Levons-nous et découvrons-nous des milliers !
Ce sont des milliers de témoignages individuels qui ont déferlé sur les réseaux sociaux #Balancetonporc et #Metoo. Des milliers de morceaux de mosaïque jusque-là éparpillés se sont assemblés et ont composé à travers le monde une image de sociétés universellement machistes, sexistes et violentes vis-à-vis des femmes.
Certains ont essayé de circonscrire ces accusations à tel groupe social, telle religion, tel milieu professionnel ou politique, instrumentalisant la parole des femmes au profit de leurs propres discours. Certains se sont inquiétés de ce « balance » qui aurait ouvert la voie à un torrent de délations non maîtrisées.
Mais ce qu’il faut voir, c’est plutôt ce « MOI AUSSI » et le « TON » de #Balancetonporc. Bref, le fait que nous avons toutes connu de telles situations. Sifflées, harcelées, touchées, violentées, toutes les femmes ont croisé un jour un homme qui, parce qu’il était homme, s’est cru autorisé à considérer leur corps comme un objet d’appropriation. Et ce n’est pas parce que tous les hommes n’ont pas un tel comportement, que nous ne devons pas en voir son caractère universel et la responsabilité qu’a la société vis-à-vis des violences machistes.
Héritier.e.s
Le caractère « universel » au sens de « largement partagé sur l’ensemble de la planète » ne signifie en rien qu’il s’agirait là d’un mal inhérent à la nature humaine.
Comme le dit si justement Françoise Héritier – dont la réflexion continuera à alimenter les nôtres :
« On nous parle d’une nature, d’une nature qui serait plus violente chez les hommes, qui serait fondamentalement dominatrice, et on nous parle aussi d’accès de bestialité. Dans tous les cas, on a tout faux ! Ce n’est pas une nature, c’est une culture ! C’est justement parce que les humains sont capables de penser, qu’ils ont érigé un système, qui est un système de valences différentielles du sexe. Et cela s’est passé il y a fort longtemps. […] Et parce que ce n’est qu’une question de pensée, de culture, de construction mentale, nous pouvons penser que la lutte peut changer cet état de fait ».
Vite, une loi cadre !
Il s’agit donc bien de lutte. Et lutter contre un système, c’est en prendre toute la mesure, en comprendre les soubassements et les « déconstruire », en traquer toutes les manifestations et se doter de moyens pour les éradiquer, toutes, partout.
Cela signifie faire avancer le droit, donner les moyens matériels et humains à l’accompagnement des femmes victimes de violences dans le cadre familial comme au travail ou dans la rue, mais aussi penser l’éducation, la santé, la police, la justice, ou encore l’audio-visuel, l’urbanisme….
C’est pour cela qu’en France comme de nombreux pays, les féministes revendiquent une loi-cadre à l’instar de la loi « organique contre la violence de genre », votée en Espagne en 2004. Une loi-cadre qui soit à la hauteur des enjeux actuels.
En deçà des enjeux
Chaque nouvelle mesure est certainement « bonne à prendre ». Et l’annonce faite par Macron, le 25 novembre – journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes –, de l’ouverture de dix unités de psycho-traumatologie dans les centres hospitaliers, ou encore l’augmentation des délais de prescription pour les mineur.e.s, sont de bonnes nouvelles, mais tellement en deçà de l’enjeu ! Et de l’urgence !
Non seulement il a présenté comme nouvelles des mesures déjà existantes, mais ces dernières « ne sont accompagnées d’aucun financement supplémentaire. Le budget du secrétariat d’État sera « sanctuarisé à son plus haut niveau », 30 millions d’euros. En 2017, il était de 29,81 millions d’euros. Les féministes mesurent l’effort sans précédent... », soulignent ironiquement 100 militantes dans une déclaration rédigée au lendemain des annonces présidentielles. Elles poursuivent de la sorte et visent juste. « Deuxième angle mort : le travail. 25 % des agressions sexuelles ont lieu au travail, où les rapports de domination se cumulent avec le lien de subordination et le risque de perdre son emploi pour les victimes qui auraient le courage de briser le silence. […] Ajoutons que le gouvernement supprime avec ses ordonnances les seuls outils de prévention au travail, les CHSCT. »
Alors que le gouvernement entend présenter l’an prochain au Parlement un projet de loi « contre les violences sexistes et sexuelles », faisons en sorte que la vague d’émotion suscitée ces dernières semaines, via les réseaux sociaux, se traduise par une loi globale, ainsi que des mesures concrètes... et financées !
Cet article de notre camarade Claude Touchefeu a été publié dans le numéro n° 250 de décembre de la revue Démocratie&Socialisme