La vacance de M. Hulot ou le bilan carbone de Macron
Le candidat Macron n’avait pas fait de l’écologie un axe majeur de sa campagne. Force est de constater que ses priorités étaient ailleurs. Et pour cause ! Le libéralisme se marie mal avec l’urgence environnementale. Il est même son ennemi juré. Mais, une fois élu, Macron a pris conscience de la force du discours écologiste dans le pays.
Les attentes sont de plus en plus tangibles. Le président de la République a donc, à force de publicité, donné une couleur plus verte à ses discours. Dès le 17 mai 2017, il nomme Nicolas Hulot, figure emblématique de la télé-réalité environnementaliste, ministre de la Transition écologique et solidaire. Le 1er juin, en réaction aux propos de Trump annonçant le retrait US de l’accord de Paris sur le climat, gonflé à bloc et en anglais dans le texte, il conjure les Américains de rendre à la planète toute sa grandeur : « Make Our Planet Great Again ». Macrons serait-il devenu écolo ?
Des couleuvres au menu
Les mois à venir nous auront démontré combien il ne s’agissait là que de verdissement du discours, du « greenwashing », empruntant aux grandes entreprises des techniques classiques d’affichage public de leur responsabilité environnementale... sans réels impacts écologiques.
Ce faisant, le ministre Hulot avale quelques couleuvres. Il peut bien mettre à son compte quelques avancées comme l’abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes – dont nul ne sait s’il a été dicté par des convictions écologiques ou purement tacticiennes –, ainsi que quelques mesures dont le calendrier reste à préciser : emploi du diesel découragé (mais quid de la compensation pour les salariés impactés par la hausse des prix du carburant ?), fin des centrales à charbon, etc. Il n’empêche : après un an d’exercice du pouvoir, la liste de renoncements est très longue.
L’annonce de la fermeture des centrales à charbon1 s’est faite le même jour que le renoncement à l’objectif, fixé par la loi de transition énergétique de 2015, de baisser à 50 % la part de nucléaire dans la production d’électricité. Dans un même mouvement, le texte interdisant l’exploration d’hydrocarbures a été amendé, incluant des dérogations comme la poursuite de l’exploitation du soufre du bassin de Lacq. Le grand débat PPE2 apparaît bien inutile quand le gouvernement annonce déjà qu’il pourrait décider de l’ouverture de nouvelles centrales nucléaires...
Mesures significatives
Plusieurs projets hautement significatifs sont à mettre au crédit du gouvernement. Entre l’autorisation accordée au groupe Total d’importer 300 000 tonnes d’huile de palme pour son usine d’agrocarburants à la Mède – donc de continuer la déforestation massive – et a confirmation du projet Cigéo de centre d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure, rien ne semble les arrêter.
Même sentiment de désintérêt quant à la pollution atmosphérique. Mis en demeure d’agir par la Commission européenne qui menaçait la France, le gouvernement a écrit un plan d’action loin de l’urgence et des infractions auxquelles s’expose notre pays qui dépasse les seuils admis en termes de dioxyde d’azote et de particules fines. Quant aux réformes à la SNCF, elles n’incluent pas les impératifs de développement du fret par le rail, laissant toute liberté au transport de marchandises par la route.
Poudre aux yeux
Plus récemment, les discours offensifs de Macron contre le renouvellement de la licence de Monsanto pour le glyphosate ont été réduits à rien, quand, profitant d’une séance de nuit à l’Assemblée, le président de Rugy a laissé les députés LREM voter contre l’introduction dans la loi de l’arrêt définitif de commercialisation et d’utilisation du glyphosate en France dans les trois ans. La loi sur l’agriculture et l’alimentation a renoncé à toute forme de réglementation pour protéger les consommateurs. Outre la question du glyphosate, il y a aussi, par exemple, le refus d’interdire les épandages à proximité des lieux de vie, ou encore le rejet d’un amendement restreignant la publicité pour l’alimentation ciblant les enfants.
« Nous assistons à une régression larvée », selon Florence Denier-Pasquier, juriste de l’association France Nature Environnement (FNE)3. Plus qu’une agrégation de mesures, cette longue liste, à laquelle il manque certainement de nombreux chapitres, pose la base d’une dérégulation effective, symbole même du libéralisme, où tout est permis à celles et ceux qui en ont les moyens et le pouvoir.
- Sans aucune proposition concrète de reconversion pour les salariés concernés !
- Pour une programmation pluriannuelle de l’énergie
- « Sur l’environnement, lever les contraintes », Le Monde, 9 juin 2018.
Cet article de notre camarade Margaux Denantes est à retrouver dans le revue Démocratie&Socialisme été 2018