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Une échelle, c’est fait pour monter !

L’actualité sociale tourne encore autour des ordonnances anti-travail. Une des mesures phare de ces textes scélérats concerne la « barémisation » des peines encourues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Que ce soit en droit pénal ou social, la récidive est une arme entre les mains du juge lui permettant d’aggraver les peines. Qu’en est-il en droit du travail ?

Rappelons que ce barème est destiné à quantifier la sanction du « trouble à l’ordre social » que constitue un licenciement sans motif « matériellement démontrable » et/ou sans rapport avec la gravité de la faute. Autre rappel : tandis que le salarié devra investir ses propres deniers (soumis à la pression du chômage de masse) dans la procédure, l’employeur utilise, lui, les ressources de l’entreprise pour se défendre.

Dernier rappel : le licencié dont la justice dira qu’il l’a été sans raison, obtiendra une réparation financière, mais restera licencié. Bien que le droit civil stipule que la réparation d’un dommage soit en rapport avec le préjudice subi, les ordonnances introduisent une exception à ce principe en matière de droit du travail.

Troublante exception

Il existe une autre exception, plus ancienne celle-là : le droit du travail échappe complètement à toute notion de casier judiciaire et, par conséquent, à toute notion de récidive.

Les défenseurs de la « barémisation » pensent que les entreprises doivent pouvoir prévoir les conséquences judiciaires d’un licenciement et que la simple erreur matérielle ne doit pas être sanctionnée aussi lourdement qu’une volonté manifeste de ne pas respecter la loi.

Si le premier argument est irrecevable (comme si ce n’était pas précisément cette imprévisibilité qui empêchait la commission de nombreuses infractions), le second mérite plus d’attention.

La justice a depuis longtemps répondu au besoin de différencier une première faute, parfois bénigne et faite de bonne foi, de celle faite à répétition et en toute connaissance de cause. Elle a inventé la notion de récidive entraînant l’aggravation des peines encourues au fur et à mesure de leur répétition.

Cette notion n’existe pas en droit du travail, pas plus que n’existe de base de données nationale des condamnations en droit social. Il est aujourd’hui impossible de savoir si une entreprise n’a pas déjà été condamnée pour le même motif que celui pour lequel vous la poursuivez.

Fichons les fraudeurs !

Toutes les sanctions pénales et civiles se sont durcies. Il a été créé de nombreux fichiers, mais pas en droit social. Il suffit par exemple d’être mis en garde à vue pour que votre ADN soit recensé dans un fichier. Une entreprise pratiquant couramment le travail dissimulé restera en revanche inconnue en tant que récidiviste.

La France couvre ses routes de radars et archive le moindre point de permis de conduire et, dans le même temps, crée un permis de licencier sans limite, ignore les infractions et délits lorsqu’ils sont le fait de personnes (pas toujours) morales.

Le Medef nous l’assure à longueur d’ondes et de pages : les entreprises ne fraudent pas et respectent le droit du travail. L’infime minorité qui y contrevient est une exception.

Alors, disons chiche à Gattaz ! Si les délinquants sociaux sont vraiment une infime minorité, il ne devrait pas y avoir d’opposition, au sein du Medef, à la création d’un fichier national de ces derniers. Cette proposition devrait faire l’objet d’un accord unanime de nos édiles et pourrait donc être rapidement transcrite dans la loi. À moins, évidemment, que le pseudo-Jupiter, plus pro-business que les businessmen, ne décide de foudroyer le moindre député « marcheur » qui se laisserait tenter par cette proposition alléchante... Sa mise en œuvre permettrait en effet de repérer facilement les fraudes répétées et organisées à grande échelle. Donc de les sanctionner lourdement.

Car, à propos d’échelle, l’existence d’un tel fichier permettrait d’ajuster le fameux barème en y introduisant un coefficient multiplicateur de sanction lorsque la récidive serait constatée.

Cet article de Richard Bloch est paru dans la revue Démocratie&Socialisme n°250 de décembre 2017

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