GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Écologie

ONG et associations : les retraites, l’écologie et les écologistes

Cela n’aura pas échappé aux observateurs avertis : dans les manifestations des 19 et 31 janvier contre la réforme des retraites, étaient présents des militants et militantes écologistes et plusieurs ONG et associations, d’Extinction Rébellion à Fridays for future, en passant par Greenpeace ou France Nature Environnement.

Déjà quelques jours auparavant, c’est la revue écologiste Reporterre et Fakir qui co-organisaient avec succès le premier grand meeting sur le sujet à Paris. Ainsi donc, on voit se renforcer dans la période ce qui est en construction depuis un moment, la convergence entre luttes sociales et écologiques. Jusqu’alors, on avait plutôt vu des militants du champ social s’engager sur des luttes écologistes. La réciproque est désormais une réalité.

Qu’est-ce qui détermine concrètement l’engagement des associations écologistes et de leurs militant.e.s dans la bataille sur les retraites ? Pour les jeunes qui s’engagent dans la lutte, il y a un argument qui revient avec force : se battre pour nos retraites comme se battre contre le réchauffement climatique, c’est lutter pour pouvoir profiter de notre avenir.

Remise en cause du productivisme

Nombre d’entre eux affirment sans détour que la réforme des retraites est parfaitement représentative d’un système capitaliste qui pousse à toujours produire et consommer plus, et en conséquence travailler plus. Le tout au détriment de notre santé, et de la santé de la planète. Parmi eux, l’idée qu’on ne peut plus augmenter la production, qu’il faut la stabiliser, voire la diminuer, est de plus en plus partagée. Il faut alors partager le travail et les richesses. Diminuer le temps de travail favoriserait aussi des activités autonomes (cuisine, réparations…), et l’engagement dans des activités profitables à l’environnement notamment.

Pas d’écologie sans social

Pour de nombreux jeunes interrogés dans ces manifs, on ne peut faire d’écologie sans faire de social. Et aujourd’hui l’urgence politique, c’est d’empêcher ce recul social majeur, qui va en premier lieu impacter les métiers les plus pénibles, les ouvriers, les employés, les précaires... Parmi ceux-ci, il y a les métiers de « première ligne » dont on a tant parlé pendant la crise du Covid, les métiers du soin, infirmières, aides-soignantes, auxiliaires de vie. Mais tant d’autres aussi, des égoutiers aux bûcherons, des caissières aux maçons, des personnels de ménage aux instits, des métallos aux agriculteurs… La Confédération paysanne pointe le cas particulier des paysannes, qui cumulent carrières incomplètes et sous-statuts ou non déclarations.

Les associations particulièrement touchées

Le secteur associatif, important pour les luttes écologiques et sociales, sera particulièrement touché par la réforme. Les salariés y sont très souvent des femmes (70 %), avec des carrières hachées, des temps partiels, des statuts précaires. Et il faut considérer également la place de ces bénévoles essentiels que sont les retraité.e.s dans le monde associatif, dans ses actions de solidarité, dans ses mobilisations diverses, notamment sur le terrain écologique. 12,7 millions de bénévoles sont actifs dans les 1,3 millions d’associations du pays. 52 % des seniors sont membres d’au moins une association, mais seulement 26 % des plus de 65 ans y sont actifs. Le recul de l’âge de départ aura forcément un impact sur la réalité de la vie associative et son dynamisme. Un effet que pointe la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), comme bien d’autres associations qui comptent sur les jeunes retraités bénévoles pour leurs actions.

La porte ouverte aux fonds de pension

Un autre argument – partagé par de nombreuses organisations écologistes et des syndicats regroupés dans l’Alliance écologique et sociale (ex-Plus jamais ça !) – qui doit pousser à se mobiliser, est que la réforme Macron poussera les pions des assurances privées et des fonds de pension dans la conquête d’un énorme pactole.

Christiane Marty, économiste membre d’Attac, le dit clairement : « L’objectif de fond des réformes des retraites depuis 1993 est d’ouvrir la voie à la capitalisation et de baisser les dépenses publiques, conformément au dogme libéral. Car les cotisations des salarié·e·s, qui vont directement payer les pensions de retraite, représentent des sommes importantes qui échappent aux marchés financiers ». Les réformes successives entraînent des baisses de pension, d’où la crainte d’un recours accru imposé à l’assurance privée individuelle.

Or, on sait combien ces fonds de pension et autres assureurs et banques sont peu vertueux sur le plan écologique ; dans leur quête de rentabilité maximum, ils investissent quasiment tous dans les énergies fossiles.

Un engagement marqué des organisations et associations écologistes

Ces éléments de fond ont amené diverses organisations écologistes à se positionner clairement. Pour Greenpeace comme pour France Nature Environnement (FNE), fédérant de nombreuses associations, cette réforme est un projet totalement en contradiction avec leur vision d’une société moins inégalitaire, plus juste socialement et écologique. Elle affecte particulièrement les personnes défavorisées, également les plus touchées par le changement climatique et les pollutions environnementales. Oxfam a apporté sa contribution sur la question essentielle de la répartition des richesses, avec la publication le 16 janvier de son rapport qui montre que les ultra-riches ont vu leurs revenus considérablement augmenter en France et dans le monde, alors que l’immense majorité de la population subit l’inflation de plein fouet, avec la hausse des prix et la crise énergétique, auxquelles s’ajoute cette réforme largement rejetée. 2 % de la richesse des seuls milliardaires français permettrait de compenser le déficit du système de retraite.

FNE nous rappelle que le système de retraite par répartition est une des plus grandes avancées sociales de l’après-guerre grâce à Ambroise Croizat qui souhaitait que la Sécurité sociale « libère les Français de l’angoisse du lendemain », et que la retraite cesse d’être « l’antichambre de la mort pour devenir une nouvelle étape de la vie »

L’association interroge : pourquoi devrions-nous travailler plus et plus durement, alors que la productivité n’a cessé d’augmenter, mais que ses gains ont majoritairement favorisé les actionnaires et aggravé la consommation de produites destinés à satisfaire de besoins artificiels aux dépens de la préservation de l’environnement ?

Et elle s’appuie sur une autre citation d’Ambroise Croizat en appelant ses adhérents et sympathisants à rejoindre les cortèges des jours à venir : « Jamais nous ne tolérerons que soit renié un seul des avantages de la Sécurité sociale. Nous défendrons à en mourir, et avec la dernière énergie, cette loi humaine et de progrès ».

Cet article de notre camarade Christian Bélinguier a été publié dans le numéro 203 (février 2023) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS)

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