régulière de la NUPES composée des cinq partis signataires initiaux ayant pu prendre des positions et initiatives communes. Génération.s a eu parfois des difficultés à s’y imposer.
  • Des initiatives politiques telles que la manifestation du 16 octobre, la campagne pour la taxation des superprofits et bien sûr, dernièrement, le lancement de la campagne NUPES contre la réforme des retraites.

Mais il existe également des insuffisances :

  • Il n’existe pas d’assemblées partout (ou de coordinations, collectifs…). Il peut y avoir des blocages des organisations souhaitant garder leur indépendance ou des désaccords (décliner la NUPES derrière chaque député ou candidat de juin versus une organisation départementale ou locale). C’est un champ de travail unitaire à développer avec volontarisme.
  • Il y a eu un désaccord de fond sur la proposition de marche à Paris, le 21 janvier dernier, qui renvoie à des débats, qui n’ont pu être menés à leur terme, sur les rapports syndicats/partis ou à la question des rythmes des mobilisations.
  • Il n’y a pas (encore ?) de fonctionnement du parlement de la NUPES (ou Agora), ni d’intégration des « petites » organisations de la gauche non représentées à l’Assemblée nationale.
  • Il y a un fonctionnement très vertical, de haut en bas, qui semble être en cohérence avec ce qui n’est pour certains qu’un cartel électoral.

Ce sont autant de handicaps avec la dynamique possible et nécessaire pour renforcer la NUPES en faire l’alternative majoritaire, l’implanter dans tous les territoires, etc.

Face à ces constats, nous avons pris l’initiative d’une rencontre à Paris, le 15 octobre, et poursuivi avec l’organisation de Forums pour la NUPES depuis décembre, et avec un Comité de liaison et d’initiative qui reste ouvert (CLIO).

  1. Pour une maison commune pluraliste et démocratique

L’objectif est de construire une activité unitaire qui soit portée par toutes les sensibilités de la gauche et de l’écologie et se décline localement. En aucun cas il ne peut s’agir de construire une seconde NUPES, ou de la contourner, mais d’agir pour sa construction.

La NUPES est potentiellement le comité de liaison que nous voulons construire. Cela suppose sa structuration à tous les niveaux au-delà d’un simple cartel de partis. Cette structuration doit garantir un fonctionnement démocratique permettant des échanges et des synthèses entre collectifs locaux ouverts et partis. C’est le moyen de poursuivre l’objectif d’une maison commune pluraliste, démocratique à vocation majoritaire.

Le CLIO peut être un outil en ce sens à mettre à disposition de la NUPES. Les Forums pour la NUPES en particulier vont dans ce sens. Mais cette initiative n’a pas reçu l’écho escompté et une clarification reste nécessaire. Deux options différentes peuvent coexister sur lesquelles il convient de trancher :

- soit un outil pour la NUPES, ses collectifs locaux etc. … à redéfinir ;

- soit un lieu d’échanges et de coordination d’activités des organisations y participant qui renvoie à la quatrième partie de cette résolution.

Les instances de GDS mises en place à la suite de la convention sont mandatées en ce sens.

IV.Et la GDS dans tout ça ?

Nous ne développerons pas ici ce qui fait le socle de tout ce que nous avons toujours défendu en tant que groupe organisé : la centralité de la question sociale et du combat du salariat contre le capitalisme, liés de façon toujours plus intime à l’urgence du combat contre la destruction des conditions de vie sur la planète et à l’actualité des différentes luttes pour l’égalité (contre toutes les formes de domination, contre l’oppression des femmes, contre tous les racismes, les discriminations, etc.), ainsi que notre bataille pour l’unité comme condition de la victoire : l’unité des partis de gauche, l’unité des salarié.e.s, l’unité syndicale, la convergence des combats et des luttes (cf. nos documents de référence).

Pour nous aussi, la NUPES « change la donne » et doit nous amener à penser notre place dans la recomposition en cours de la gauche, y être utile, mettre notre expérience, et notre capacité d’action et de mobilisation au service de cette recomposition.

Depuis sa création, la GDS milite pour une maison commune de toute la gauche, permettant l’expression des diverses sensibilités ET l’unité d’action. Cette stratégie qui vise à l’unité des forces politiques peut prendre des formes variées :

  • Un front commun ponctuel des organisations politiques pour l’action ;
  • Un front commun électoral avec engagement au désistement au second tour dans la perspective d’un gouvernement commun ;
  • Un front commun électoral avec liste commune ou candidat commun dès le premier tour ;
  • Un front commun permanent prétendant au pouvoir sur la base d’un programme commun agissant de concert dans les luttes et dans les élections ;
  • Une fédération de partis prétendant au pouvoir sur la base d’un programme commun agissant de concert dans les luttes et dans les élections et s’organisant de manière plus serrée que le front commun ;
  • Un parti commun démocratique et pluraliste intégrant les anciens partis sous forme de courants reconnus et respectés.

