Le PS et l'élection présidentielle : Bilan et perspectives
La défaite du PS à l'élection présidentielle, dans un contexte
de mouvements sociaux importants, suscite de nombreuses interrogations,
dont la réponse se trouve... dans la ligne développée
par le PS. Un bilan, même partiel, est dès aujourd'hui
nécessaire afin de permettre de dégager au plus vite de nouvelles
perspectives politiques.
Une défaite royale due en grande partie à la
candidate du PS à l'élection présidentielle
Si tout comme en 2002, le projet du PS ne défendait
pas les véritables revendications de la jeunesse et des
travailleurs, Ségolène Royal l'a radicalisé à droite.
Alors que les récents mouvements sociaux ont montré
que les problèmes majeurs des français concernent le
droit au travail (bataille du CPE) et la protection sociale
(bataille sur la réforme Fillon), Ségolène Royal a
privilégié au cours de sa campagne un discours basé
sur l'”ordre juste” (absent du programme du PS) , les
“sécurités durables” et la “démocratie participative”:
des thèmes récurrents et qui sont entrés en porte à
faux avec les attentes de l'électorat du PS. Quand
les thèmes sociaux et économiques ont été abordés,
les propositions mises en avant sont souvent
restées très floues, n'inspirant alors aucune confiance en
ses propos. Alors que Sarkozy menait la bataille
avec un discours très libéral, cohérent, fort, charpenté,
visant à rassembler son camp sur des bases
solides, elle se mettait sur le même terrain
politique que Sarkozy avec des sorties déroutantes
(drapeau, Contrat Première Chance...),
ce qui désorientait son camp.
Durant la campagne,
le PS ne s'est jamais adressé au PCF
pour une rencontre afin de définir ensemble
les conditions d'un gouvernement commun.
Il n'a mené aucune campagne en ce sens.
Le PCF a donc pu pousuivre sa campagne
de dénigrementdu PS.
Pour les travailleurs, il n'y avait ainsi
aucune perspective crédible d'un gouvernement
commun à ces deux partis,
par
contre le PS passait un
accord avec ce vestige du parti bourgeois
de la IIIe République qu'est le
Parti Radical. La voix était donc ouverte
à Royal pour aller plus loin en se prononçant
entre les deux tours de l'élection présidentielle
pour un accord politique avec le
“centre”, en réalité avec un parti bourgeois,
l'UDF.
Alors, entre un candidat qui fait des propositions
et une candidate qui brasse du vent,
les indécis ont choisi celui qui proposait des
réponses concrètes, dussent-ils y laisser (au
moins) leur chemise. Si 75% des chômeurs ont
voté pour Royal, seulement 54% des ouvriers ont
voté pour elle, et seulement 57% des salariés...
tandis que 82% des commerçants et artisans et
67% des agriculteurs votaient pour Sarkozy. 48%
des ouvriers, une partie des salariés, un grand nombre
de Français dont les idées oscillent n'ont pas
vu de différence entre les programmes du PS et de
l'UDF, car si elles étaient déjà minces, Royal a, par
ses choix politiques et stratégiques, brouillé les lignes
politiques et ainsi rebuté une bonne partie de son électorat.
Mais attribuer la défaite du PS à un seul individu ne
serait pas juste : Royal est, avec sa propre individualité,
le produit de la ligne politique du PS.
En tournant le dos à la jeunesse et aux travailleurs,
le PS a préparé la défaite
Si la ligne programmatique du PS répond très vaguement
aux revendications des travailleurs et de la jeunesse, le PS a
plus d'une fois refusé l'occasion de construire une véritable
opposition à l'UMP, l'UDF et le FN. Loin de remettre en cause
sa politique, suite à la défaite de Jospin au premier tour de
l'élection présidentielle de 2002, le PS appelait aussitôt au second
tour de 2002 à voter Chirac, muselant ainsi pour un temps
toute opposition à Chirac, le légitimant avant son élection, alors
que ce n'est que par la rupture avec la logique des institions
qu'une véritable opposition aurait pu et du s'organiser. En 2005
le NON l'emportait au référendum sur le traité constitutionnel
européen, un NON provenant essentiellement des travailleurs et
de la jeunesse, qui désavouait et le TCE et la politique intérieure
de Chirac. La perspective de changer de gouvernement, mise en
avant par exemple par Emmanuelli qui avait dit que si le Non
l'emportait Chirac devait partir, fut soudainement
oubliée par tous ceux qui tinrent cette position, dès le
29 mai 2005 au soir. Enfin en 2006, alors que le mouvement contre
le CPE poussait à la démission du gouvernement Chirac-Sarkozy,
le PS ne broncha pas, au contraire Hollande (tout comme Buffet)
s'exclama : « attendons 2007 » !
