Le NPA et la question du pouvoir
La LCR, par la voix d’Olivier
Besancenot appelle à créer un Nouveau
Parti Anticapitaliste (NPA).
Cet appel s’appuie sur un besoin de radicalité
ressenti par de larges couches du salariat face
à la politique de Sarkozy, alors que les dirigeants
actuels du principal parti de gauche, le
Parti socialiste, ne proposent pas de politiques
alternatives à la hauteur des attaques de la
droite. Une droite qui veut en finir avec tous
les acquis du salariat depuis 1945 (le programme
du CNR est chaque jour remis en
question) et nous faire revenir au « pur capitalisme
» du XIXe siècle.
Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter les
propositions de François Hollande pour sortir
de la crise économique que la droite et le
patronat (qui en portent pourtant l’entière responsabilité)
entendent bien faire payer au
salariat. François Hollande ne dit pas un mot
sur l’augmentation du Smic, des salaires, ou
des minima sociaux ! Il fait, au contraire, la
proposition de baisser de 20% l’impôt sur les
sociétés tout en accordant royalement aux
salariés une augmentation de 25% de l’allocation
de rentrée scolaire et la mise en place
d’un chèque transport se traduisant,
d’ailleurs, par une nouvelle déduction fiscale
au profit des entreprises…
Cet appel s’appuie aussi sur la popularité
acquise par Olivier Besancenot dans les
médias. Il est évident que ce n’est pas le fruit
du hasard si les grands médias qui n’ont
jamais rien refusé à Sarkozy ont décidé de
mettre en valeur le promoteur du NPA. Leur
but est évident, ils veulent diviser la gauche
en deux parties irréconciliables : une gauche
radicale et une gauche social-libérale. C’est
dans la même optique qu’il essaie d’imposer
un duel Royal-Delanoë, au mieux arbitré par
les « Reconstructeurs », au sein du PS. Un tel
clivage de la gauche assurerait la victoire sans
difficulté de la droite à toutes les consultations
électorales d’importance : présidentielles
et législatives. Pour autant, il serait
hors de propos de condamner le choix
d’Olivier Besancenot d’aller défendre son
programme partout où il le peut (chez
Drucker par exemple). C’est de bonne guerre
et il a parfaitement raison de le faire. Il ne
devrait pas pour autant ignorer les calculs de
la droite lorsqu’elle lui facilite l’accès aux
grands médias et en tirer toutes les conséquences,
notamment concernant la question
du pouvoir et de l’alternative à opposer à la
politique de la droite. Il ne s’agit pas seulement
de témoigner, mais de battre la droite.
Le grand problème de la LCR était de se limiter
à n’être qu’un parti de contestation. Un
parti qui faisait, certes, des propositions mais
qui n’indiquait jamais avec quelles alliances
il pourrait les mettre en oeuvre. Le NPA a la
possibilité de rompre avec une telle politique
et de poser une question que la LCR ne posait
jamais concrètement : la question du Pouvoir.
L’impression qui dominait était que cette
organisation en était restée à la volonté de
postuler au pouvoir uniquement dans le cas
d’une généralisation des conseils ouvriers,
voire d’un « armement (tout aussi généralisé)
du prolétariat ». Mais jamais, cette option
fondamentale, qui aurait fait fuir nombre de
sympathisants de la LCR, n’était ouvertement
défendue, à l’exception de la campagne
d’Alain Krivine aux élections présidentielles
de 1969.
Nous sommes parfaitement d’accord avec
Olivier Besancenot lorsqu’il affirme que le
mouvement social, la grève, la rue, sont des
instruments déterminants du changement
social. Jamais la SFIO, la Convention des
Institutions Républicaines, le Ceres n’auraient
pu créer le Parti socialiste d’Epinay
sans l’énorme secousse de mai-juin 1968.
Cependant, mai-juin 1968 comme d’ailleurs
1995 et dans une moindre mesure la victoire
contre le CPE en 2006, ont montré les limites
d’un mouvement social sans débouché politique.
Le NPA doit donc répondre clairement à la
question de savoir s’il compte atteindre seul
les 51% des voix à l’élection présidentielle
qui lui permettront de gagner dans la foulée
les législatives et de prendre le pouvoir pour
changer en profondeur la société française.
S’il pense pouvoir atteindre seul (ou avec les
organisations «anti-libérales») ces 51% qu’il
le dise et il verra fondre ses partisans comme
neige au soleil. Une telle perspective, en effet,
n’est pas raisonnable et n’est d’ailleurs jamais
ouvertement défendue.
S’il estime que cela n’est pas possible pour le
NPA d’atteindre seul ces 51%, qu’il le dise
aussi et qu’il explique avec quelles alliances
et sur quel programme il compte prendre le
pouvoir. Car comment espérer pouvoir changer
la réalité sociale, politique, économique
en France, sans chercher à prendre le pouvoir
? Cela n’a strictement aucun sens, aucune
consistance. C’est uniquement en détenant
ce pouvoir qu’il est possible de changer la
réalité. Surtout si on veut, comme l’affirme
l’appel à la création du NPA, vouloir la changer
en profondeur. La politique, c’est de
l’économie et du social concentrés : il suffit
de prendre la mesure de la politique menée
par Sarkozy pour s’en persuader.
Que le NPA souhaite rester indépendant du
PS est parfaitement compréhensible mais cela
ne doit pas empêcher une alliance entre ces
deux forces. Le PS, en effet, est toujours –
Olivier Besancenot l’a reconnu à maintes
reprises – un parti de gauche, à la différence
du Parti Démocrate italien qui est devenu
maintenant un parti de droite (ou du centre ce
qui revient au même), c’est-à-dire un parti
bourgeois.
Si le problème du pouvoir a une quelconque
importance pour le NPA, il lui faut donc
rompre avec la politique de la LCR et
répondre à trois questions :
le NPA soutiendrait-il une majorité
parlementaire ?
le NPA participerait-il à une majorité
parlementaire ?
le NPA participerait-il à un gouvernement
de toute la gauche ?
Si le NPA expliquait clairement à quelles
conditions il accepterait de soutenir ou participer
à une majorité parlementaire, à quelles
conditions, il participerait à un gouvernement,
cela aiderait à changer la nature des
débats au sein du PS, cela marginaliserait
totalement Bayrou et sa politique de droite,
cela aiderait la gauche du PS à ancrer ce parti
à gauche.
Cela contribuerait, enfin, à initier un cercle
vertueux où la perspective d’un débouché
politique réellement alternatif à la politique
néolibérale, encouragerait le mouvement
social et où le renouveau du mouvement
social renforcerait l’orientation à gauche de
tous les partis de gauche et en premier lieu du
Parti socialiste.
L’important n’est pas de participer mais de
gagner. La NPA a la possibilité d’agir en ce
sens. Encore faudrait-il qu’il accepte de
rompre avec la politique de la LCR et agisse
comme le fait le Linkpartei qui, en
Allemagne, propose systématiquement aux
sociaux-démocrates du SPD de gouverner
ensemble contre la droite.
Au niveau fédéral, comme dans les Länder.
Dans la Sarre où auront lieu les prochaines
élections, Oskar Lafontaine vient encore de
proposer au SPD de diriger ensemble ce
Land. Pourtant, le SPD pratique une politique
qui n’a rien à voir avec celle du PS français
puisqu’il participe à un gouvernement de coalition
avec la droite, dirigé par la leader de la
CDU (l’équivalent de l’UMP), Angela
Merkel.
Jean-Jacques Chavigné