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Pour Macron : "l’État de droit, c’est moi !"

Bien des Bonaparte avaient leurs hommes de mains, leurs nervis, leurs sociétés du 10 décembre, leurs fonctionnaires plus fidèles à leur chef qu’aux institutions, pour nettoyer le terrain de tout ce qui aurait pu gêner le Bonaparte. C’était le cas pour le Napoléon 1er, pour Napoléon III, dit le petit, pour de Gaulle, et son Service d’action civique (S.A.C.) mais aussi pour Mitterrand avec sa « cellule de l’Élysée » et ses nervis en tenues de plongeurs sous-marins, coulant le Raimbow Warrior en 1985.

 La « société du 10 décembre » de Macron a encore quelque chose d’artisanal mais il est à craindre qu’elle soit appelée à un bel avenir quand on observe la façon dont Macron essaye d’en finir avec la crise actuelle.

Macron est un Bonaparte de pacotille

Macron est un Bonaparte de pacotille car un Bonaparte se doit d’apparaître comme étant au-dessus des classes, comme un « arbitre » au dessus des partis, tout en faisant la politique de la bourgeoisie, aujourd’hui, celle des 0,1 % les plus riches qui possèdent les grandes entreprises, les médias (75 premières pages de magazine pour Macron avant qu’il n’ait sorti une seule ligne de son programme en 2016-2017) et les banques.

Napoléon Bonaparte, comme son nom l’indique, était un vrai Bonaparte, Louis-Napoléon l’était un peu moins, mais tous les deux, non contents d’apparaître (conjoncturellement pour le second) au-dessus des classes, s’appuyaient sur une multitude de petits propriétaires terriens qui voyaient en eux les héritiers de la Révolution française. La Révolution qui leur avait permis d’accéder à la propriété de leur lopin de terre. Ils pouvaient donc, tous les deux,  gagner à coup sûr leurs plébiscites.

De Gaulle s’appuyait sur tous ceux qui croyaient voir encore en lui le dirigeant de la France libre et celui qui pouvait les préserver d’un nouveau coup d’État militaire, succédant à celui du 13 mai qui avait permis au « Général » d’accéder au pouvoir et de se tailler une Constitution à sa mesure, celle de 1958. Il pouvait donc, sans coup férir, gagner ses référendums… jusqu’à celui de 1969.

 Macron, le chargé d’affaire des 0,1 % les plus riches ne peut s’appuyer que sur les dirigeants de start-up et une fine couche de cadres supérieurs, ce qui n’est pas grand-chose. Sa volonté d’apparaître au-dessus des classes, d’être à la fois « et de droite et de gauche », a rapidement fait long feu et il n’a pas fallu un an pour qu’il apparaisse aux yeux du plus grand nombre pour ce qu’il est réellement : le « président des très riches ». Et dès sa mise en place, le Premier ministre s’est trouvé réduit  au rôle de 1er commis de ce chargé d’affaires de la bourgeoisie.

Si Macron était un véritable Bonaparte, il soumettrait sa réforme institutionnelle à un référendum. Il en est bien incapable, car il sait que le résultat serait couru d’avance. De Gaulle, à chaque référendum affirmait « C’est moi ou le chaos ! ». Avec Macron, c’est déjà le chaos.

La contradiction entre la haute idée que Macron se fait de lui-même et le vide politique sidéral qui accompagne sa « pensée complexe » ont fini par éclater au grand jour. La contradiction devenait de plus en plus flagrante pour qu’il en soit autrement. Il semblait avoir remporté une victoire contre les cheminots et pourtant aucun boulevard ne s’ouvrait devant sa politique, contestée par des couches de plus en plus larges de la société. Ceux qui faisait encore confiance en sa volonté de « transparence » sont, maintenant, de plus en plus nombreux à percevoir l’opacité de son pouvoir.

La stature de Bonaparte de Macron ne tient qu’aux institutions de la Vème République, mises en place par Charles de Gaulle. Ces institutions sont, pourtant, devenues rapidement trop larges pour ses successeurs : Pompidou, Giscard, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande et surtout, maintenant, pour Macron, cet ingénu néolibéral. Ingénu parce qu’il n’a aucune expérience, aucune épaisseur politique et qu’il reste persuadé qu’un État se gère comme une entreprise avec tout l’arbitraire, la violence sociale qui en découle : un Trump au petit pied. Néolibéral parce qu’il est persuadé que la théorie du ruissellement » (même rebaptisée des « premiers de cordées ») est la seule réaliste et qu’il n’y a pas d’alternative.

Pas de Président sans l’appui d’un puissant parti

Tous, sauf Macron, avaient un parti puissant et expérimenté qui leur avait permis de gagner l’élection et de labourer le terrain des circonscriptions : le PS, l’UDF ou le RPR et ses nombreux avatars.

Les débats à l’Assemblée nationale ont montré l’amateurisme, le caractère évanescent de la REM dont les députés se sont trouvés incapables de répondre aux accusations des oppositions, de gauche comme de droite. Tous se réfugiaient derrière le Bonaparte de salon et lorsque ce dernier est passé du statut de « Jupiter » à celui de « muet du sérail », ils se sont retrouvés complètement déboussolés, incapables de gérer une crise à laquelle leur chef était incapable de faire face.