Au sein du PS, l'opposition à la majorité de la direction a également
refusé de saisir l'occasion d'en terminer avec la politique
de Hollande : lors du référendum de 2005, Hollande et ses proches
se trouvaient désavoués, mais Fabius et Emmanuelli qui,
avec d'autres, avaient au sein du PS appelé à voter Non, laissèrent
Hollande en place. Pis même, Fabius, acceptait sans
broncher de se faire virer du Conseil National. Alors que le
Non au référendum ouvrait la perspective de renverser la
majorité d'Hollande (en demandant par exemple l'installation
d'une direction collégiale provisoire à la place du
premier secrétaire?), nos éléphants de « gauche » firent
l'autruche. Absence de combativité, peur du mouvement
des masses,
congrès à préparer en vue des élections ? Il faut donc
attendre patiemment le congrès du Mans en novembre
2005, qui débouche sur cette synthèse entre la plupart
des “chefs” du Non et ceux du Oui. “Oubliant” les
positions
qu'il avait défendu en 2005, Fabius menait en 2006
la campagne interne du PS sur les positions du projet
socialiste, issu de la synthèse. La victoire de Royal
dans la campagne interne du PS n'est que le résultat
de cette politique : le PS au lieu de défendre les
intérêts de la jeunesse et des travailleurs a refusé
de saisir les opportunités d'aller au pouvoir.. Ceci
a permis l'ascencion des carriéristes fourbissant
leurs armes et mettant leurs bataillons en avant
en vue des maroquins ministérielles, et l'opération
“Royal” lancée par les médias.
Enfin le mode d'élection, la désignation du
candidat, d'un individu par consultation “de
la base” est un mode très peu démocratique
car il est décalqué sur le système plébiscitaire
de l'élection du président de la Vème
République.
Mitterrand à juste titre parlait de “coup
d'Etat permanent”. Royal s'est installée
dans ce rôle de candidat bonaparte, permis
par le fonctionnement du PS.
L'histoire du PCF et de la SFIO nous
montre que lorsqu'un parti “ouvrièr”
va trop loin dans la collaboration de
classe, il meurt. Demi-tour, gauche!
Oui, mais sur quelle ligne politique?
Quelles perspectives
politiques avant et après les
législatives ?
La défaite du PS à l'élection présidentielle
trouve sa source principale
dans son programme qui, pour l'essentiel,
tournait le dos aux revendications
des travailleurs et de la jeunesse.
Les élections législatives suivant de peu les
élections présidentielles, Sarkozy peut espérer
une large majorité de l'UMP à l'Assemblée.
Cette nouvelle victoire de l'UMP pourrait
être limitée si le PS modifiait clairement
son programme sur quelques points décisifs :
le CDI pour tous, dès le premier emploi, l'augmentation
immédiate du SMIC à 1500 euros net,
la revalorisation des salaires, l'arrêt immédiat des
suppressions des postes statutaires de la fonction
publique, la création de tous les postes statutaires
nécessaires; une allocation d'étude, la même pour
tous les étudiants, indépendamment du revenu familial,
d'un montant permettant de vivre et étudier
décemment ; abrogation de la réforme LMD, et de la
LOPRI (Loi d'Orientation Pour la Recherche) , refus
de la loi cadre sur autonomie des universités; maintien
du droit de grève et refus du service minimum. En
tout état de cause, mais dans une situation bien difficile
après ces élections, la jeunesse et les travailleurs devront
se battre et réaliser l'unité sur ces revendications et
donc imposer au PS en particulier qu'il les reprenne à son
compte.
La question des alliances est inséparable de ces revendications : aucune alliance, aucun désistement pour le centre.
Les propositions de Sarkozy sont en totale contradiction
avec les revendications des travailleurs et de la jeunesse.
Aucune négociation avec les propositions du gouvernement
n'est donc acceptable; mais les directions syndicales déjà discutent
sur des réformes qui devraient être rejetées. L'Unef n'a
pas l'air de savoir sur quel pied danser avec la réforme annoncée
sur l'autonome des Universités. A l'inverse, il faut et faudra,
en tant que militant du PS et syndiqués, combattre contre toute
politique de négociation des syndicats, ...qui déjà « discutent »
avec le gouvernement.
A partir de ces perspectives politiques de programme et de lutte au
sein des syndicats, les socialistes seront à même de commencer à se
réorienter, d'aborder les élections législatives en meilleure situation
et de permettre à leur camp, celui de la jeunesse et des travailleursde
se rassembler contre le capitalisme.
Laure Jinquot