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Comment le projet de loi Macron insécurise les représentants du personnel

Le dossier de presse remis le 10 décembre pour la présentation du projet Macron permet de savoir, enfin, ce qui se cachait derrière la volonté, discrètement affichée, de modifier la sanction pénale pour les entraves au droit syndical et aux fonctions de représentant du personnel (DP, CE , CHSCT) : rien de moins que la suppression de la peine d’emprisonnement associée jusqu’ici au délit d’entrave (« susceptible de dissuader les sociétés étrangères d’investir dans les entreprises françaises…»).

Et, peut-être plus encore, suppression de toute peine pénale, la formulation du dossier de presse ( «les sanctions pénales associées au délit d’entrave au fonctionnement des instances représentatives du personnel seront remplacées par des sanctions financières» ) pouvant laisser entendre que les sanctions financières pourraient n’être plus qu’administratives…

Le délit d'entrave devient moins sanctionnable

Est-ce si choquant qu’un patron qui fait entrave aux lois d’ordre public social concernant l’instauration et le fonctionnement des institutions représentatives du personnel, (comité d’entreprise, délégués du personnel…) soit punissable de peines de prison ? Cette peine figurait dans le Code du travail.

Pourquoi ? Parce que la Constitution française considère comme fondamentales les institutions représentatives du personnel : l'article 8 du préambule de 1946 repris dans la constitution de 1958 précise : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises »

En fait, les juges (hélas) n’ont jamais prononcé de peine de prison ferme pour délit d’entrave. Mais la menace existait quand même. En mai 2010 deux dirigeants de l'usine Molex, appartenant à un groupe américain, avaient été condamnés à six mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Toulouse pour ne pas avoir informé les représentants du personnel avant d'annoncer la fermeture de l'usine.

Certains « grands patrons étrangers » auraient dit leur inquiétude face à ce risque pénal – pourtant si exceptionnel et si peu appliqué. Leurs avocats auraient souvent agité ce « chiffon rouge », leur conseillant la plus grande prudence et les mettant en garde contre « la tentative de délit d’entrave ». Évidemment ils nous racontent, sans preuve, non pas que cela aurait dissuadé certaines entreprises de violer nos droits, mais que cela les aurait empêchées de s’installer en France.

Aussi, le président de la République lui-même a-t-il annoncé lors du deuxième "conseil stratégique de l'attractivité" ouvert aux patrons étrangers, qui s’est tenu le dimanche 19 octobre à l'Élysée, que cet article du droit pénal du travail serait annulé. « Les peines pénales associées au délit d'entrave, qui parfois même pouvaient être des peines de prisons qui n'étaient bien sûr jamais prononcées mais qui néanmoins pouvaient inquiéter, seront remplacées par des sanctions financières, et c'est mieux qu'il en soit ainsi », Macron exécute cette volonté présidentielle.

En contrepartie de la suppression de cette peine, le ministre du Travail envisage que les contraventions aillent au-delà des modestes 3 750 euros actuels. Mais quel niveau d’amende sera assez dissuasif envers des actionnaires milliardaires lointains et rusés pour leur faire respecter notre droit du travail ?

Poser la question, c’est y répondre : si la menace de prison n’était déjà qu’un « chiffon rouge », alors l’amende les fera rire. Une fois de plus, on est loin du François Hollande au Bourget, menaçant la délinquance financière : « La République vous rattrapera ». Là, il s’agit carrément de supprimer les moyens de la rattraper. Au moment de prendre leur décision de fermer, pour causes boursières, des entreprises, rien ne sera plus capable, même à l’état de menace, d’empêcher les spéculateurs de ne pas consulter les élus des salariés.

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