GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Féminisme

Confinement et violences conjugales

Partout dans le monde, les situations de confinement liées à la gestion de la pandémie entraînent une augmentation exponentielle des violences conjugales. En France, le ministre de l’Intérieur a déclaré lundi 6 avril que les signalements ont augmenté de 32 % en zone gendarmerie et de 36 % dans la zone de la préfecture de police de Paris.

Dans un article publié le 7 avril, France Inter note une hausse de 25 % des appels et des signalements sur le web au Royaume-Uni, des appels qui augmentent de 16 % en Espagne, une augmentation de 40 à 50 % au Brésil, et plus 20 % au Texas. Il en va de même, indique le journaliste, en Inde, en Tunisie, en Chine, etc.

Le huis clos, la difficulté pour communiquer à l’extérieur de manière discrète, le sentiment d’impunité du conjoint violent : tout concourt à une exacerbation des tensions.

L’urgence est là

Françoise Brié, présidente de la Fédération nationale Solidarité Femmes, qui supervise le numéro vert 3919 explique : « Il y a à la fois des femmes qui n’avaient pas verbalisé les violences mais qui, en vivant 24 heures sur 24 avec leur agresseur, se rendent compte que ce sont des violences, d’autres qui se sentent complètement piégées à leur domicile ou encore certaines qui se retrouvent sous une surveillance encore plus étroite ».

Que l’on comprenne aisément les relations de cause à effet ne doit surtout pas amener à banaliser les situations, comme une sorte de dommage collatéral inéluctable. De manière terrible, certains accueillants relatent comment des victimes elles-mêmes font du confinement une excuse au comportement du conjoint violent.

L’urgence de l’action est là et bien là.

À l’instar du plan déclenché en Espagne – mais en beaucoup moins ambitieux –, le gouvernement français a mobilisé les pharmacies pour qu’elles puissent en direct faire le lien avec la gendarmerie, financé des chambres d’hôtel... et ouvert une « ligne d’écoute à destination des auteurs de violences » dont on peut se demander, avec les associations féministes, si c’était bien là la priorité.

Des moyens ou des rustines ?

« Le gouvernement installe des rustines », dénonce le Collectif national pour les Droits des Femmes. Deux questions sont en effet aujourd’hui en grande souffrance : la connaissance des situations et l’organisation de la décohabitation.

En ce qui concerne la première, on peut signaler l’initiative de la gendarmerie de Lille qui a rouvert tous les dossiers de violences intrafamiliales des derniers mois et contacté systématiquement les personnes. Pourquoi ne pas systématiser cette démarche ? C’est certainement aussi important de mobiliser des gendarmes pour cette vérification des conséquences du confinement que pour le contrôle des dérogations de sortie.

Pour la seconde, les structures d’hébergement continuent à accompagner les femmes accueillies – et parfois dans des conditions sanitaires difficiles, car toutes ces structures n’ont pas été déclarées prioritaires pour les distributions de matériels de protection (masques, blouses, etc.) –, mais elles ne peuvent accueillir de nouvelles femmes. D’autant plus qu’elles tournent toutes et depuis longtemps à flux tendus.

Comment ne pas se dire que des drames auraient pu être évités si le gouvernement avait été moins frileux il y a quelques mois ? Car il faut bien comprendre que, parmi ceux qui se jouent actuellement dans le cadre du confinement, certains ne sont pas de nouveaux cas, mais des situations qui n’avaient pas trouvé de résolution positive par engorgement des dispositifs. Il faut comprendre également que, fonctionnant à flux tendus, les structures n’ont aucune marge de manœuvre pour libérer des places.

Le legs du déni

Plus que jamais, c’est donc le conjoint violent qui doit être amené à quitter le logement. Dans ce sens le gouvernement a annoncé la mise en place d’une plateforme temporaire de logements, à la disposition des procureurs pendant la période de confinement, qui permettra l’éviction des conjoints violents. Malheureusement, le nombre de places prévu est « de l’ordre de 70 ». Même pas un par département !

Quand, il y a quelques mois, le gouvernement a clos le « Grenelle contre les violences faites aux femmes », nous reprenions l’appréciation des associations féministes et autres structures d’accueil d’un total sous-dimensionnement des mesures prises*. Les femmes en payent aujourd’hui le prix fort. Certes, un engagement significatif de l’État sur cette question n’aurait pas répondu à toutes les situations, mais il aurait pour le moins conféré aux associations des moyens d’action qu’elles n’ont absolument pas aujourd’hui.

Enfin les associations s’inquiètent de la suite. « Beaucoup de femmes vont avoir besoin de soutien et d’accompagnement après le confinement ; on va avoir des situations qui se seront aggravées », prévient Françoise Brié. Le gouvernement doit s’engager à leur en donner les moyens.

Cet article de notre camarade Claude Touchefeu est à retrouver dans le numéro d'avril 2020 (274) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

* voir D&S n°270, décembre 2019, p. 16.

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