GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Le "projet socialiste" est-il antilibéral?

Assurément le « projet » socialiste adopté en l'état par le bureau national du 6 juin du Parti socialiste se distingue suffisamment du libéralisme, de la politique annoncée par Nicolas Sarkozy et déjà mise en œuvre, depuis 2002, par Chirac, Raffarin et Villepin, pour qu'on s'en serve contre la droite. Reconnaissons qu'avec un « projet » comme celui-ci, on est loin d'avoir tout ce qu'on veut, mais avec la droite on est sûrs d'avoir tout ce qu'on ne veut pas.

Et si on ne peut pas avoir mieux que ce « projet », il s'imposera de voter pour lui - ne serait-ce qu'au second tour.

Une fois ces précisions indispensables faites, ce « projet » en l'état est un des plus mauvais, des moins avancé qui ait été élaboré et présenté par une direction socialiste depuis au moins dix ans... Il est même en retrait par rapport au « projet » - perdant - de Lionel Jospin en mars 2002. Il ne reprend même pas les mesures que le Parti socialiste avait adoptées dans ses grandes conventions de 1996, ne tire ni les leçons du 21 avril 2002, ni celles du 29 mai 2005, il ne tire pas les enseignements des grands mouvements sociaux de 2003 à 2006, il est même en retrait de la « synthèse » faite au congrès du Mans (nov.2005) dans des conditions déjà très discutables...

On a l'impression que la direction actuelle de mon parti ne perçoit pas les grandes exigences sociales qui existent majoritairement dans notre peuple, parmi les salariés. Elle met le pied sur le frein : « on ne pourra pas tout faire, on n'aura pas le financement, il ne faut pas promettre plus qu'on pourra tenir... », tel est le leitmotiv le plus fréquent de François Hollande et le cœur de la divergence que mes amis et moi avons avec lui(1).

Car la France n'a jamais été aussi riche, la « cagnotte privée » n'a jamais été aussi grande, les milliards d'euro de bénéfices brûlés en dividendes, stocks-options, rachats d'actions, pourraient être récupérés par l'impôt et les cotisations sociales patronales, il y a 10 % de la valeur ajoutée qui, depuis 20 ans, a été indûment transférée des salaires aux profits, on pourrait et on devrait reprendre ces 10 points... cela représente 160 milliards d'euro par an, il y a de quoi financer le retour à une vraie retraite à 60 ans, de vraies 35 h, de fortes hausses de salaires, un santé remboursée à 100 %, une meilleure école, des logements sociaux, en un mot effectuer une vraie redistribution des richesses. Ce n'est pas un Smic à 1500 brut en 2012 (soit une augmentation totale de 21 euro en 5 ans, et de 3,5 € par an du Smic mensuel brut et de 2,75 € du Smic mensuel net...) qui y suffira...

Nos entreprises peuvent rester tout aussi compétitives si on hausse les salaires et si on baisse les profits ! Il faut reprendre au capital ce qu'il a pris au travail : tel est la clef d'une alternative !

Cette audace-là, manque totalement dans l'actuel « projet » socialiste, c'est pourquoi, le 22 juin, nous avons été prés de 10 % des militants à voter « contre », en interne, et 15 % à nous abstenir, c'est aussi pourquoi il n'y a eu que 40 % de votants sur 205 000 adhérents ! Le débat interne n'a même pas eu lieu : on n'a pu ni défendre un «projet » alternatif, ni même des amendements nationaux.

Pour autant l'affaire n'est pas jouée : cela rebondira forcément au-delà de la convention nationale du 1er juillet. Le « projet » Ps est plus que modéré alors que depuis cinq ans, l'urgence sociale s'est accrue : cette contradiction est explosive. A l'automne, l'unité de la gauche sera plus que jamais à l'ordre du jour et quand les salariés français apprendront que le Ps renonce à rétablir la retraite à 60 ans à taux plein, de vraies 35 h par la loi, à hausser vraiment les salaires, à contrôler les licenciements, parions qu'il y aura des «chocs » d'idées et que ça bougera.

Il faudrait des états généraux unitaires, des grandes assemblées unitaires de débat sur le « fond » des différents projets de gauche, et la confrontation nécessaire qui n'a pu avoir lieu en « interne » aura lieu en public. Le Ps constitue avec ses militants, un grand parti de gauche qui ne peut être fermé, verrouillé, la pression sociale et politique s'exercera sur lui, heureusement pour toute la gauche, et pour les salariés - force vive de ce pays.

Gérard Filoche (membre du Cn du Ps)

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(1): Avec Marc Dolez, et le courant « Forces militantes pour la démocratie le socialisme » j'ai défendu un projet alternatif (« pour une VIe République sociale ») et dix amendements, consultables ici(retour)

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