Ce qui est essentiel dans l’idée de Maison commune, c’est le rassemblement pluraliste de la gauche et de l’écologie, respectueux de chaque composante, agissant dans les luttes et les élections.

  1. Faisons vivre la Maison commune dans la forme adaptée à chaque situation

Aujourd’hui, la Maison commune de la gauche, c’est la NUPES autour de son programme partagé. C’est elle qu’il faut renforcer et développer. C’est au sein de la NUPES que la jonction avec des générations militantes différentes, des syndicalistes, des militants associatifs, de simples citoyens… peut s’opérer. Nous devons concentrer notre énergie dans sa consolidation.

Mais elle a des faiblesses à surmonter. En agissant pour la construire démocratiquement de bas en haut, avec des collectifs partout, nous agissons pour faire de la NUPES – avec l’ensemble des partis et organisations de gauche et écologiques en son sein – la Maison commune permettant de construire une alternative majoritaire.

Nous demandons aussi son élargissement au plan national à tous les courants de la gauche qui s’y reconnaissent (GDS, Ensemble!, Nouvelle Donne…). En ce sens, nous demanderons à rencontrer les cinq forces qui la composent actuellement.

Nous considérons que les adhésions directes à la NUPES contribueraient à son renforcement en lui donnant une réalité militante complémentaire à celle des formations qui composent l’Union.

L’Équipe d’animation nationale étudiera – politiquement et pratiquement – comment la GDS, avec d’éventuels autres partenaires, pourrait populariser et mettre en œuvre cette perspective.

Notre tâche est bien de construire la NUPES partout à la base, permettre l’action commune des différentes forces de gauche autour de matériel commun, d’initiatives communes. Nous militons pour que le plus rapidement ces collectifs inscrivent à leur agenda la question des municipales. Pour que la gauche progresse localement de manière unitaire, s’implante dans les territoires ruraux, cette dimension est essentielle face au risque d’extrême droite. Il y a un travail à approfondir sur le programme et aussi sur les formes d’implantation (cafés populaires…).

  1. Pour consolider la NUPES, construire un outil politique pluraliste et démocratique

[Pour cette dernière partie, deux formulations alternatives ont été soumises au débat. Ci-dessous le texte adopté. Le texte alternatif non adopté est à retrouver en cliquant ICI]

La diversité des situations locales et le « poids » des différents partis nécessitent d’être au centre de la NUPES – en la construisant partout – pour porter à la fois la question de l’unité et celle du programme. Quelques camarades de la GDS ont fait le choix d’investissement au sein du Parti socialiste ou de EELV. D’autres ont participé aux collectifs de l’Union populaire ou participent aux groupes d’appui de la France insoumise. La « double appartenance » permet de s’adapter à des situations diverses tout en portant la même orientation que celle des militants de la GDS favorables à une construction politique indépendante.

En fonction des réalités locales, rien ne s’oppose à rejoindre des groupes d’action LFI. Lorsque ce type d’investissement existe, nous poussons comme partout à la mise en place de collectifs NUPES ouverts à toutes et tous, et pluralistes.

La question de recompositions partielles à gauche mérite d’être posée en soi. Elle concerne des militants organisés dans des petites formations qui réfléchissent à leur « dépassement » ou à la construction d’un nouvel outil politique. C’est la conception de la GDS depuis sa création. Jamais la consolidation de notre réseau en vue de sa pérennisation organisationnelle n’a été un projet politique.

Mais une recomposition partielle à gauche concerne aussi des milliers de militant.es qui ont abandonné l’action organisée au sein d’un parti. C’est vrai pour des militant.es socialistes, communistes, écologistes, insoumis, etc. Et les crises qui secouent tous les mouvements, organisations et partis ne peuvent que provoquer un intérêt pour la construction d’un nouvel outil politique, pluraliste et démocratique, qui réponde aux questions centrales du social, de l’écologie et de la démocratie.

L’année 2023 sera essentielle pour vérifier la possibilité que s’engage une telle recomposition. Tout doit donc être tenté pour y parvenir en multipliant les initiatives locales et nationales. Les limites de cette orientation sont de deux ordres :

  • ne pas subordonner la construction de collectifs NUPES à l’avancée de recompositions partielles. Construire la NUPES partout est essentiel et doit faire accord.
  • ne pas s’enfermer dans des discussions « hors sol » ou se concentrant sur les différences plutôt que sur ce qui fait accord.

La forme que prendra une éventuelle recomposition partielle ou même l’émergence d’un nouvel outil politique peut se décliner de diverses manières : fédération, mouvement, parti… Elle doit s’inscrire dans le mouvement plus large de la Maison Commune dont la NUPES constitue une brique essentielle.

Si à l’issue de l’année 2023 – année sans échéances électorales –, rien n’avance, un réexamen de la situation politique et des différentes hypothèses actuellement sur la table devra être mené. Un bilan devra être engagé au dernier trimestre.

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