Ce n’est pas avec un tel parti dont les capacités politiques se limitent à la répétition des « éléments de langages » de l’Élysée, que Macron peut espérer « repartir à la conquête de l’opinion ».

Que faire après que tous les fusibles aient grillé les uns après les autres ?

Macron a d’abord affirmé que tous les responsables seraient sanctionnés. Mais, après que tous les fusibles politiques aient grillé, que tous les personnages audités par les Commissions d’enquête parlementaires se soient défaussés sur l’Élysée ou, plus honteusement, sur leur propre administration, il a été obligé de changer son fusil d’épaule.

Incapable de s’adresser à l’ensemble des citoyens, il a fini par avouer, devant son clan qui lui doit tout, qu’il était le seul responsable de l’ « affaire Benalla» qui devient donc l’ « affaire Macron-Benalla ». Il a même ajouté : « S’ils veulent un responsable, il est devant vous, qu’ils viennent le chercher ! »

Cette posture est non seulement d’une insigne lâcheté mais elle est aussi lourde de conséquences.

Elle est d’une insigne lâcheté car les articles 67 et 68 de la Constitution sont extrêmement difficiles à mettre en œuvre et qu’en pratique, un président de la République, est irresponsable juridiquement, tout comme il est irresponsable politiquement, puisqu’il peut dissoudre l’Assemblée nationale, alors que cette dernière ne peut pas mettre fin à ses fonctions. Il est donc impossible d’aller « le chercher » ! Il le sait et c’est pourquoi il joue les matamores.

Cette posture est, surtout, très lourde de conséquence car elle prend le risque que tout haut fonctionnaire se sente, demain, lui aussi irresponsable juridiquement, supposant qu’en dernier ressort, le Chef de l’État, mis devant le fait accompli, couvrirait ses turpitudes en se déclarant « seul responsable » comme il l’a fait pour l’ « affaire Macron-Benalla ». La démocratie vient, là encore, d’en prendre un sacré coup.

La « démocratie illibérale » de Macron

Tout son discours sur la « démocratie illibérale », contre le hongrois Victor Orban et son comparse polonais, déjà bien mis à mal par l’inscription de l’essentiel de l’état d’urgence dans le droit commun, la brutalité des interventions policières (très rarement sanctionnée) contre les manifestations ou sa politique envers les migrants, se retrouve maintenant vidé d’une très grande partie de son contenu.

L’État c’est moi affirmait Louis XIV. Macron répète l’aphorisme du Roi soleil mais sous la forme d’une farce, en décrétant que l’État de droit, c’est lui puisqu’il a tous les droits. Il affirme être le « seul responsable » de l’affaire Macron-Benalla alors qu’il sait fort bien que la Constitution de 1958 le rend « irresponsable ». Il n’hésite pas, non plus, à se moquer cyniquement des étroites limites que cette Constitution impose à la « démocratie libérale » en déclarant avec arrogance « qu’ils viennent me chercher ! »

Macron ne semble même pas comprendre l’effet boomerang d’une telle phrase qui jette une lumière crue sur  les limites étroites imposées à la démocratie par la Constitution de 1958 et le pouvoir discrétionnaire dont dispose un président de la République.

Une réforme constitutionnelle qui a du plomb dans l’aile

Macron aura sans doute quelques difficultés à faire passer sa réforme constitutionnelle. L’Assemblée nationale dont il veut diminuer la représentativité et les pouvoirs est, en effet, apparue comme l’un des derniers remparts de la démocratie face au pouvoir personnel, discrétionnaire de Macron.

La seule réforme constitutionnelle à avoir un sens, dans l’immédiat, serait d’en finir avec l’irresponsabilité d’un chef de l’État qui n’a aucun compte à rendre et qui s’en vante.

Un Président évanescent et un parti majoritaire sans consistance

La flagrante évanescence du Président, incapable de s’adresser directement aux citoyennes et aux citoyens en pleine période de crise, aussi bien que l’apparition au grand jour d’une inconsistance aussi sidérante de LREM, rendent encore plus difficile d’accepter la politique menée par ce chargé d’affaires des 0, 1 % les plus riches qu’est Macron.

Napoléon (encore lui) disait que l’on pouvait tout faire avec des baïonnettes sauf s’asseoir dessus. Macron commence peut-être à s’en apercevoir. C’est à la baïonnette, avec un petit bataillon encore en formation mais appuyé par la grosse artillerie des médias dominants que Macron  avait conquis la présidence de la République, sur un champ de bataille bouleversé de fond en comble par le quinquennat misérable de Hollande, le « costume » de Fillon, la division de la gauche au 1er tour de la présidentielle et la nécessité de faire barrage à l’extrême droite au second.

Aujourd’hui, Macron se réfugie derrière la ligne Maginot des institutions de la Vème République mais ces institutions ne peuvent pas tout. Encore faut-il un homme (ou une femme) capable de les assumer et un parti majoritaire qui soit autre chose qu’un poulet sans tête, courant dans tous les sens, quand son chef fait faux bond et trouve plus prudent de se planquer derrière les murs de l’Élysée.

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