GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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“On aura nos dimanches” (Jean-Jacques Goldman, album “Rouge” - 1993)

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N’y a–t-il pas désordre dans les lois actuelles sur le repos dominical ?

Les décisions de justice sur le travail du dimanche, c’est vrai, sont contradictoires : les juges ont des opinions personnelles différentes sur l’ouverture du dimanche, et le laissent transparaître dans leurs décisions. Cela est rendu possible parce que le principe du repos dominical existe toujours, mais il y a trop de dérogations disparates et injustifiées depuis la loi Maillé- Sarkozy. On en arrive à ce que des juges condamnent les infractions à l’ouverture du dimanche, mais avec des astreintes insuffisamment dissuasives. D’autres donnent raison à un patron qui porte plainte contre les autres, et d’autres encore annulent ce jugement… Avant la loi quinquennale de décembre 1993-janvier 1994 il n’y avait que 3 dimanches d’ouvertures autorisés. Cette loi Giraud avait envisagé 12, puis 8, puis 7, puis 5 au lieu de 3. C’est donc un débat hasardeux et artificiel. Rappelons que c’était avant « la crise » : cela n’est donc absolument pas nourri par l’actualité économique ou sociale. La loi Maillé, c’était pareil : il s’agissait en 2008 de déréguler pour déréguler afin de plaire au Medef, qui vise à casser « la semaine de 35 h » et de façon plus générale le « temps légal de travail ». Pareil pour le travail de nuit dans le commerce, qui n’a aucun intérêt économique, sauf de contribuer à « casser » les références journalières de limitation du temps de travail. Pour « simplifier » il faut rétablir le principe « interdiction du travail dominical » sauf dérogations nécessaires et motivées, contrôlées.

Quelle est actuellement la réalité du travail le dimanche ?

Sur 700 000 commerces, 22 000 sont ouverts légalement avec des dérogations préfectorales et municipales (zones touristiques, périmètres d’usage commercial exceptionnel…). De plus, il y en a quelques milliers ouverts illégalement. L’enjeu du « oui » ou « non » au travail du dimanche dans tout le secteur du commerce concerne 4 millions de salariés concernés avec emplois induits. C’est énorme pour la vie de ces 4 millions de personnes.

5 % des salariés travaillent le dimanche de façon régulière (hôpitaux, feux continus, transports, loisirs, là où c’est indispensable…) et 25 % occasionnellement. On dit que plus de 75 % des « sondés » seraient favorables à l’ouverture le dimanche, mais 85 % des « sondés » disent aussi qu’eux-mêmes ne veulent pas travailler ce jour-là… Les salariés de Leroy Merlin et Castorama ont été totalement organisés par leurs patrons : séances de formation avec des communicants sur leur temps de travail, déplacements payés, jours payés, transports et repas payés, T-shirts, banderoles, tracts payés. Ils habillent cela du mot « volontariat », mais le volontariat n’existe pas en droit du travail. Ce qui caractérise un contrat de travail est un « lien de subordination juridique permanent ». Aucun salarié de ce pays ne travaille le dimanche par « volontariat », mais parce que le patron le veut. En fait, mettre en avant des salariés qui « veulent » travailler le dimanche, c’est une manipulation complète.

Patrons et ministres invoquent relance de la consommation. Alibi ou réalité ?

C’est hors sujet. Ce qui sera acheté le dimanche ne le sera pas le samedi ou le lundi. Les porte-monnaies ne sont pas extensibles en ces temps d’austérité. Les magasins ouverts en fraude claironnent des chiffres d’affaires mirobolants majorés de 20 %… mais justement c’est parce qu’ils fraudent, violent la « concurrence » et se font de la « pub » en plus. Banalisé, le travail du dimanche sera vite démonétisé, avec des magasins vides ; ça coûtera plus cher et n’aura plus qu’un effet négatif pour les salariés, sans même une contrepartie financière.

Et la sauvegarde des emplois ?

L’ouverture généralisée profiterait aux grandes chaînes contre les petits commerces qui en subiraient le contre coup : il a été calculé (DARES) que ce serait un solde négatif de 30 000 emplois perdus.

Un emploi du dimanche sera un emploi de moins le lundi

Les grandes chaînes s’en tireront en embauchant des femmes pauvres et précaires ou des étudiants désargentés en turnover permanent, façon McDonald’s.

Ils « tenaient » les salariés pauvres en leur donnant des primes de 25 %, 30 %, 50 % parfois, mais très rarement 100 % : ces primes n’étaient pas inscrites dans la loi. Il était question pour appâter les salaries de légiférer en leur faveur… Vu que les salaires sont trop bas, les pauvres n’ont pas le choix, ils courent après 30 euros et ça se comprend.

Mais c’est fini. L’ordonnance Macron prévoit que les rémuné- rations ne seront pas majorées légalement dans les entreprises de moins de 20 salariés, les plus nombreuses. (97 % des salariés à Paris…).

Et au-delà de 20 salariés une éventuelle majoration de salaire le dimanche ou en soirée, ce sera du domaine de la négociation, de l’accord... donc aléatoire, puis instable, puis supprimable. Quand il sera certain que le dimanche le chiffre d’affaires est le plus bas de la semaine, quand les chalands ne viendront plus, les patrons diront que ça coute cher d’ouvrir le dimanche et refuseront toute prime.

Une nécessité économique dans les secteurs concernés ?

Il n’y a rien d’économique là-dedans, c’est idéologique : le patronat veut surtout déréguler la semaine et les durées du travail hebdomadaires. C’est pareil pour les ouvertures de nuit genre Sephora. Les touristes chinois qui restent six jours et demi à Paris en moyenne, ont tout le temps d’acheter dans la journée… ou en duty free à l’aéroport (surtout si celuici est racheté par des fonds chinois) ! Ça ne fera pas un centime de chiffre d’affaire supplémentaire ! Ce qui sera acheté le dimanche ne le sera pas le lundi.

Le but réel du travail le dimanche est de remplacer la semaine de 35 heures par des horaires « à la carte », comme l’exige le Medef. Toutes les activités commerciales et annexes peuvent être concernées par la déréglementation voulue par le Medef : vendre du parfum et de la fringue le dimanche, quel sens cela a-t-il ?

Une question de société, de civilisation

Le dimanche, c’est un jour de repos collectif, socialisé, facilitant les rapports humains pour toutes les activités de loisirs, culturelles, associatives, citoyennes, familiales et même sportives ou religieuses. Il arrive qu’un étudiant veuille travailler le dimanche, mais ce ne durera pas pour lui, et plus tard, qui gardera les enfants, qui fêtera leur anniversaire si les parents travaillent le dimanche ? C’est un vandalisme anti social que de supprimer un jour de repos commun, collectif, point de rencontre POUR TOUTES ET TOUS dans la société.

Remplacer la civilisation du loisir par celle du caddie : le caddie du 7e jour pour les salaries à Auchan, et le caddie pour le patron au golf ce jour-là.

Qui sont « les bricoleurs du dimanche » ?

Des braves gens qui pourraient faire leurs courses le vendredi après-midi s’ils bénéficiaient vraiment des 35 heures ou de la semaine de quatre jours.

Que défendent les syndicats hostiles au travail du dimanche ?

Le respect du principe du repos dominical voté en 1906 à l’unanimité par l’Assemblée nationale, et des dérogations limitées strictement aux nécessités. En vérité, on devrait réclamer le retour aux deux jours de repos consécutifs, dont le dimanche. La semaine de 5 jours (vers quatre jours de 8 heures) serait un minima et seule la réduction du temps de travail peut faire reculer le chômage de masse. Quant au salaire du dimanche dans les secteurs où il est contraint et nécessaire (santé, transports, loisir, restauration, alimentation, feux continus, etc…), oui, le salaire devrait être doublé par la loi avec repos compensatoire.

Bien sûr, il y a des travaux indispensables le dimanche, mais comme ceux de nuit ; donc des « dérogations » précise et motivées doivent être accordées, à condition qu’elles soient bien encadrées. Il faut qu’ils soient restreints et limités à ceux qui sont nécessaires et indispensables.

Argumentaire extrait du dossier spécial Analyse de la Loi Macron publié dans Démocratie Socialisme en décembre 2014.

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